Deuxième séance du mardi 25 octobre 2011
Budget de la sécurité sociale, Anny Poursinoff… par Pompili
Extrait du compte-rendu officiel :
Mme la présidente. J’ai reçu de M. Yves Cochet et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à Mme Anny Poursinoff.
Mme Anny Poursinoff. Madame la présidente, mesdames les ministres, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, loin du bien-vivre et du bien-être que chacun peut espérer dans une société où le collectif a un sens, la majorité préfère renforcer la suspicion et l’individualisme.
Ainsi, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 consacre toute une section au contrôle et à la lutte contre la fraude. Même les fonctionnaires y sont montrés du doigt !
Les regards suspicieux sont là, aiguisés par la politique menée depuis 2005. Les plus pauvres, les plus démunis, les chômeurs, les étrangers ou encore celles et ceux au faciès différents doivent vivre dans une société qui leur est de plus en plus hostile.
M. Guy Lefrand. Vous assimilez les fraudeurs et les étrangers !
Mme Anny Poursinoff. Le scénario est bien connu : si l’économie française va mal, il faut des coupables, des boucs émissaires.
Or, ces derniers sont de plus en plus nombreux : 9,6 % de la population active est au chômage, ce taux passe à 23 % pour les jeunes ; 14 % de la population est contrainte de renoncer à des soins faute de ressources financières et 34 % des étudiants renoncent aux soins pour les mêmes raisons.
Pardonnez-moi cette introduction qui peut heurter les adeptes du politiquement correct, mais la réalité est bien là. La misère et la détresse sociale auxquelles sont confrontés nombre de nos concitoyens ne trompe pas, quoi qu’en dise Mme Pécresse. Votre chasse aux sorcières ne fait pas plus illusion que la méthode Coué par laquelle vous niez les évidences.
Il y a deux poids, deux mesures. D’un côté la chasse à celles et ceux qui coûteraient cher en profitant outrageusement du système, la chasse aux profiteurs de l’assistanat social. De l’autre côté les cadeaux fiscaux aux plus riches. Et ce ne sont pas les annonces cosmétiques de ces derniers jours qui feront oublier les milliards perdus par votre fausse réforme de l’ISF, par la baisse de la TVA sur la restauration, par l’exonération des charges sur les heures supplémentaires. Oui, monsieur Door, vous pouvez rougir.
C’est l’aveuglement avec lequel votre majorité refuse de changer de vision de la société qui est politiquement incorrect.
Quand les délocalisations se multiplient pour flatter les actionnaires, quand le chômage grimpe, quand le nombre des sans-abri explose, quand, avec toujours moins de moyens, les associations de solidarité croulent sous le travail afin de compenser un État déficient, c’est là que la protection sociale est particulièrement sollicitée. C’est là qu’elle doit être exemplaire.
Mesdames et messieurs les députés de la majorité, certains vont reconnaître une façon de parler qu’emploie Mme Pécresse lorsqu’elle s’adresse à nous : en temps de crise, notre système de protection sociale doit être maintenu et même renforcé.
Pour preuve, permettez-moi de revenir brièvement sur l’histoire sociale et économique de notre pays. Au sortir de la Seconde guerre mondiale, face au chaos, il a été décidé de bâtir une société nouvelle.
Au même titre que la construction européenne devait rapprocher les peuples, la solidarité nationale devenait l’un des socles de ce nouveau projet social. C’est une politique économique interventionniste qui a alors été entreprise. Il fallait tout reconstruire. Il fallait unir nos sociétés et ériger un système permettant de réduire autant que possible les inégalités, quelle que soit leur nature.
À cette époque, contrairement à aujourd’hui, le libéralisme économique n’était pas érigé en solution suprême, bien au contraire.
J’espère ne pas déranger Mme Pécresse…
Mme Valérie Pécresse, ministre. Je vous écoute !
Mme Anny Poursinoff. C’est vrai, vous ne m’écoutiez pas au début, mais maintenant vous le faites. J’ai cité plusieurs fois votre nom, cela vous a fait lever la tête !
Les crises économique et financière actuelles nous rappellent cette évidence : la régulation des prix et des salaires par le marché n’a pas démontré son efficacité. Certes, elle a enrichi les spéculateurs, mais cette politique a surtout dramatiquement creusé les inégalités. Quant à la politique d’austérité prônée par certains, ses conséquences sociales font craindre le pire.
En Grèce, la politique de rigueur dégrade la santé publique. Désormais, de nombreux Grecs sont dans l’incapacité de payer les cinq euros de franchise médicale qui sont exigés. Certains chômeurs atteints de diabète n’ont pas pu financer leur achat d’insuline, ce qui équivaut pour eux à une condamnation à mort. La solidarité doit aussi être organisée au niveau européen.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Ce n’est pas possible : l’insuline est prise en charge à 100 % !
