À l’occasion du congrès fédéral d’EELV ce 30 novembre, la motion
de rassemblement portée par Julien Bayou a remporté 92,6% des voix des
délégué-es et il a été élu Secrétaire national pour prendre la suite de
David Cormand.
Retrouvez ci-dessous son discours.
Seul le prononcé fait foi
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Notre congrès s’achève.
Il est la preuve que le meilleur n’est jamais sûr, mais que le pire n’est pas davantage certain.
La distance qui sépare l’un de l’autre est parfois ténue.
Entre ces deux pôles, nous nous avançons, hésitants parfois sur la marche à suivre, mais déterminés, pourtant, à prendre notre part du fardeau du monde.
L’écologie est travail de Sisyphe : pousser le rocher le long de la pente.
Mille fois, le rocher s’est échoué au pied de la colline de nos défaites. Mais mille et une fois, nous avons remonté la pente parce que l’espoir gonflait nos cœurs, parce que l’urgence nous enjoignait d’agir, parce que le sens devait triompher de l’absurde.
En devenant Secrétaire national d’EELV, j’ai bien conscience de la difficulté de la tâche qui m’attend, qui nous attend, puisque rien ne sera accompli sans un effort collectif d’abnégation et d’intelligence.
Je voulais d’abord vous remercier pour la confiance que vous me faites. C’est un grand honneur et une belle responsabilité, une lourde responsabilité, que de devoir animer et conduire notre mouvement dans la période qui vient.
À celles et ceux qui sont ici ce jour et que je n’ai pas convaincus, je tends la main : nous avons besoin de vous, nous avons besoin de tout le monde, pour réussir à mettre en œuvre la révolution de velours dont la planète a besoin. Pas un écologiste ne peut manquer à l’appel. Ma responsabilité est de construire un collectif agissant où chacune et chacun pourra trouver sa place.
Parce que notre premier défi est de construire enfin, ensemble, le grand mouvement dont l’écologie a besoin. Rien de grand ne se fait dans la petitesse, rien de haut ne se conquiert dans la bassesse.
Alors, je vous appelle, je nous appelle, à renoncer à toute forme de mesquinerie, de chipotage, de mauvais esprit. Du bon esprit oui, par contre. Mais jetons dans la même rivière de l’oubli les rancunes recuites et les divisions qu’elles nourrissent.
Soyons dignes de l’espoir que des millions de citoyennes et de citoyens placent désormais en nous. Nous n’avons plus le temps d’être médiocres.
Il y a quelques décennies, René Dumont avait annoncé « la barbarie ou l’écologie ». Nous y sommes.
Un nouveau cycle s’ouvre. La barbarie qui monte ne pourra être enrayée que par l’écologie. La barbarie que nous devons combattre a mille visages. La barbarie, c’est celle d’un système qui affame, exploite, domine et humilie sans relâche des êtres humains, c’est celle d’un système qui déforeste, assèche, blesse et saccage sans répit la nature.
La barbarie, c’est celle qui grandit dans les esprits, déborde sur les réseaux sociaux ou les plateaux télévisés quand la parole de haine répand son poison.
La barbarie, ce sont les insultes sexistes, agressions, viols et féminicides qui hantent nos sociétés.
À ce sujet, je voudrais dire aux forces politiques qui nous interpellent sur notre programme en matière de sécurité notamment. Quel est le vôtre ?
Vous savez, on compte 800 homicides par an en moyenne. Et la plus grande part, ce sont des homicides liés aux violences conjugales, intra-familiales, violences sexistes et à l’égard des enfants, violences que nombre de soi-disant responsables politiques s’évertuent à considérer comme relevant de la sphère privée pour ne rien faire.
Heureusement, il y a eu la formidable mobilisation « Nous toutes » et la marche historique du 23 novembre dernier pour mettre un coup de projecteur sur ce sujet crucial.
Du coup, nous devons être très clairs. Nous disons qu’un gouvernement qui ne prend pas ce sujet à bras le corps, qui en fait trop peu, comme ce gouvernement, un gouvernement qui n’est pas capable d’assurer la sécurité des Françaises n’est pas digne de gouverner ce pays.
