Réforme territoriale : saisissons l’occasion d’aller vers l’Europe des régions plutôt que l’Europe des nations

La réforme territoriale telle qu’elle a été présentée par le Premier ministre est un des grands rendez-vous politique des prochains mois : calendrier resserré; probable déplacement des élections régionales et peut-être cantonales; fusion de régions qui va susciter un foisonnement de questions identitaires, culturelles; disparition programmée des départements ; des citoyens qui risquent de se sentir un peu délaissés dans ce débat.

Le texte du projet de loi, tel qu’il est présenté aujourd’hui, avant son étude par le Parlement, présente cinq traits saillants et deux limites importantes.

Les régions d’abord, se voient dotées de plus de pouvoirs afin d’agir directement sur le développement économique du territoire mais aussi sur sa trajectoire de développement durable. La loi prévoit de mettre en place deux schémas (l’un économique et d’innovation, l’autre de développement durable) qui seront prescriptifs. C’est là une avancée notable et très sensible pour nous écologistes qui avions porté haut et fort cette revendication.

Les régions auront un pouvoir législatif limité. Pour appuyer leurs expérimentations, la loi reconnaît aux régions une capacité à légiférer dans le cadre du respect des lois nationales. Là aussi même si ce pouvoir est restreint il s’agit d’une véritable avancée pouvant permettre une différentiation réelle entre régions.

Les régions seront moins nombreuses. Bien que la loi ne précise rien quant au nombre final à atteindre, Manuel Valls a déjà annoncé le nombre de 11 régions à terme. Un rapide tour de l’organisation des autres pays européens montre qu’il n’y a nulle obligation de limiter le nombre de régions ou de les agrandir. Il n’est toutefois pas absurde de repenser l’organisation territoriale en espaces de plus grande taille… A condition que ces super-régions ne soient pas perçues par les citoyens comme des « machins » bien trop éloignés pour avoir un quelconque intérêt démocratique et politique.

Les départements disparaissent…. à l’horizon 2021. Ils sont transformés en des sortes d’agences administratives et de gestion des questions sociales. Mais rien n’est indiqué dans le projet de loi quant au processus de disparition. Là aussi notons l’avancée de longue date réclamée par les écologistes de suppression de cette entité qu’est le département.

Les intercommunalités se renforcent pour devenir, avec les régions, l’échelon territorial le plus important. Cela va aussi dans notre sens. Mais il ne s’agit pas de faire des intercos au suffrage indirect et des régions éloignées des citoyens les principales instances de décision. Le suffrage universel direct apparaît comme une condition indispensable à la réussite de la réforme sur ces points.

La loi ne fait pas référence à l’égalité des territoires. Rien n’est mentionné dans la loi au sujet du pouvoir fiscal des régions, de la péréquation entre territoires riches et pauvres. Si la question fiscale est sensible actuellement il est absolument indispensable de fixer comme objectif à toute réforme qu’elle renforce l’égalité des territoires. En France la différence de richesse entre régions est de 1 à 1,8 quand en Allemagne elle n’est que de 1 à 1,2. Pourquoi ne pas se fixer un objectif de cet ordre en préambule de la loi ?

Et la question démocratique reste entière. Une grande incertitude demeure sur les aspects démocratiques : modes de décision des futurs territoires, consultation ou non des collectivités concernées et pas uniquement les régions, consultation ou non des citoyens ? Renforce-t-on la proportionnelle ? Le suffrage universel direct ? Profiter de cette réforme pour renforcer la démocratie et la représentativité des élus et non pour consolider des fiefs territoriaux imprenables, telle doit être la philosophie de cette réforme.

Nous écologistes y veillerons !


Sandrine Rousseau

membre du Bureau exécutif et porte parole d’EELV

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