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Aline Archimbaud : proposition de loi sur le suivi des enfants en danger

Monsieur le Président,

Madame la Secrétaire d’Etat,

Madame la Présidente de la commission des affaires sociales,

Madame la Rapporteure,

Mes chers collègues,

 

Régulièrement, les drames concernant des enfants maltraités défraient la chronique. Ils sont extrêmement douloureux, mais ne sont malheureusement que la partie émergée de l’iceberg.

Chaque année en effet, environ 300 000 enfants sont pris en charge au titre de la protection de l’enfance. Prise en charge qui se répartit à égalité entre les mesures éducatives prodiguées directement au domicile de l’enfant, et les mesures de retrait de l’enfant de son milieu familial.

Pour éviter les drames à venir, l’enjeu est donc bien d’identifier (pour leur proposer, ainsi qu’à leurs parents, une aide adaptée), TOUS les enfants en dangers – c’est à dire, selon la loi, les mineurs non émancipés dont « la santé, la sécurité ou la moralité sont en danger », ou dont « les conditions d’éducation ou de développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises ».

 

En ce sens, la loi du 5 mars 2007 constitue un net progrès en poursuivant un triple objectif d’amélioration de la prévention, du repérage des enfants en danger et de l’intervention en leur faveur.

•                La notion d’enfant en danger a été substituée à celle d’enfant maltraité, afin de tenir compte de toute la palette de situations pouvant, physiquement ou moralement, mettre en danger les mineurs

•                La procédure de signalement des enfants en danger a été clarifiée, ainsi que les rôles respectifs de la protection administrative et de la protection judiciaire.

•                Un cadre légal a été fixé au partage d’information entre les professionnels soumis au secret professionnel de différents services participant aux missions de protection de l’enfance, pratique qui bien que tolérée par l’autorité judiciaire, était auparavant interdite en droit et donc susceptible d’être poursuivie pénalement par les parents

•                Enfin, pour pallier le partage insuffisant d’informations, les informations préoccupantes sur les mineurs en danger sont désormais centralisées et traités par les présidents de conseil général, qui sont donc devenus la clef de voûte de la protection de l’enfance.
C’est aujourd’hui sur leurs épaules que repose « le recueil, le traitement et l’évaluation des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger ou risquant de l’être », même si les représentants de l’Etat et l’autorité judiciaire leur apportent bien sûr leur concours.

 

Malgré toutes ces avancées, des lacunes demeuraient après 2007.

•                La proposition de loi sur le suivi des enfants en danger par la transmission des informations, qui nous arrive aujourd’hui au Sénat n’en traite qu’une, mais pas des moindres !

•                La prise en charge d’enfants en danger ou le travail d’évaluation concernant des enfants suspectés de l’être, sont parfois interrompus par un déménagement, une séparation, une mutation professionnelle, ou même parfois une volonté de se soustraire à l’autorité.

•                Un vide juridique existe alors, puisqu’aucun dispositif ne prévoit pour l’instant de transmission d’informations entre départements dans le cas où une famille déménage, même dans le cas où elle informe le département d’origine de sa nouvelle adresse.


C’est ce vide juridique qu’il s’agit ici de combler, en fixant un cadre
légal à la transmission entre départements des informations relatives aux enfants en danger :

•                Le président du conseil général peut désormais transmettre les informations et les dossiers concernant les enfants en danger – ou risquant de l’être – à son homologue du département d’accueil

•                Et dans les cas où la famille en question n’a pas laissé de nouvelle adresse, il peut demander communication de la nouvelle adresse aux organismes sociaux.

 

Sur cette mesure technique et qui va clairement dans le bon sens, les membres du groupe écologiste appelent donc bien évidemment à voter POUR ce texte, dans une version conforme à celle adoptée à l’assemblée nationale, afin que les dispositions ici prévues entrent en vigueur au plus vite.

 

En revanche, permettez moi quelques remarques :

Premièrement, les conditions dans lesquels ils nous est aujourd’hui donné d’examiner ce texte ne sont pas satisfaisantes du point de vue démocratique.

En effet, nous constatons en le déplorant que la proposition de loi a été adoptée à l’Assemblée Nationale le 13 janvier 2011, il y a plus d’un an, et que le gouvernement nous met en quelque sorte au pied du mur en nous contraignant à examiner ce texte en urgence et à l’adopter sans l’amender, pressés par la fin imminente de la session.

Ensuite, ce projet de loi est extrêmement restrictif, et ne résoud donc qu’une des lacunes laissées par la loi du 5 mars 2007.

