Projet de loi de finance rectificative : le débat au sein du groupe des députés
La position des député-es ayant choisi de voter “pour“
Malgré les insuffisances de ce texte nous faisons le pari de l’action dans la majorité parlementaire
Après deux années passées à soutenir un gouvernement auquel nous participions, gouvernement qui a mis en œuvre une politique de réduction des déficits dont nous avons toujours regretté l’absence de discernement et le caractère irréaliste sur bien des points, ce vote s’inscrit en cohérence avec ce que nous faisons au sein de la majorité depuis notre élection.
Nous sommes des députés de la majorité. C’est ce mandat que nous ont confié les électeurs en 2012.EELV ne l’a pas renié et l’a confirmé lors de son dernier Congrès.
Nous le sommes sur la base d’un choix stratégique d’EELV mais également parce que les Français nous ont donné cette feuille de route en nous envoyant au Parlement.
Cela suppose que nous acceptons des compromis qui ne sont jamais à la hauteur de nos ambitions, mais qui permettent d’avancer vers nos objectifs, au premier rang desquels l’adoption d’une loi de transition énergétique. Nous avons fait de cette question le « gros morceau » du bilan écologique du quinquennat. C’est notre appartenance à la majorité, malgré notre sortie du gouvernement, qui a permis de garder une capacité à négocier et donc à peser sur ce sujet ces trois derniers mois, notamment sur la question ultrasensible du nucléaire.
Concernant ce budget rectificatif, est-il la bonne réponse à la situation économique et budgétaire et à la situation politique, toutes deux très dégradées ?
Nous l’avons dit clairement : nous en doutons.
Ce collectif budgétaire n’est pas NOTRE texte, parce qu’il perpétue un double choix de réduction des dépenses publiques pas assez ciblé et une absence de contreparties aux aides aux entreprises. François Hollande se tire par ailleurs une balle dans le pied politiquement en reprenant le chiffre de 50 milliards d’euros d’économies alors que tout le monde sait qu’il ne sera jamais atteint !
C’est pourquoi nous avons porté collectivement au cours du débat des propositions pour cibler les interventions financières de l’Etat. Les cibler en faveur de secteurs intensifs en emplois. Les cibler en accompagnant prioritairement la transition écologique de l’économie. Les cibler en conditionnant les mesures en faveur des entreprises. Pour prendre l’opinion à témoin, nous avons dit notre conviction : elles ne porteront leurs fruits que si elles ont pour corolaire un engagement et des assurances quant à leur utilisation.
Nous avons aussi noté que la nécessité de rééquilibrer la politique fiscale commence à être entendue : dès 2014, un crédit d’impôts est instauré pour les personnes dont les revenus sont inférieurs à 1,3 SMIC. Il concerne ainsi des foyers qui sont entrés dans l’impôt ou ont vu leurs impôts augmenter alors que leurs revenus étaient restés stables. En l’absence d’une réforme fiscale que nous avons toujours souhaitée, cette mesure de justice montre bien que dans cette période de réduction des déficits et de soutien aux entreprises, on peut protéger les plus modestes. Et ceci est possible grâce aux recettes nouvelles de la lutte contre la fraude et à l’évasion fiscale – recettes que nous avons largement contribué, par nos amendements négociés au cours des deux dernières années, à créer.
Nous avons aussi obtenu du gouvernement qu’il renonce au gel des APL.
Cela suffit-il à rendre ce texte satisfaisant ? Non.
Ce texte est-il pour autant moins acceptable que d’autres textes que nous avions votés au nom de la solidarité majoritaire au cours des derniers mois ? Pas plus.
Nous avons toutes et tous au sein d’EELV des appréciations propres, des sensibilités politiques et économiques qui peuvent connaître des nuances Mais au fond, au moment de décider de notre vote, nous nous sommes posé une question simple :
En quoi un vote alternatif – en l’occurrence une abstention- aurait-il permis de mieux atteindre nos objectifs ?
Quelles en auraient été les conséquences ?
Du point de vue de l’adoption du PLFR, aucune. On l’a bien vu lors du scrutin : une seule voix des « frondeurs » socialistes a manqué au gouvernement. Une seule. C’est dire que notre abstention unanime n’aurait en rien changé le résultat final. La démonstration a été faite, tant dans les votes des amendements que sur le vote final, qu’il n’y a pas de majorité de rechange à gauche.
Par contre, au regard de notre objectif de construction de la loi de transition énergétique et de travail sur les textes de lois à venir au sein de la majorité, le signal aurait pu être contreproductif.
Comme nous le faisons systématiquement depuis 2 ans, nous avons choisi d’exprimer nos différences. De dire nos divergences. Mais de ne pas abdiquer, sur un vote de nature budgétaire, qui détermine qui est dans la majorité ou dans l’opposition, notre rôle de députés de la majorité.
Nous l’avons fait parce que les Français et nos électeurs attendent qu’on agisse et demandent que nos décisions soient utiles à nos objectifs – ceux pour lesquels ils nous ont accordé leur confiance.
Nous l’avons fait parce que nous sommes conscients que les parlementaires écologistes agissent à la mesure de leur poids dans la majorité, comme le font par ailleurs les vice-président-e-s de région ou les adjoint-e-s au maire. Un poids limité certes, mais qui est fonction et de nos résultats électoraux et de notre poids dans l’opinion.
Comme dans toutes les Assemblées, le vote d’un budget est un marqueur de l’appartenance ou non à la majorité. La solidarité majoritaire, ça va dans les deux sens. Et nous aurons besoin de cette solidarité majoritaire de l’ensemble du groupe PS sur la loi de transition énergétique, sans laquelle une partie du PS pourrait faire alliance avec le PC et le PRG (et un coup de pouce UMP) pour détricoter le compromis difficile que nous construisons pas à pas sur le nucléaire et l’ensemble de la transition énergétique contre lequel des lobbies puissants sont en embuscade.