La barbarie, ce sont les migrants qu’on abandonne, les humbles qu’on écrase, les faibles qu’on piétine.
La barbarie qui vient, c’est l’effondrement en cours, la destruction de la biodiversité, la menace du transhumanisme et l’oppression de la société de surveillance organisée par les GAFAM, ces multinationales qui détournent les recettes fiscales et dérobent notre vie privée.
Face à cette montée des périls, je ne vois que nous pour ouvrir un chemin d’espérance et conduire le changement.
Qui d’autre pour proposer un nouvel imaginaire ? Qui d’autre pour sortir du productivisme et du culte de la croissance ? Qui d’autre que les écologistes pour construire une nouvelle alliance politique et sociale majoritaire ?
Mais nous ne le ferons pas seuls.
Nous devons travailler au rassemblement de toutes
celles et ceux qui veulent que le système change pour que leurs vies
s’améliorent. L’écologie est désormais un sujet de première importance dans
presque toutes les catégories sociales, tous les âges, tous les territoires.
C’est autour de l’écologie que se restructure le débat politique.
Il faut bâtir une synthèse politique nouvelle. Elle ne sera pas le fruit d’accord entre les appareils. Elle ne proviendra pas du simple alignement de logos en bas d’une affiche. Elle ne pourra naître que d’une dynamique politique qui vise à redéfinir les frontières classiques de l’action militante. La nouvelle frontière que nous devons franchir, c’est celle de la participation citoyenne. Plus de deux millions de personnes ont signé la pétition l’affaire du siècle. Nous avons rassemblé dans les urnes plus de trois millions d’électrices et d’électeurs. Pour gagner, nous devons mobiliser ces millions de personnes de manière permanente… notre parti politique doit se distinguer des vieilles formations par sa capacité à faire de la participation politique le levier du changement.
Vous connaissez l’adage « ce qui se fait sans nous se fait contre nous ».
Eh bien, ne faisons pas sans les gens. Faisons avec eux.
Le temps des appareils refermés sur eux-mêmes est révolu. La société mobilisée est plus inventive et plus forte que ne le pensent les politiques. À leur manière, Extinction rebellion, Greta Thunberg et Youth for climate, le mouvement des gilets jaunes demandent tous à inventer une écologie qui parte d’en bas.
Nous ne sommes pas propriétaires de l’écologie. Nous en sommes les diffuseurs. La nouveauté, c’est qu’aujourd’hui la société est disponible. Enfin.
On a souvent parlé d’écologie populaire. Il est temps de la construire. Je conçois l’écologie populaire, précisément, comme un barrage au populisme nationaliste. Le peuple, au sens démocratique du terme comme au sens social de l’expression, doit trouver enfin sa place dans la force écologique qu’il nous faut construire. Ce sera l’une des priorités de mon mandat.
L’écologie appartient à tout le monde. Nous devons, en particulier, la rendre aux plus pauvres qui en ont été privés plus que nous toutes et tous parce que la concentration des richesses entre quelques mains se double d’injustices environnementales qui accablent les plus fragiles.
Et nous devons répondre par le pouvoir d’agir.
Moi qui viens des campagnes citoyennes, j’ai toujours défendu l’idée qu’une force n’est utile que lorsqu’elle se transcende.
Un mouvement commence à peser réellement sur le cours des choses quand il se montre capable d’embrasser au-delà des convertis, d’aller chercher ceux qui manquent, d’entrer en relation avec des secteurs de la population qui n’ont pas forcément les mêmes préoccupations, mais partagent néanmoins les mêmes aspirations.
Nous devons devenir audibles auprès de celles et ceux qui hier ne nous écoutaient pas. Nous devons casser les barrières sociales, abandonner nos propres œillères, pour construire une écologie enfin interclassiste.
Alors oui, notre écologie ne doit pas dresser des murs, mais jeter des ponts.
Elle ne doit pas donner des leçons, mais proposer des solutions
Elle ne doit pas excommunier, mais rassembler.
Elle ne doit pas désespérer, mais enthousiasmer.
Nous devons proposer à des millions de personnes de participer à la plus belle aventure qui soit, celle de la réinvention du monde pour le garder vivant.
