Eric Alauzet questionne le gouvernement sur l’optimisation fiscale
QAG d’Éric Alauzet sur optimisation fiscale 10 décembre 2014
Monsieur le ministre des finances, le G 20, l’OCDE, le Gouvernement, vous, moi, tous ensemble, nous disons qu’il est inacceptable que les entreprises s’implantent dans les paradis fiscaux pour ne plus payer ou payer très peu d’impôts.
Ces dizaines de milliards qui s’évaporent creusent la dette, pèsent sur la croissance et représentent une concurrence déloyale pour de nombreuses petites et moyennes entreprises, une injustice fiscale et un péril démocratique.
Or, trois faits récents viennent entacher la crédibilité de la France dans sa volonté de mettre fin à ces pratiques désastreuses. Hier soir, au journal de 20 heures de France 2, on apprenait que l’entreprise EDF détenait 99,8 % du capital de la société de réassurance Océane Ré basée au Luxembourg, ainsi que 4 % du capital de la réassurance de Total, dont le siège est situé aux Bermudes, où l’impôt n’existe pas. Ce week-end, c’était l’annonce de la cession par l’État d’une participation majoritaire dans l’aéroport de Toulouse-Blagnac à un groupe sino-canadien immatriculé dans les paradis fiscaux, aux Îles Vierges et aux Îles Caïman, et que des concurrents, même français, y soient aussi implantés ne change rien au problème.
Enfin, la semaine dernière, le projet de loi de finances rectificative pour 2014 actait un régime fiscal dérogatoire pour l’organisation en France de l’Euro 2016, résultat d’une entente fiscale entre le gouvernement précédent et l’UEFA, l’Union européenne des associations de football. Le fait que l’actuel gouvernement propose malheureusement d’étendre à l’ensemble des manifestations sportives internationales d’ici à 2017 une telle entente, dans la veine des négociations scandaleuses qui ont été opérées au Luxembourg entre les multinationales et le gouvernement Juncker, nous inquiète. Ces trois exemples, auxquels le Gouvernement est étroitement lié, sont en contradiction avec nos objectifs.
Dans ce contexte de doute, monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer que la France prendra dès 2015 les décisions nécessaires pour concrétiser les mesures du projet dit BEPS – base erosion and profit shifting, c’est-à-dire l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices – du G 20 et de l’OCDE contre les abus fiscaux des multinationales ?
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics.
Monsieur le député Alauzet, je vous remercie de cette question, qui va me permettre de préciser très exactement les choses. Il peut y avoir des raisons techniques, des raisons d’ordre juridique ou commercial pour qu’une entreprise, même publique, ait des implantations à l’étranger.
Cependant, et je vous le dis très clairement, je ne tolérerai aucune implantation qui serait réalisée en vue d’une optimisation fiscale. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP.) Et cela, le ministre de l’économie et moi-même l’affirmons auprès de l’ensemble des entreprises publiques dans lesquelles, évidemment, l’État est présent. Il nous sera rendu compte très exactement des implantations éventuelles ainsi que des raisons pour lesquelles celles-ci ont eu lieu et, à partir de ces informations, les décisions qui s’imposent seront prises, le cas échéant, pour mettre fin à des mécanismes d’optimisation fiscale.
Je veux que le secteur public soit exemplaire, afin que la France soit exemplaire et puisse porter à l’échelle européenne – nous le faisons d’ores et déjà – comme à l’échelle mondiale cette volonté, qui doit être efficace et effective, de lutter contre l’optimisation fiscale.
Ce n’est pas parce que, d’un côté de cet hémicycle, des décisions permettant l’optimisation fiscale ont été prises que nous sommes tenus de poursuivre dans la même voie aujourd’hui. Je le dis clairement et simplement, parce que cette bataille contre l’optimisation fiscale est absolument indispensable si nous voulons à la fois respecter les individus, les citoyens qui veulent que l’impôt soit juste, justement réparti et effectivement perçu, et garantir le bon fonctionnement de notre économie.
À défaut, cela crée des distorsions de concurrence entre les entreprises qui respectent et la loi et la morale, et elles sont très nombreuses, et celles qui ne le font pas.
Telle est ma priorité, notre priorité. Au cours de l’année 2015, monsieur le député, nous aurons avancé concrètement en Europe pour lutter contre les pratiques d’optimisation fiscale que vous dénoncez à juste titre.