M. Jean-Pierre Door, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour l’assurance maladie et les accidents du travail. C’est du Zola !
Mme Anny Poursinoff. Non, ce n’est pas du Zola ! On dirait que vous ne fréquentez pas les gens en grande difficulté.
M. Guy Lefrand. Ne soyez pas si agressive !
Mme Anny Poursinoff. Vous avez raison : de telles situations rendent agressif. Lorsque l’exclusion est telle que la vie est en jeu, il faut agir.
Il y a un an, alors que la mobilisation contre votre réforme injuste des retraites était au plus fort, nous vous avons rappelé le texte de l’ordonnance du 4 octobre 1945 qui a donné naissance à notre système de sécurité sociale.
Permettez-moi de recourir à la pédagogie de la répétition en citant à nouveau cet extrait : « La sécurité sociale est la garantie donnée à chacun qu’en toutes circonstances il disposera des moyens nécessaires pour assurer sa subsistance et celle de sa famille dans des conditions décentes. »
La République doit protéger ses citoyennes et citoyens. Or que fait le Gouvernement ?
Après avoir honteusement détricoté, lentement mais sûrement, la sécurité sociale héritée de l’après-guerre, vous nous proposez aujourd’hui des mesurettes de court terme.
Vos projections financières ne résolvent rien sur le long terme. Certes, vous nous présentez un plan de financement, une succession de taux, d’hypothèses et d’objectifs économiques. Pour brouiller le message, rien de tel qu’une énumération de valeurs et de chiffres difficiles à comparer avec ceux des années précédentes.
Face aux déficits sociaux, vous ne proposez que des pansements de court terme. Où sont les analyses permettant d’assurer la pérennité d’un système de protection sociale ne laissant personne sans secours ? Où sont les réflexions permettant de mettre en place de véritables politiques publiques de lutte contre les inégalités ? Où sont les ambitions pour une société solidaire ?
Avant d’ériger la performance comptable au rang de dogme, peut-être faudrait-il savoir où nous souhaitons aller. Pour nous, la croissance du PIB n’est pas synonyme de progrès social. Penser résoudre tous nos maux par la croissance est une illusion. L’hypothèse du taux de croissance de 1,75 % sur laquelle vous vous appuyez n’est pas crédible. L’OFCE prévoit pour 2012 une croissance de 0,8 %.
Plutôt que des projections fantaisistes, le monde réel exige une approche pragmatique.
Nous vous l’avons dit l’année dernière, les dépenses de fonctionnement ne peuvent pas être gérées par la dette. Il y a une absurdité dangereuse à agir de la sorte. Les diverses manipulations de la Caisse d’amortissement de la dette sociale renforcent le poids qui pèsera sur les générations futures du fait de votre incapacité faire face à nos dépenses actuelles. Nous sommes loin d’un développement responsable et durable.
C’est pourquoi, comme le proposent les écologistes, la dette, aujourd’hui logée dans la CADES, doit être intégrée à la dette publique de l’État.
Mme Valérie Pécresse, ministre. C’est déjà le cas !
Mme Anny Poursinoff. Pour assurer l’équilibre des comptes de l’assurance maladie, il convient de mener une refonte globale de la fiscalité : une extension de l’assiette des prélèvements, la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG, et la mise en œuvre d’une fiscalité écologique.
Pour assurer la sauvegarde de notre système de santé, il convient de rétablir l’équité contributive et de mettre en œuvre une fiscalité écologique et solidaire.
Votre projet de loi ne va pas dans ce sens.
Votre façon de gérer les déficits sociaux ne résout rien mais va au contraire conduire à l’implosion de l’ensemble de notre protection sociale.
Votre majorité a déjà demandé à celles et ceux qui se lèvent tôt de travailler encore plus et de payer encore plus.
Rappelons que la réforme des retraites – que vous avez imposée – pénalise celles et ceux qui effectuent des tâches pénibles, qui manipulent des produits toxiques ou lourds, et bien sûr les femmes !
Cette année, à quelques mois des élections, vous n’osez pas demander des sacrifices aussi directs. Alors, vous proposez de nouvelles économies, j’y reviendrai, et de nouvelles recettes. Aucune réforme d’envergure, mais tout un arsenal de mesurettes aux lendemains incertains.
En ce qui concerne les nouvelles recettes, celles-ci s’apparentent à un rafistolage à la va-vite qui ne peut se substituer à la refonte globale de la fiscalité que je viens d’évoquer.