Disons-le clairement, nous ne sommes plus les supplétifs de quiconque.
Je vous propose donc de passer à une nouvelle étape, de bâtir une nouvelle force, un nouveau mouvement qui sera le cœur d’une coalition majoritaire pour gouverner la France. Voilà le défi que nous devons relever ensemble. Oui, notre temps est venu. Oui, il faut un nouveau souffle. Et oui, trois fois oui, l’écologie doit parvenir au pouvoir.
Les élections municipales sont une étape clef. Mon premier travail sera de tout faire pour que ces élections soient une réussite.
Nous devons convaincre, convaincre et convaincre encore.
Engagez-vous donc sans réserve dans cette échéance. Inlassablement, parcourez les rues de nos communes, frappez aux portes, argumentez avec ardeur et raison (et le sourire !) et vous verrez que le succès nous sourira en retour
On cite souvent Grenoble, Bègles ou Grande-Synthe en modèles. Je vous le dis, de nouvelles mairies seront bientôt dirigées par des maires écologistes.
Parce que nos communes en ont besoin. Parce qu’il est temps de concevoir, construire, gérer et vivre nos villes différemment. La transition écologique sera d’abord locale ou elle ne sera pas.
Pour ces élections municipales, tout le monde nous copie. Tout le monde nous pille. Tout le monde nous imite.
Aux adeptes de la contrefaçon, je dis copiez-nous, mais copiez-nous bien. Et faites-le jusqu’au bout. Ne vous arrêtez pas en si bon chemin. Ne vous limitez pas à ripoliner en vert vos politiques dépassées.
Marine Tondelier explique régulièrement la différence entre les « écologistes mais », ceux pour qui l’écologie n’est jamais prioritaire et passe toujours après tel grand projet inutile, et les « écologistes point ». Et les « écologistes point », c’est nous.
Alors aux adeptes de la contrefaçon, nous répondons : « Changez de logiciel, osez l’écologie, mais osez-la vraiment. POINT. »
Et je dis aux électrices et aux électeurs : « Si vous voulez l’écologie, votez pour les écologistes. POINT. »
Un bulletin de vote vert est le meilleur passeport pour le changement
Je leur dis aussi : « Rejoignez-nous.
Nous avons besoin de vous. La transformation que vous désirez, nous devons la
construire ensemble. » La génération climat nous appelle et nous met au
défi de répondre aux questions brulantes qu’elle soulève par des actes forts et
non par des paroles creuses comme celles du président actuel.
La génération climat, elle est là, elle se lève et refuse de se faire confisquer son avenir. Elle agit, elle bouscule les conservatismes, conspue les égoïsmes, convoque les générations précédentes au tribunal de l’histoire. La génération climat manifeste et résiste aux projets inutiles, notamment à travers le projet Super Local dans lequel je vous invite à vous investir pleinement.
La génération climat vote et nous savons ce que nous lui devons. Demain, elle sera sur les listes.
La justice climatique est son étendard, la mobilisation citoyenne et la promotion des alternatives ses moyens d’action. Notre rôle est d’être à ses côtés.
La génération climat, au final, ce sont les générations futures qui répondent présent… Et nous voulons la mettre aux manettes.
J’en profite pour saluer Pauline Rapilly-Ferniot,
future maire de Boulogne, plus jeune tête de liste d’une ville de plus de 100 000
habitant-es. Elle est née après la chute du mur de Berlin, membre d’EELV et
également membre d’Extinction Rebellion.
On est avec toi Pauline !
Force est de constater que ces nouvelles générations
n’ont pas encore la représentation politique qu’elles méritent.
Je leur dis : « Influencer les décideurs est nécessaire mais ne suffit
plus, il faut les remplacer. Alors, là encore, rejoignez-nous. Forcez-nous à
changer. Nous avons des défauts ? Plein ! Oui, absolument. Venez les corriger
avec nous. »
Pour paraphraser l’abbé Pierre, il ne faut pas attendre qu’un mouvement politique soit parfait pour y commencer quelque chose de bien.
Ce mouvement est le vôtre.