J’en citerai trois :

1.             Ce texte n’évoque rien concernant les moyens et les missions du fonds national de protection de l’enfance (FNPE), qui manque cruellement de moyens financiers

2.             Rien non plus en ce qui concerne la difficile venue en aide aux Mineurs Isolés Étrangers, or il existe une très grande inégalité de fait dans la répartition territoriale de ces mineurs, et six départements accueillent en réalité la plupart des Mineurs isolés étrangers, soit environ 6000 jeunes : la Seine-Saint-Denis mais aussi Mayotte, Paris, le Nord, le Pas-de-Calais, et l’Ile et Vilaine.

•                Leur effectif suit par ailleurs une augmentation alarmante. A titre d’exemple en Seine-Saint-Denis, leur nombre est passé de 150 en 1997 à un peu plus de 1000 aujourd’hui.

•                La question de la répartition des compétences les concernant entre l’Etat et les départements n’ayant toujours pas été tranchée, ces départements se retrouvent donc, dans les faits, avec un surcoût important, mais également une surcharge très conséquente sur le fonctionnement de leurs services, qui déstabilise l’ensemble de l’aide sociale à l’enfance. Le travail des équipes est rendu difficile, et on demande à des travailleurs sociaux de mener une mission pour laquelle ils ne sont pas outillés

 

1.             3. Je terminerai par une dernière remarque concernant les décrets d’application, qui pose un souci en matière d’enfance en danger :

•                Le décret d’application de la loi du 6 mars 2000, visant à renforcer le rôle de l’école dans la prévention et la détection des faits de mauvais traitements à enfants, qui devait fixer les modalités exactes d’organisation des visites médicales de détection des enfants maltraités et
des séances annuelles d’information et de sensibilisation n’a toujours pas été pris, ce qui, douze ans plus tard, bloque malheureusement la mise en place de solutions préventives.

•                Et j’en profite pour rejoindre mes collègues sur la question des RASED : la suppression incompréhensible des RASED ne fait qu’aggraver la situation. Elle est inacceptable. Il faut écouter les syndicats et les associations qui lancent l’alerte sur ce sujet.

•                Concernant la loi du 5 mars 2007, 7 décrets restent à prendre, et les circonvolutions auxquelles a donné lieu la publication du décret concernant la remontée de données par les départements à l’Office National de l’Enfance en Danger pose un sérieux problème, puisque nous ne disposons donc pas de données fiables à ce jour, et ce depuis 2006, en ce qui concerne les populations prises en charge par les conseils généraux. Il faut absolument rattraper ce retard !

Merci de votre attention

2 réflexions au sujet de “Aline Archimbaud : proposition de loi sur le suivi des enfants en danger

  1. Bonjour,
    En complément du texte proposé par Aline Archimbaud, je viens attirer l’attention des élus EELV sur le délicat problème posé par un autre vide juridique, en l’occurrence celui d’une pratique de placement des mineurs (qu’ils soient en danger ou délinquants), que l’autorité judiciaire (juge des enfants) ou administratives (président de conseil général)confie à des établissements et services à l’étranger et en Afrique en particulier : Maroc, Sénégal, Mali entre autres.Cette pratique « confidentielle » communément appelée  » Séjour de rupture » offre une alternative pour un temps très court (3 mois renouvelable), aux placements traditionnels dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux, qui eux sont identifiés par la loi du 2 janvier 2002 ( article L.312-1 du Code de la l’action sociale et de la famille) Aucun texte du ministère de la Justice, de celui des Affaires Étrangères ou du secrétariat à la Famille ne vient encadrer cette pratique confidentielle qui concerne tout de même chaque année entre 600 et 1000 mineurs de 12 à 18 ans. Un rapport conjoint de l’IGAS et de la DSJ avec le concours de l’Inspection des services de la PJJ avait apporté en 2004, un éclairage pertinent sur cette question. Les préconisations de ce rapport ont été que très peu suivies. L’intérêt de ses structures n’est pas à remettre en cause à la condition d’un cadre juridique bien posé et d’un contrôle effectif des autorités concernées, sur les points pédagogiques, sanitaires, financiers et de sécurité(notamment en cas de troubles dans le pays d’accueil et ou de pandémie).
    Christian Szwed (ex inspecteur des services et chef de pôle à la PJJ)

  2. Ne faudrait il pas mieux repenser complètement le système de protection de l’enfance qui ne fonctionne absolument pas et avoir le courage de dire qu’il faut oser placer des enfants même si cela vaut très cher. Le tout administratif ne me semble pas une stratégie utile, elle n’est que moins chère et beaucoup de situation d’enfant en danger se détériore pendant plusieurs années. Comme dise souvent les enfants qui bénéficient d’une mesure de suivi éducatif: les éducateurs ils viennent chez nous une fois par semaine, mais la nuit et le week end il n’y a jamais personne.

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