> Nous ne nous résignerons pas à limiter notre action à un positionnement politique, à un « message » sans conséquences, qui sacrifierait notre capacité à faire bouger les lignes sur les questions qui fondent notre engagement. Nous nous battons pied à pied, texte après texte, pour obtenir des avancées qui seront utiles pour améliorer le quotidien de nos concitoyens – et particulièrement les plus vulnérables – et pour construire les bases d’une transition écologique. C’est le sens que nous donnons à notre engagement politique.
> Nous respectons les positions de nos collègues du groupe qui n’ont pas fait le même choix. Nous en débattons collectivement, et ce débat stratégique est un débat crucial, où il est légitime d’avoir des sensibilités différentes. Et nous pensons pouvoir dire qu’aucun d’entre nous ne pense qu’il y a d’un côté ceux qui ont raison, et ceux qui ont tort. Mais face aux contradictions inhérentes à notre situation de minoritaires dans une majorité, il faut parfois faire chacun notre choix, en conscience. C’est ce que nous avons fait.
Dix membres du groupe Ecolo à l’Assemblée on voté pour le PLFSSR : neuf sont membres d’EELV, un, Paul Molac, est proche de l’UDB.
Brigitte Allain, Eric Alauzet, Denis Baupin, Christophe Cavard, François-Michel Lambert,
Véronique Massonneau, Barbara Pompili, Jean-Louis Roumegas, François de Rugy
La position de Cécile Duflot
Pourquoi je me suis abstenue sur le PLFR ?
L’Assemblée Nationale a voté aujourd’hui sur le Projet de Loi de Finances Rectificative, j’ai choisi de m’abstenir sur ce projet de loi. Après deux années passées au sein du gouvernement, ce vote n’est pas de ma part un acte de défiance. Il s’agit pour moi d’un vote de conviction, conforme aux positions prises par mon parti au cours des dernières semaines. Il me semble néanmoins nécessaire d’en expliquer les raisons et les conséquences.
Lorsque j’étais au gouvernement, j’ai indiqué au Président de la République et au Premier Ministre, que les mesures d’économie de 50 milliards me semblaient trop lourdes à supporter pour notre pays et notre économie. De la même manière, l’affection de ces économies budgétaires au pacte de responsabilité à plus de 90%, c’est à dire à une baisse du coût du travail, plutôt qu’à une relance de l’investissement, me semblait à la fois injuste socialement et inefficace économiquement. Il me semblait nécessaire de ralentir le rythme de désendettement, de consacrer une part significative des finances publiques à l’investissement et de préserver les mesures sociales. Cela s’inscrivait dans une nécessaire renégociation de nos perspectives budgétaires au niveau de l’Union Européenne. Le gouvernement en a décidé autrement.
Le PLFR présente la traduction de ces orientations dans les documents budgétaires. Il ajoute à cela l’annulation de 250 millions d’euros de crédits dévolus à la transition écologique pour financer les innovations militaires au sein du Ministère de la Défense. Cette annulation me semble témoigner de l’incapacité du gouvernement à engager la transition écologique et à tenir les engagements pris par le Président de la République lors de la conférence environnementale. L’écologie ne peut être sacrifiée en étant considérée comme la variable d’ajustement d’une politique budgétaire. Quant à la baisse de la fiscalité, elle se résume à l’annulation d’une hausse, sans revenir sur la hausse de la TVA qui demeure injuste socialement et pénalise lourdement certains secteurs, comme celui de la construction.
Avec des députés socialistes, les écologistes et les communistes, j’ai défendu de proposer au gouvernement des amendements afin de rééquilibrer ces orientations. Ces amendements portaient principalement les propositions suivantes : préservation des crédits de l’écologie, maintien des dépense sociales, encadrement du CICE, remboursement des exonérations de cotisations pour les entreprises lorsque celles-ci ne tiennent pas leurs engagements, préservation de l’investissement public, notamment local et renforcement des emplois d’avenir. A l’exception d’un amendement écologiste portant sur les APL, aucun de ces amendements n’a été adopté. Tout au long de la discussion, à laquelle j’ai assisté du début à la fin, le gouvernement n’a pas souhaité étudier nos propositions. Il n’y a eu ni volonté de discuter, ni désir d’écouter, mais bien une simple fin de non-recevoir.
A partir de ces éléments, le groupe écologiste et les députés socialistes avec qui nous partageons la même analyse du texte ont fait des choix de vote différents. Certains ont considéré qu’il était prioritaire stratégiquement d’apporter un soutien au gouvernement, malgré nos divergences de fond. Avec d’autres, nous avons considéré que face à l’absence de dialogue et au maintien d’orientations inefficaces pour notre pays, il ne nous était pas possible de soutenir ce projet de loi de finance rectificatif. C’est pourquoi, je me suis abstenue. Cette abstention se fait avec la même motivation et les mêmes critiques que l’avait fait l’ensemble du groupe écologiste au Sénat lors du vote sur le budget en Décembre 2013, alors que nous participions au gouvernement, à la suite du vote contre le pacte de responsabilité d’une majorité du groupe à l’assemblée. Je poursuivrai ainsi mon travail parlementaire afin de proposer au gouvernement d’autres orientations plus fidèles aux engagements que nous avons pris devant les électeurs. Nous défendons de longue date que le Parlement retrouve une place plus importante dans notre démocratie, les mois et les années qui viennent doivent nous permettre de passer des paroles aux actes.
Cécile Duflot, députée de la 6e circonscription de Paris