Même révisée de 1,75 % à 1,5 %, l’hypothèse de croissance retenue par le gouvernement pour son budget 2012 est, de l’aveu même de la majorité des économistes, largement surévaluée, puisque le consensus des conjoncturistes vient de tomber sous la barre des 1%.
A l’automne 2010, le gouvernement avait déjà présenté son budget avec une prévision de croissance surestimée : 2 % pour 2011 et 2,5 % pour 2012. L’INSEE vient de confirmer que la croissance des deuxième et troisième trimestres était quasiment nulle, rendant définitivement inatteignable l’objectif affirmé initialement par le gouvernement pour 2011.
Quant au projet du parti socialiste, il table sur une croissance fixée arbitrairement à 2,5% sans jamais préciser comment il y parviendra.
Cette surestimation systématique de la croissance à venir est le symptôme d’une société qui ne sait plus vivre ou résoudre les questions sociales ou budgétaires sans la référence à une croissance mythifiée.
Cette attente illusoire, destinée à rassurer marchés, acteurs sociaux et économiques, ne permet pas de prendre les bonnes décisions politiques. Au lieu de s’illusionner sur le retour de la croissance et l’augmentation mécanique des recettes fiscales qui devraient en découler, la responsabilité politique voudrait que soient prises des mesures plus efficaces et plus justes, par un retour à la progressivité de l’impôt et la réorientation des dépenses publiques.
Le philosophe Hans Jonas pensait que nous devions construire au XXIème siècle une « éthique de l’incertitude ». Nous, écologistes, pensons que cette éthique doit s’appliquer aussi aux prévisions politiques et budgétaires. Plutôt que de tabler sans cesse sur des prévisions irréalistes, la responsabilité consiste aujourd’hui à admettre que personne n’est, dans le contexte économique mondial, capable de maitriser la réalisation d’objectifs de croissance en France, ni même de les prévoir raisonnablement.
Le réalisme consiste à travailler a minima plusieurs scénarios de croissance, au-delà des seules variantes à 0,5 % qu’envisage timidement Bercy, à en estimer les conséquences sur les équilibres budgétaires, sur l’emploi et sur le pouvoir d’achat pour que le débat démocratique puisse avoir lieu.
Le réalisme serait surtout de construire un modèle économique qui résiste aux variations conjoncturelles. Un modèle qui ne se donne pas pour finalité la recherche de la croissance, mais bien d’améliorer au quotidien la vie des françaises et des français. Car quel est le but de notre économie, est-ce d’augmenter le PIB, les revenus et le patrimoine des plus riches ou est-ce d’aider à créer des emplois, à répartir équitablement les efforts de solidarité, de permettre aux plus défavorisés d’entre nous de vivre décemment ?
Le réalisme, enfin, serait d’anticiper, au-delà des seules prévisions budgétaires, l’impact de ces scénarios économiques sur la raréfaction des ressources fossiles, sur le prix de l’énergie et des matières premières, sur la nécessaire réduction des émissions de gaz à effet de serre. Pour enfin coupler nos objectifs de création d’emplois et de diminution de notre empreinte écologique.
Car à force de dissocier objectifs environnementaux et objectifs économiques, les gouvernements successifs mènent des politiques incohérentes et irréalistes, ignorant les contraintes auxquelles leurs volontés de relance économique se heurtent inexorablement, à commencer par l’augmentation du prix du pétrole et celui des matières premières.
Le réalisme, aujourd’hui, est bien du côté des écologistes.
Pascal Durand, Porte parole d’Europe Ecologie Les Verts, et Eva Sas, Membre du bureau exécutif d’EELV, Responsable du projet économique et social 2012