« Pour l’emploi et la transition énergétique, il faut des marges de manoeuvre »

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On cherchera en vain, dans le programme de stabilité présenté ce 29 avril au parlement, une inflexion par rapport à la politique économique et budgétaire menée jusqu’ici : maintien de l’objectif de 3 % de déficit en 2015, maintien du plan d’économie de 50 milliards sur 3 ans et maintien des mesures d’allègement de la contribution des entreprises à la protection sociale. Dans ces conditions, peut-on considérer que le message que les Français nous ont adressé le 30 mars dernier a été entendu ? Rien aujourd’hui ne permet de le penser.

De ce programme de stabilité, les écologistes questionnent d’abord le rythme de réduction des déficits, qui impacte trop durement l’activité et l’emploi.

Si les écologistes ont pleinement conscience des risques liés à la dette, ils considèrent que des réponses ont déjà en partie été apportées. L’évolution de la position de la BCE et le Mécanisme européen de stabilité garantissent de fait la dette des Etats. Un effort sans précédent de réduction de notre déficit structurel a été réalisé – 4,2 points sur la période 2010-2013 – et son impact estimé sur le chômage aura été de 3 points. Pour donner aujourd’hui priorité à l’activité et à l’emploi, un assouplissement du rythme de réduction des déficits apparaît donc absolument nécessaire.

Et ce d’autant plus que la réduction à marche forcée des déficits, cumulée avec les allègements des cotisations des entreprises, pèse à la fois sur le pouvoir d’achat des ménages et sur l’investissement public.

Sur les ménages d’abord, qui ont vécu, dans le premier temps de la mandature, une hausse de la fiscalité. Nous avons soutenu certaines mesures qui étaient de l’ordre de la justice sociale, comme l’augmentation du taux marginal à 45 %. Mais d’autres, comme le gel du barème de l’impôt sur le revenu ou la hausse de la TVA, ont touché les ménages plus modestes, ceux-là même qui vont subir à présent le gel des prestations sociales.

Cet effort aurait, sans doute, pu être compris par nos concitoyens s’il était mis au service d’un projet. Mais quel est aujourd’hui le projet pour la France ?

Nous écologistes, nous proposons au gouvernement depuis le début de la mandature de travailler autour du projet de la transition écologique. Mais pour cela, il faut une politique d’investissement et les contraintes budgétaires qui nous sont imposées ne nous en laissent pas la possibilité. L’investissement public n’est pas le seul outil à notre disposition. Les normes, les incitations fiscales, l’épargne privée doivent être mobilisés. Mais c’est la responsabilité des pouvoirs publics d’investir aujourd’hui pour préparer l’économie de demain. Et je pense notamment à la mobilité durable à l’heure où le 3ème appel à projet transports collectifs, pour lequel l’Etat devait engager, en 2014, 450 millions d’euros pour co-financer des projets de tramways, de métros, de bus à haut niveau de service …, est reporté sine die.

Cet investissement public sera d’autant plus impacté que les 11 milliards de réduction de la dotation aux collectivités locales vont nécessairement se traduire par un recul de leur politique d’investissement, alors même qu’elles portent 70 % de l’investissement public en France. L’investissement des collectivités locales a déjà reculé de 5,6 % en 2014, et ce recul pourrait atteindre 35 % en 2017, du fait de la baisse des dotations.

Enfin et c’est peut-être le point le plus important pour nous, écologistes, ce programme de stabilité n’est pas compatible avec notre projet européen. Faut-il le rappeler ? Un salarié indien gagne en moyenne 28 fois moins qu’un salarié français. Or le pacte de responsabilité ne permettra une baisse du coût du travail que de l’ordre de 4 %. Il ne nous permet donc de concurrencer que les salariés des autres pays européens, dans une logique de compétition déflationniste. Est-ce là le projet que nous avons pour l’Europe ? La compétition de tous contre tous ? La voix de la France ne devrait-elle pas s’élever au contraire en Europe pour demander l’assouplissement de cette politique d’austérité généralisée et l’harmonisation sociale à la hausse pour éviter le dumping social intra-européen?

En conclusion, les écologistes ne peuvent soutenir ce programme de stabilité,

Parce que le rythme de réduction des déficits proposé pèse de façon trop lourde sur l’emploi,

Parce qu’il ne nous laisse pas de marges de manœuvre pour financer des mesures en faveur des ménages les plus modestes, ni les investissements nécessaires dans la transition écologique,

Parce que notre projet européen, ça n’est pas, et ça ne peut pas être, la compétition déflationniste.

Lire l’intervention d’Éva Sas à l’Assemblée Nationale

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