Quatre questions à Pascal Canfin pour la sortie de son ouvrage « Imaginons » aux éd. Les Petits Matins
Pascal Canfin, écrire un livre en forme de retour d’expérience semble en vogue chez les anciens Ministres, mais le vôtre est d’une autre nature, alors pourquoi ce livre et pourquoi et comment les personnes avec qui vous dialoguez ?
Imaginons… est le premier livre politique écrit sous la forme de dialogues avec des Français. J’ai choisi cette forme originale pour deux raisons. La première est personnelle. Lorsque l’on est membre du gouvernement on passe des journées entières sans rencontrer de personnes en situation disons « normale » sans protocole, sans hierarchie… Il m’est donc apparu indispensable de nouer des dialogues simples, francs et directs. La deuxième raison est politique. Je veux montrer que l’écologie parle à tout le monde et qu’il s’agit d’un véritable projet de société qui peut séduire une ouvrière à la chaine comme un patron de PME.
Dans votre introduction « on aurait pu faire autrement » vous évoquez le poids des lobbies financiers, ce qui renvoie à votre expérience de co fondateur de Finance Watch, est il possible de « faire autrement » face à l’influence de ces lobbies et si oui, quelles conditions permettraient de rendre les choses possibles ?
La bataille de la volonté politique – et donc de l’intérêt général – contre les lobbies arc-boutés sur la défense de leurs intérêts particuliers est un enjeu majeur pour la démocratie. Et elle est dans l’ADN de l’écologie que ce soit contre les lobbies pharmaceutiques, du nucléaire, de la finance ou des énergies fossiles. Ce que j’ai constaté de l’intérieur, tant au niveau européen qu’au niveau français, c’est parfois la reprise pure et simple sans aucun recul des arguments avancés par une entreprise par certains politiques ou l’administration. Je donne dans le livre l’exemple d’une réunion à Bercy sur la suppression des aides publiques à l’exportation de charbon où le ministère des finances avait comme note de travail… les documents au logo d’Alstom. La solution c’est la construction de contre pouvoirs comme Finance Watch lorsqu’ils n’existent pas encore, la transparence et surtout l’élection de responsables politiques qui n’ont pas peur de heurter ces intérêts particuliers au nom de l’intérêt général !
Le titre de votre livre « Imaginons » est un appel à l’intelligence collective. Si vous deviez ne retenir que trois des pistes ouvertes par l’échange avec vos six interlocuteurs, quelles seraient elles ?
Je retiens d’abord l’échange avec Aline, ouvrière à la chaine qui a voté Le Pen en 2012, puis est entrée dans une section syndicale ce qui lui a permis de mieux comprendre le discours du Front national et aujourd’hui elle dit « plus jamais je ne referai cela ». Je pense aussi au dialogue avec le patron de PME qui montre qu’il y a de nombreuses convergences possibles avec des milliers d’entrepreneurs qui sont aussi des acteurs de la transition écologique. Nous ne devons surtout par nous laisser enfermer dans un débat absurde « pour ou contre » l’entreprise, mais nous appuyer sur ces milliers d’entreprises qui innovent, qui inventent l’économie verte, dans le bâtiment, les transports, la chimie verte, l’énergie et créer de nouvelles alliances pour continuer à changer la société. Enfin je pense que la réflexion ouverte par la création d’un contrat d’activité qui viendrait compléter le traditionnel contrat de travail est extrèmement prometteuse et je compte bien l’approfondir dans les prochains mois.
Après avoir renoncé à l’exercice des responsabilités gouvernementales vous souhaitez vous engager dans la bataille des idées. Pourtant depuis 2009 – l’échec de la Conference de Copenhague est un point de bascule essentiel – les idées portées par le projet écologiste sont en recul, et se heurtent aux perceptions de nos concitoyens fondées sur la dureté du réel : quand nous proposons la prospérité sans croissance, nos concitoyens constatent qu’il n’y a plus la croissance mais qu’il n’y a plus la prospérité. Comment changer cela ?
Gagner la bataille des idées est la condition pour gagner la bataille électorale. En 2009, l’idée selon laquelle, pour sortir de la crise, il fallait s’engager massivement dans la transition, dans un « new deal » écologique, était largement répandue, ce qui à contribué à notre succès électoral aux européennes, presque partout en Europe. Puis l’échec de Copenhague a jeté un froid. Aujourd’hui je suis persuadé qu’il y a une attente dans la société française pour un changement profond qui repose la question du sens, de la critique de la société de consommation qui emprisonne, d’une économie qui jette aussi bien les hommes que les objets, d’une alimentation en laquelle on ne peut plus avoir confiance. Autant de sujets qui sont au cœur de l’écologie politique. Et je montre d’ailleurs dans le livre que plus de 1000 communes ont voté à plus de 20 %, parfois 25, 30 % pour EELV aux dernières régionales. Ces 1000 communes sont essentiellement rurales et sur un »Y » qui part des Hautes Alpes vers le Pays Basque d’un côté et vers le Périgord de l’autre. C’est là qu’émerge un écosystème qui privilégie la qualité, la proximité, les circuits courts, l’économie solidaire, l’ancrage dans un territoire tout en étant ouvert sur le monde…C’est un électorat qui vient compléter notre électoral traditionnel des centres villes. C’est en nous appuyant sur ces tendances de fond à l’œuvre dans la société française que nous serons plus fort.
Bonjour,
Merci de nous faire une analyse des points communs des pays des 1000 communes de l’Y ‘écolo’ en terme géographique et de structure Rurale .
cdt
Pierre
ps : interlocuteurs pour une deuxième tome de votre livre : discussion avec un agronome, un sociologue, et un démographe