Pascal Canfin, ministre chargé du développement, réponds à trois questions sur le projet de loi d’orientation et de programmation sur le développement
Vous avez présenté cette semaine un projet de loi sur le développement. Pourriez-vous nous en dire plus ?
Pascal Canfin : Depuis 18 mois la France a engagé la rénovation de sa politique de développement et de solidarité internationale. La loi que j’ai présentée au conseil des ministres ce 11 décembre constitue une nouvelle étape dans ce processus. Elle concrétise un engagement pris par le président de la République. C’est également la suite logique des Assises du développement et de la solidarité internationale qui ont réuni tous les acteurs et actrices du développement pendant quatre mois, de novembre 2012 à mars 2013.
Cette loi est la première loi de toute l’histoire de la Vème République sur le développement. C’est une avancée démocratique, qui tourne la page d’une certaine opacité qui régnait dans le domaine du développement, et apporte davantage de transparence et de contrôle démocratique. Désormais, le parlement pourra débattre et définir les priorités et les orientations de cette politique en direction des 100 pays les plus pauvres au monde. Nous mettons en place 30 indicateurs qui permettront de mesure précisèment les résultats de cette politique en matière de santé, d’éducation, d’accès à l’eau, etc.. Cette loi incarne la rénovation de notre politique de développement. C’était un objectif et un engagement de la Gauche depuis 30 ans. Aujourd’hui nous le réalisons.
Qu’est-ce que cela va changer pour la politique française en matière d’aide au développement, notamment envers les pays les plus pauvres ?
Pascal Canfin : Le développement durable devient la finalité de notre politique de développement, dans ses trois dimensions. Il s’agit d’inventer le nouveau modèle de développement capable de sortir 1,3 milliards d’êtres humains de la pauvreté tout en faisant en sorte que l’humanité puisse vivre à 9 milliards dans les limites de notre planète. Ma conviction est simple : dans le monde du XXIe siècle, nous ne pouvons pas faire reculer la pauvreté durablement si nous n’adoptons pas des modèles de développement soutenables sur le plan environnemental. Nous mettons ainsi nos outils de solidarité au service d’un autre mode de développement.
La loi consacre également l’approche par les droits que revendiquent depuis des années les ONG. Coordination Sud, qui fédère les ONG de développement, y voit d’ailleurs une vraie avancée. La loi insiste également sur la cohérence des politiques.
Pour moi, il est primordial que les efforts de la France en matière de développement ne soient pas annulés ou amoindris par l’effet d’autres politiques publiques qui iraient en sens inverse ; notamment les politiques commerciale, fiscale, ou agricole. Pour citer un exemple, je pense à la question des agrocarburants et leur lien avec la souveraineté alimentaire. Les problèmes de cohérence se jouent à tous les niveaux : du local jusqu’au global, en passant par le niveau national ou européen.
Quels sont les changements pour les acteurs du développement de solidarité internationale ? Et pour le grand public qui s’interroge souvent sur l’impact de l’aide ?
Pascal Canfin : Le dialogue et la concertation tiennent une place particulière. Depuis 2008, plus aucune instance ne réunissait les acteurs du développement. Avec la création du CNDSI (Conseil national du développement et de la solidarité internationale) à parité de femmes et d’hommes, nous mettons autour de la table toutes celles et ceux qui participent à l’action de la France dans le domaine du développement : des représentants de l’Etat, du Parlement, des ONG, des syndicats, des établissements d’enseignement supérieur et de la Recherche et des organismes de formations, des entreprises et des collectivités territoriales. Ainsi le dialogue avec la société civile peut repartir sur de bonnes bases.
Concernant le grand public trop de Français ignorent que la France est la quatrième contributrice mondiale de l’aide publique au développement
L’objectif de cette loi est aussi de sensibiliser l’opinion publique française à ces enjeux Nord/Sud qui sont au cœur de notre projet écologiste mais qui sont aujourd’hui méconnus par nombre de nos concitoyens.