Permettez-moi tout d’abord de dire quelques mots sur la décision de doubler la taxation des contrats d’assurance maladie complémentaire. Le fait de porter la taxe de 3,5 % à 7 % aura un effet désastreux sur la couverture maladie complémentaire de la population. Le tarif des mutuelles est en effet un facteur déterminant de la décision d’y souscrire ou non.
Aujourd’hui, 14 % des chômeurs, 8,5 % des ouvriers non qualifiés et 3,7 % des cadres n’ont pas de couverture complémentaire. Quant aux étudiants, 19 % déclarent ne pas avoir de complémentaire santé et 34 % renoncent à se soigner.
Certes, des dispositifs existent pour favoriser l’accès aux soins des étudiants. Je pense notamment à l’aide à la complémentaire santé et à la CMU-C.
Mais, pour atteindre leur objectif, il conviendrait de revoir leurs critères d’attribution. L’indépendance fiscale, la décohabitation ou encore l’absence de pension alimentaire constituent trois critères inadaptés au regard de la situation des étudiants.
C’est pourquoi il est nécessaire de simplifier l’accès à l’ACS, notamment en l’ouvrant de droit aux étudiants boursiers, sur le modèle de ce qui est fait pour les bénéficiaires du RSA.
Alors que les dépassements d’honoraires ne cessent d’augmenter, cette nouvelle taxe va encore fragiliser l’accès aux soins. Cette décision s’ajoute à la longue liste des déremboursements, des augmentations de franchises médicales, des fermetures de services hospitaliers.
À l’opposé de votre position, nous pensons que la sécurité sociale doit couvrir au moins 80 % des dépenses de santé. Une réforme ambitieuse de la fiscalité et une politique de santé liant l’éducation pour la santé et la prévention le permettraient, sans aggraver les déficits, au contraire. Remplacer de la sorte l’assurance maladie par les complémentaires et augmenter leur coût pour les citoyens est une fausse réponse au vrai problème du déficit. Surtout, c’est le recul de la solidarité.
La fiscalité comportementale que vous mettez en avant suscite également de nombreuses réserves. Votre projet de loi opère une confusion entre l’approche fiscale et l’approche santé publique. Il s’agit pour le Gouvernement d’une façon d’augmenter le prix des produits de consommation sans que cela influe réellement sur les comportements, sans que cela ait donc un impact au niveau sanitaire. Même M. Bur s’en inquiète.
Il est en effet admis qu’une hausse de la fiscalité parvient à avoir un impact sur la consommation uniquement si cette hausse est d’au moins 10 %. Les petites augmentations répétées n’ont que peu d’effet. Déguiser cette taxe avec un habillage de santé publique est donc illusoire !
Qu’il s’agisse de l’augmentation de la taxe sur le tabac ou de la taxe sur les boissons sucrées, les mesures ne sont pas à la hauteur des enjeux. Permettez-moi d’ailleurs d’en appeler au respect du principe de précaution concernant l’aspartame. Sa dose journalière admissible doit être revue, car ses dangers pour la santé sont avérés, et les deux centimes d’euros d’augmentation par canette ne répondent pas à une préoccupation de santé publique.
Quant à la taxe sur les alcools, contrairement à ce que laissent supposer les explications du Gouvernement, l’alcoolisme, responsable de plus de 37 000 morts chaque année, ne touche pas que les jeunes.
De façon plus générale, pour faire évoluer certains comportements, l’une des premières mesures à prendre n’est pas une mesure fiscale. Il s’agit, beaucoup plus simplement, d’opérer un changement de tutelle en intégrant la direction générale de l’alimentation au ministère de la santé et non plus au ministère de l’agriculture. Cela permettrait de placer la santé au centre des préoccupations et de se protéger des lobbys de l’agro-industrie. Cela permettrait aussi d’adopter une démarche globale en matière d’alimentation.
Je ne m’étendrai pas sur la nécessité de proposer dans toutes les cantines collectives des produits issus de l’agriculture biologique. En revanche, je vous parlerai de l’intéressante initiative du Danemark.
Pour lutter contre la consommation de graisses saturées, une taxe sur les produits alimentaires dits gras a été adoptée dans ce pays. Destinée à combattre l’obésité, elle s’applique à tous les produits gras. Les fonds amassés par cette taxe doivent servir à diminuer le prix de certains fruits et légumes. Vous l’aurez compris : pour que les décisions en matière de fiscalité aient un impact sur la santé, il faut avoir de l’ambition et une vision politique.
Ici, il n’en est rien.
