La collision au large du Cap Corse entre un porte-conteneur et un roulier (navire qui transporte des camions) est un nouveau désastre environnemental dans un espace très fragile, la Méditerranée. Si, d’après le ministre de la transition écologique, les côtes seront épargnées, la pollution est réelle  dans un espace située dans le « sanctuaire Pelagos », lieu de protection de la biodiversité et particulièrement des mammifères marins.
   Si des responsabilités humaines sont en cause pour cet accident,  le problème principal est plus global : cet accident, s’il est « exceptionnel » d’après le préfet de région,  arrive dans un espace où l’activité humaine intense accroît sensiblement les risques.
   Alors qu’elle représente moins de 1% de la surface totale des océans, un tiers du trafic maritime mondial transite en Méditerranée, et 20% du trafic pétrolier.  Avec 220 000 navires par an,la navigation commerciale est particulièrement intense en Méditerranée occidentale. Ce trafic a littéralement explosé, multiplié par quatre en 25 ans avec le développement des échanges maritimes et du tourisme.
   Ces navires, paquebots de croisière, pétroliers ou porte-conteneurs, sont très polluants. Selon une étude de France Nature Environnement et NABU, un gros paquebot pollue autant qu’un million de véhicules, et  chaque année en Europe, les émissions du transport maritime causent près de 60 000 morts prématurés et coûtent 58 milliards d’euros aux services de santé. La biodiversité, très riche en Méditerranée, est particulièrement touchée par ces pollutions et le changement climatique, non sans  conséquence sur les activités de pêche. Pour ne donner qu’un exemple, la sardine a perdu 30% de sa taille et de son poids, et vit 5 fois moins longtemps. La Méditérranée est une mer fragile, quasi-fermée, dont l’eau met près de cent ans à se renouveler.
   L’accord de coopération entre la France, Monaco et l’Italie, le plan RamogePol, permet une une intervention concertée en cas d’accident, mais le cadre de prévention des risques reste insuffisant. Si les réglementations de l’Union Européenne se sont renforcées, elles restent écrites dans une logique où l’activité économique, la libre circulation des marchandises priment sur toutes les autres considérations, environnementale notamment, et ne permettrons pas de sauver la Méditerranée.
   On ne peut parler de la Méditerranée aujourd’hui sans évoquer aussi la catastrophe humanitaire quotidienne vécue par les personnes qui tentent de la traverser. Le paradoxe est choquant entre une gestion libéralisée du trafic de marchandises, l’explosion des croisières et le contrôle sévère du trafic de migrants, voire le mépris affiché par les Etats européens en la matière.
   La Méditerranée est malheureusement un cas exemplaire de la course à la consommation et au profit économique à court terme et qui mène à la catastrophe écologique et humanitaire sur laquelle alertent aussi bien les rapports du GIEC que les scientifiques. Il est encore temps de choisir d’autres modèles, pour la Méditerranée, et pour notre planète.
Julien Bayou et Sandra Regol, porte-parole nationaux