3 questions à Jean-Vincent Placé
Quel rôle spécifique vont jouer les dix sénateurs écologistes dans une institution dont ils prônent une profonde transformation ?
Les sénateurs et sénatrices ont conscience de leur grande responsabilité : c’est le premier groupe parlementaire écologiste en France et c’est la première fois que le Sénat est gouverné par la gauche. Cécile a salué une double victoire. C’est maintenant pour nous une double responsabilité. Nous aurons une action interne et externe sur cette institution. Interne, en défendant notre représentation dans les différentes instances de décision et par des changements sensibles de l’organisation de la Chambre Haute. Par exemple en attribuant la présidence de la commission des finances à l’opposition, ce qui relève d’un vrai contrôle démocratique, ou en créant une commission dédiée aux problématiques écologiques afin de hisser ces questions à la hauteur des autres. Externe en défendant notre vision du Sénat, celle d’un Sénat des Régions dans une Europe fédérale, et qui sera au cœur de notre programme pour la présidentielle.
Le Sénat est passé à gauche tandis que la majorité est à droite à l’assemblée nationale. Un blocage institutionnel n’est-il pas à craindre ?
Cette victoire constitue une brèche gigantesque dans le système UMP qui détenait jusqu’ici toutes les cartes du pouvoir, tant au niveau exécutif que législatif. C’est la première marche, et marche nécessaire, pour la reconquête du pouvoir par la gauche en 2012. Nous serons donc un Sénat d’opposition, mais aussi de proposition. Notamment, les réformes constitutionnelles ne passeront plus si nous nous y opposons et nous nous battrons contre toutes les réformes socialement injustes ou écologiquement insoutenables.
Nous serons aussi respectueux de la mission du Sénat, qui est « d’assurer la représentation des collectivités territoriales de la République » (article 24 de la Constitution). C’est le rôle que nous jouerons, en étant à l’écoute des élu/es et particulièrement attentifs au respect des principes de subsidiarité, de libre administration ou encore d’autonomie financière, aujourd’hui largement remis en cause par le gouvernement.
Le basculement du Sénat permettra donc de rétablir un véritable dialogue démocratique entre les deux Chambres, sur le fond et sur l’ensemble des sujets. Mais en cas de désaccord ferme, l’Assemblée nationale a le dernier mot sur la plupart des sujets. La Constitution a déjà prévu cette configuration.
Quelles seraient les premières propositions de loi que la gauche et les écologistes pourraient défendre devant le Sénat, avant le printemps 2012 ?
Nous défendrons les propositions de loi adoptées de 1997 à 2002 à l’Assemblée nationale par la Gauche et les Verts, mais que le Sénat a toujours refusé d’examiner. Je pense notamment à la proposition portant sur le droit de vote et d’éligibilité des étrangers aux élections municipales et à celle portée par Noël Mamère, élargissant aux conseils de toutes les collectivités locales. Parmi les autres sujets, nous porterons des débats comme le statut pénal du chef de l’Etat et nous pourrons demander des commissions d’enquête afin de renforcer le contrôle du gouvernement. Pour les plus gros dossiers, comme les retraites, la Poste, les services publics, ou encore le Grenelle, qui constituent nos grandes priorités, nous devons attendre la victoire de 2012 pour les porter au gouvernement sous la forme de projets de loi. Mais dans l’immédiat, je serai orateur du groupe lors du débat sur le Projet de Loi de Finances et porterai à cette occasion les orientations de notre mouvement.