Un autre point relatif aux recettes mérite qu’on s’y arrête. Il s’agit de la taxation des industries pharmaceutiques.
Afin notamment d’améliorer le système de formation continue des médecins, vous proposez d’augmenter le taux de la contribution sur le chiffre d’affaires des entreprises pharmaceutiques. Cet acte serait, de la part de votre gouvernement, quasi téméraire, si cette augmentation n’était aussi timide. Après que la nouvelle Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé a été si longtemps débattue, plus d’audace était attendue. Pourquoi ne pas tripler le taux actuel…
M. Guy Lefrand. Toujours plus !
Mme Anny Poursinoff. …et organiser réellement une formation continue et indépendante des médecins ?
Autre curiosité, le financement du dispositif d’ouverture de droits à la retraite pour les sportifs amateurs de haut niveau. Là aussi, l’audace manque à ce gouvernement. Quand on sait que le coût de cette mesure, évalué à quatre millions d’euros, équivaut aux recettes publicitaires d’un seul match du championnat d’Europe de football, pourquoi ne pas compenser ces nouvelles dépenses par la création d’une taxe sur les recettes publicitaires des sports professionnels ?
N’allez pas croire que nous en avons après vos amis qui dirigent les firmes pharmaceutiques ou les clubs de foot. Mon propos n’est pas là. Il s’agit simplement de mieux répartir l’effort de solidarité nationale.
Quant aux économies que vous proposez, elles suscitent toute notre inquiétude. Lorsqu’elles se font au détriment de la santé publique et lorsqu’elles sont synonymes de renforcement des inégalités, nous ne pouvons que marquer notre opposition à votre politique et demander le rejet de ce texte.
Au fil des ans, la santé publique est mise à mal. Le reste à charge des patients n’a cessé d’augmenter, avec les effets que l’on connaît sur l’accès aux soins et, donc, sur la santé de nos concitoyens.
M. Guy Lefrand et M. Philippe Vitel. C’est faux !
Mme Anny Poursinoff. Les déremboursements, la hausse du ticket modérateur, l’instauration d’un forfait de 30 euros pour les bénéficiaires de l’aide médicale d’État, la hausse du forfait hospitalier journalier, l’exclusion de certaines maladies des affections longue durée en fournissent quelques illustrations.
Alors que l’IGAS dénonce les dépassements d’honoraires, votre gouvernement propose un nouveau secteur dit optionnel qui n’augure rien de bon.
Quant à la poursuite de la convergence tarifaire, elle a déjà fait la preuve de ses effets pervers. L’hôpital public est délaissé, des services hospitaliers sont contraints de fermer et les déserts médicaux s’étendent.
Le dernier exemple d’économie faite au détriment des plus fragiles est donné par votre volonté d’harmoniser les indemnités journalières maladie, maternité, accidents du travail en partant du salaire net. Cela permettra certes de récupérer 220 millions d’euros, mais à quel prix ? Cette décision correspond en effet à une diminution de près de 6 % des indemnisations journalières versées en cas d’arrêt maladie. Pour un salarié au SMIC, c’est-à-dire quelqu’un qui gagne chaque mois 1 365 euros brut, soit 1 071 euros net, l’indemnisation mensuelle par la sécurité sociale passerait de 680 à 640 euros. Les plus fragiles seront donc encore plus fragilisés.
Cette façon de procéder fait penser à votre loi TEPA. En pleine crise économique, vous avez fait voter une loi qui finance indirectement la destruction d’emplois. La défiscalisation des heures supplémentaires a en effet conduit à rendre toute nouvelle embauche plus coûteuse que le recours aux heures supplémentaires ; c’est une façon très particulière de lutter contre le chômage. Quant à votre proposition de soumettre le complément de libre choix d’activité à la CSG, elle relève de cette même logique de mesurettes qui doivent panser le fameux trou de la sécu, alors qu’il faudrait repenser le système.
Quant à la petite enfance, la politique du libre choix se heurte à l’insuffisance de l’offre de garde collective publique. Dans son rapport de septembre 2008, la Cour des comptes estime que les résultats ne sont pas au rendez-vous ; notre collègue Martine Pinville l’a également brillamment démontré. D’une part, les congés parentaux concernent surtout les femmes peu qualifiées issues de milieux défavorisés et les éloignent durablement du marché du travail. D’autre part, le nombre de crèches progresse trop peu.
Le décret pris par Mme Morano le 7 juin 2010 n’a pas arrangé la situation, bien au contraire. Rappelez-vous la mobilisation « pas de bébé à la consigne ». Hélas, ce ne sont pas les modifications que vous proposez pour le complément de libre choix du mode de garde en faveur des familles monoparentales et des parents handicapés qui vont profondément améliorer la politique de la petite enfance. Il s’agit là de mesures d’affichage, bien en deçà des besoins existants.