Nous avons une feuille de route chargée à mettre en œuvre pour que l’écologie devienne majoritaire.
Aux Européennes, nous avons réussi notre percée.
Aux municipales, il s’agit de réussir notre implantation durable et notre ancrage.
Il faudra ensuite, pour les élections régionales, construire les rassemblements nécessaires pour que ces élections constituent le tremplin du changement.
Enfin, au terme de ce marathon électoral, la présidentielle. Et, cette fois, je vous le dis, il y aura une candidature verte. Pas une candidature de témoignage, pas même une candidature pour nous contenter de peser, mais bel et bien une candidature pour gagner.
La force de cette candidature sera de ne pas s’appuyer uniquement sur un parti ou même sur une alliance de partis, mais sur un mouvement plus profond de transformation de la société qui mobilisera plus largement les citoyennes et les citoyens. Nous ne nous laisserons pas voler l’élection de 2022 par le face à face organisé entre la bourgeoisie libérale d’Emmanuel Macron et les nationaux populistes de Marine Le Pen.
Nous ne nous laisserons pas voler l’élection de 2022.
Il faut dire les choses simplement : Premièrement, Emmanuel Macron, par sa politique inégalitaire et anti-écologiste, se fait marche pied de l’extrême droite et, en cas de second tour face à Le Pen, il pourrait perdre. Deuxièmement, oui, une candidature écologiste ferait un bien meilleur score face à l’extrême droite. Et trois oui, une présidence écologiste ferait un bien meilleur travail !
En 2022, nous devons être le mouvement qui rend possible l’alternative heureuse. Je vous promets de tout faire pour que nous soyons à l’heure au rendez-vous de l’écologie.
Il n’est plus temps d’attendre.
Mon mandat commence et mon discours s’achève.
Je veux dire merci.
Merci aux anciens Verts qui ont tenu bon quand l’écologie n’était pas populaire.
Ils et elles sont trop nombreuses et nombreux pour être cité-es, mais j’ai une pensée particulière pour ceux et celles d’Europacity, une belle victoire qu’on doit aux Dominique Damour, Michèle et Bernard Loup, Jean-Yves Souben et consorts.
Vous savez, mon grand-père était maire dans l’Hérault et sur les côtés de la mairie de Cessenon, il avait fait inscrire : « Respect aux anciens, confiance aux jeunes ». Je crois que, ce dicton, nous pourrions le faire nôtre.
Je veux dire aussi merci à David Cormand qui a tenu bon dans la tempête.
Merci aussi à ces femmes puissantes qui composent et animent notre mouvement, ces « sorcières » au sens noble du terme. Merci Esther, Sandra, Eva, Marie, Marine, Charlotte.
Et merci aux futures maires, ces femmes qui remporteront demain les élections :
Anne Vignot à Besançon,
Clothilde Ollier à Montpellier
Jeanne Barseghian à Strasbourg
Julie Laernoes à Nantes
Béatrice Vessiller à Villeurbanne.
Et un salut tout particulier pour une bataille qui va compter car il s’agit de l’emporter face à l’extrême droite : Agnès Langevine à Perpignan.
Un immense merci aux salarié-es du siège sans qui le mouvement ne tiendrait pas
debout aujourd’hui.
Et merci enfin à mes parents qui m’ont
donné le goût de l’engagement et de la désobéissance. Mon père était très
engagé et combinait ses mobilisations avec de la fanfare. Ma mère était
porteuse de valises et son exemple m’habite et me guide.
Pour finir, un dernier mot.
J’aimerais insuffler dans notre combat de la bienveillance, de la détermination joyeuse, de la douceur, de la dérision et de l’amour.
Notre écologie est un combat. Elle doit aussi devenir une fête.
Parce que « si ta révolution ne sait pas danser, ne m’invite pas à ta révolution. »
Je croyais que c’était une phrase du sous-commandant Marcos mais, à nouveau, c’est une femme, une révolutionnaire américaine, Emma Goldman.
« Si ta révolution ne sait pas danser, ne m’invite pas à ta révolution. »
Alors apprenons à danser.
Merci encore et en avant les écolos !
Julien Bayou
Photo ©Chloé Guilhem