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A la veille de l’ouverture, lundi 15 octobre à Rome, du Comité des Nations unies sur la sécurité alimentaire mondiale, Pascal Canfin, ministre délégué chargé du Développement et Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, exposent la position française face à la volatilité des cours et aux déséquilibres structurels.
Le comité des nations unies sur la sécurité alimentaire mondiale se tient à Rome, du 15 au 20 octobre, alors que le prix des céréales approche les records atteints en 2008. L’annonce d’une récolte inférieure aux attentes aux Etats-Unis, du fait d’une sécheresse persistante, et les incertitudes pesant sur la récolte autour de la Mer Noire ont suffi à provoquer l’envolée des prix sur des marchés déjà sous tension. Les stocks sont au plus bas. La demande mondiale affiche une croissance continue, soutenue par l’augmentation des revenus des ménages dans les pays émergents.
Le gouvernement a annoncé dès septembre un plan d’action face à la hausse des prix mondiaux des céréales et des oléagineux : en effet, cette hausse est susceptible de mettre en péril la situation économique de l’élevage français avec des répercussions dans les industries de transformation et jusqu’au consommateur.
Mais cette hausse des prix a aussi des conséquences pour les pays du Sud. Conséquences dramatiques pour ces millions d’habitants dont les revenus ne permettent pas de faire face à la hausse des prix alimentaires. Devant cette situation, la France agit. Elle agit dans l’urgence, dans le cadre des mécanismes mis en place par le G20 sous présidence française. Le forum de réaction rapide permet de maintenir un dialogue constant entre les grands pays producteurs et les pays consommateurs. Cette évaluation partagée de la situation est essentielle pour éviter tant des achats de panique que la fermeture de certains marchés. Ces enchaînements ne feraient qu’accroître encore la volatilité des prix.
A côté de ces réponses d’urgence, il est tout aussi essentiel de construire des solutions de long terme. La sécurité alimentaire passe par le développement agricole au Sud. Trop longtemps, on a pensé qu’il n’y avait qu’une alternative pour l’agriculture dans les pays les plus pauvres : de grandes plantations dédiées à l’exportation de produits comme la banane ou le cacao, et des petites exploitations familiales “ vivrières ” produisant juste la nourriture suffisante pour leur subsistance. Il faut aujourd’hui développer dans les pays les plus pauvres une production d’aliments à plus grande échelle, tout en préservant évidemment l’environnement, pour le marché local, pour nourrir les populations urbaines et pour les marchés régionaux. Il faut aussi développer l’industrie de transformation et de stockage agroalimentaire car près de 30% de la production locale est aujourd’hui perdue faute de disposer d’installations adéquates. Ceci passe par des politiques agricoles adaptées aux différents pays, et décidées par ces pays.
Tout ceci, la Banque Mondiale l’a déjà dit dans son rapport de 2005 sur l’agriculture. Malheureusement, les choses n’ont pas beaucoup évolué. Nous devons continuer à faire partager ce diagnostic, et nous devons comprendre avec les pays concernés pourquoi ce qui peut paraître si évident ne se concrétise pas.
Cela passe par un meilleur dialogue et un meilleur échange d’expérience avec les pays les plus pauvres. Cela passe aussi par un changement d’approche sur certains sujets comme par la question des stocks. Trop souvent le terme de stocks de produits agricoles est associé aux errements du passé de la politique agricole commune en Europe. Mais une politique de stockage peut aussi être vertueuse : c’est un moyen de lisser les variations des récoltes et des prix, et stocker mieux signifie aussi éviter les gaspillages. La France a donc demandé à la FAO de relancer les discussions sur le sujet.
Nous avons aussi notre part de responsabilité dans les déséquilibres structurels actuels. Nous devons revoir nos politiques en matière de biocarburants. La France a demandé au niveau européen une pause sur le développement des biocarburants de première génération qui entrent directement en concurrence avec la production agricole destinée à un usage alimentaire.
Cette volatilité est également entretenue par les opérateurs financiers présents sur les marchés à terme de produits agricoles hébergés par les grandes places financières des pays du Nord. C’est pourquoi, dans les négociations en cours au niveau européen, la France soutient la mise en place d’un encadrement plus strict des marchés financiers : plus de transparence sur les opérateurs et leurs transactions, des dispositions pour éviter qu’un opérateur prenne trop de poids sur un marché, la réglementation stricte des opérations automatisées…
Enfin, la France apportera également son assistance à la mise en œuvre concrète dans les pays qui le souhaitent des directives volontaires de la FAO pour prévenir l’accaparement des terres qui est souvent le fait d’opérateurs venus des pays les plus riches.
Cette approche globale sur la volatilité des prix agricoles, nous la porterons ensemble lors du comité de la sécurité alimentaire, à Rome. Trop longtemps, l’agriculture a été le parent pauvre des politiques de développement. Nous montrerons qu’aujourd’hui nous avons besoin d’un renouveau agricole au Nord comme au Sud, fondé sur les agriculteurs, pour répondre au défi de demain, celui de nourrir 9 milliards d’êtres humains sur une planète aux ressources limitées.
Une réflexion au sujet de “(Mediapart) Au Nord comme au Sud, l’heure du renouveau agricole”
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Je recommande des deux mains. Ce serait dommage si nous étions relativement peux nombreux à le faire.