C’est à un rééquilibrage entre les prestations financières et les prestations en nature qu’il faut procéder, en faveur, bien entendu, des équipements collectifs. Il est urgent de proposer un plan ambitieux permettant la mise en place d’un réel service public de la petite enfance.
Concernant la perte d’autonomie, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est également en deçà de toutes les attentes et bien loin des annonces gouvernementales. Pourtant, il est urgent de mieux compenser la perte d’autonomie. Il est urgent de proposer un éventail de solutions adaptées aux personnes, respectueuses de leur choix, ainsi que de mieux prendre en compte les aidants, qui, le plus souvent, sont des aidantes. C’est une réforme d’envergure qu’il convient de mettre en œuvre et non des mesures parcellaires qui, tout en étant nécessaires, manquent de cohérence globale.
Je le répète : la solidarité nationale doit couvrir ce risque.
Il ne saurait être question de se tourner vers l’assurance privée qui, à n’en pas douter, sera source d’inégalités, notamment du fait de son coût, et cela sans même garantir une qualité de service.
En presque cinq ans, la politique du handicap et la question de la perte d’autonomie n’auront pas bénéficié des moyens requis, ni n’auront été à la mesure des ambitions annoncées. La déception est grande, et plus que compréhensible.
Ce projet de loi est également trop timide en ce qui concerne la branche accidents du travail maladies professionnelles. Il faut mettre en place une meilleure prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles. Aujourd’hui, les salariés souffrent, au sens propre comme au sens figuré. J’ai déjà eu l’occasion de l’indiquer, ici même, mais, au risque de me répéter, voici quelques pistes qui mériteraient de susciter votre intérêt.
Sans m’étendre sur la nécessité de garantir une médecine du travail réellement indépendante, je souhaite attirer votre attention sur la nécessité de prendre en compte la satisfaction des salariés à l’égard de leur travail.
La mise en place d’un plan national d’ergonomie participative permettrait d’améliorer les conditions de travail, mais vous n’avez toujours pas daigné donner suite à cette demande.
Lors du débat sur les retraites, nous avons en outre insisté sur la pénibilité du travail. L’utilisation massive de pesticides, la manipulation de produits toxiques mais aussi le port de charges lourdes, les horaires atypiques ou encore le démantèlement des équipes de travail ont des conséquences sur l’espérance de vie. Les épidémies modernes – cancers, maladies cardiovasculaires, obésité, diabète, allergies, dépressions – sont la conséquence de nos conditions de travail, de nos modes de vie et de notre environnement.
M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Je croyais que le travail c’était la santé !
Mme Anny Poursinoff. On peut toujours plaisanter sur le fait que le travail c’est la santé, monsieur Door. Cela dépend des conditions de travail.
Près de huit millions de personnes sont touchées, en France, par une affection de longue durée. Pourtant, ces maladies sont largement évitables.
Qu’il s’agisse de l’amiante, de la poussière de bois, des pesticides, des OGM ou encore, peut-être, demain, de la laine de verre, des produits organiques persistants, des champs électromagnétiques, il est temps d’agir. Il convient également de ne pas oublier le principe de précaution quand la santé est en jeu.
Las, alors que la santé environnementale et au travail doit être un axe majeur de notre système de protection sociale, ce projet de loi ne prévoit pas de s’y atteler.
C’est en privilégiant une approche globale de la politique de santé que nous parviendrons à pérenniser notre système de protection sociale. À cet effet, il conviendrait de mettre en place une véritable politique d’éducation pour la santé et de prévention. Une approche seulement curative est obsolète. De même, une refonte de l’accès aux soins primaires est à mener. Enfin, il est nécessaire d’obtenir une meilleure répartition et coordination de l’offre de soins sur l’ensemble du territoire.
Vous le voyez, c’est tout le système de santé qu’il faut refonder.
Pour résumer mon propos, nous demandons le rejet de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour trois raisons principales.
Premièrement, les projections financières sont faites sur des bases fantasmées et ne résolvent en rien le problème de la dette sociale.
Deuxièmement, les nouvelles économies annoncées vont renforcer les inégalités, à l’opposé des principes inhérents à la solidarité nationale.
Troisièmement, ce projet de loi manque son objectif en s’en tenant à une approche obsolète, notamment en ce qui concerne la santé, et notre système de protection sociale en est fragilisé.
Ce projet de loi ne propose donc aucune solution crédible, bien au contraire. C’est pourquoi nous appelons à voter pour cette motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)