– Pensez-vous que la logique collaborative qui émerge dans bien des domaines peut réellement supplanter la logique compétitive qui régit notre monde ?
La logique collaborative devient un élément de différenciation et peut entrer dans une logique compétitive, et tout dépend de la façon dont la collaboration prend place, pour quelles structures et avec quelle intention. Dans les entreprises par exemple, la logique collaborative peut s’appliquer avec les salariés, les fournisseurs, les clients dans une démarche co-créative, qui transforme de l’intérieur les modes d’innovations et l’ADN culturel de l’entreprise. Les effets d’une telle démarche permettent de se démarquer, à l’image de Starbucks avec la plateforme mystarbucksidea.com <http://mystarbucksidea.com> , de Brother avec la réinvention de son approche dans la vente de machines à coudre, ou de Nike avec la plateforme Nike+ dédiée au running (en partenariat avec ses utilisateurs). Ces approches collaboratives rencontrent un fort succès qui les différencie de leurs concurrents.
Mais une autre approche peut aussi être distinguée, avec la collaboration radicale, où des entreprises s’allient sur du long terme pour créer une valeur ajoutée qui fait sens sur des enjeux durables bien souvent. On sort ici d’une approche de compétition simple, où les entreprises ne s’allient que pour des opportunités transactionnelles, afin de baisser les coûts de R&D par exemple. Les approches de collaboration radicale devraient se multiplier à l’avenir, car le contexte économique et environnemental actuel est tel que nous devrons unir nos forces pour innover au service du bien commun tout en assurant la survie économique des entreprises.
– Dans votre ouvrage « Vive la co-révolution! », quel exemple vous semble le plus marquant ?
Difficile de choisir, car ils sont tous marquants et illustrent tous la manière dont l’économie et la société sont en train de changer, la façon dont se déploie une autre ère économique et sociale, une nouvelle révolution industrielle, ainsi que l’annoncent aussi J.Rifkin, C.Anderson ou bien encore M.Serres, à leur manière !
Il faut bien comprendre que les consommateurs ont évolué dans leurs comportements d’achat, ce sont des usagers participatifs qui prennent la parole et s’organisent de plus en plus par eux-mêmes, pour eux-mêmes et entre eux. Avec les services liés à la consommation collaborative, on voit émerger une nouvelle économie qui transforme en profondeur les modes de consommation. Que ce soit pour les transports avec la hausse de l’autopartage entre particuliers (Deways, Drivy, Citizencar, etc.), dans le logement avec la multiplication de la location de logement entre particuliers (Airbnb, Sejourning, Bedycasa), dans l’alimentation (La Ruche qui dit Oui, Super Marmite, Beyond Croissant, Bemyguest, etc.), le shopping (vestiaire de copines, tooshort), l’équipement (e-loue, zilok), etc. Dans la production, cela a aussi des conséquences: chacun peut aujourd’hui devenir un « maker », un « doueur » comme explique Joël de Rosnay. Les plans d’un inventeur peuvent s’échanger et s’améliorer en réseau sur la toile, les logiques « open source » modifie le rapport aux brevets, à la propriété intellectuelle, au management, à la création de valeur…
– Comment les responsables politiques locaux, nationaux et européens peuvent favoriser ces logiques ?
Pour l’instant ils sont timides, même si le numérique facilite les démarches de concertation. Le mieux est d’être à l’écoute de ces évolutions, d’essayer de les accompagner au mieux et de favoriser leur compréhension et leur développement en les aidant à adapter les cadres juridiques et législatifs. Le temps politique met plus de temps parfois à saisir les innovations de la société civile et de l’économie, le temps administratif est aussi plus long alors qu’il a tout à gagner de ces nouveaux outils et de ces nouvelles opportunités qui s’ouvrent à lui. Mais 2013 va aussi voir émerger des plateformes de démocratie participative , comme par exemple http://democratieouverte.org <http://democratieouverte.org/> ,.imaginées par des entrepreneurs citoyens qui ont envie de voir émerger une autre manière de faire de la politique. Cela va être intéressant de voir leur développement, leur impact réel sur l’expression citoyenne et la façon dont les politiques vont aborder cette nouvelle forme de démocratie et s’y adapter (ou pas…)!