Canal Seine Nord : un grand projet inutile
3 questions à Christophe Porquier, vice président du Conseil Régional de Picardie
1) Qu’est ce que le canal Seine Nord et où en est le projet ?
C’est un projet de Canal à Grand Gabarit de 100km environ pour des barges pouvant transporter 4400 tonnes, qui est censé relier le bassin de la Seine à celui de l’Escaut entre Noyon (Picardie) et Marquion (Nord-Pas-de-Calais), et donc le bassin parisien aux ports belges et néerlandais par la voie d’eau.
Le projet est ancien et soutenu par un certain nombre d’acteurs économiques et politiques. Il a notamment été relancé sous la présidence de Nicolas Sarkozy sous forme de Partenariat public-privé (PPP). Après l’élection présidentielle, un rapport technique à été démandé à l’inspection des finances et au Conseil général de l’environnement et du développement durable. Ils ont rendu un avis extrêmement critique sur le coût financier (7 milliards d’euros), le montage financier, les hypothèses de trafic,… et remettaient directement en cause l’opportunité du projet. Le ministre des transports a décidé de commander ensuite un rapport parlementaire au député du Nord Rémi Pauvros qui a revu le tracé et proposait d’abandonner le PPP pour un coût estimé à 4,5 milliards d’euros, qui serait financé par l’Euorpe, l’Etat et les collectivités régionales et départementales. C’est ce dossier qui est à l’étude aujourd’hui.
2) Les écologistes sont favorables au transport fluvial, mais EELV vient d’exprimer son opposition au canal Seine Nord, pourquoi ?
Le Canal Seine Nord répond entre dans la catégorie des grands projets inutiles. C’est un projet pharaonique, impactant l’environnement (notamment la ressource en eau) et qui est très budgétivore. Les sommes englouties dans ce type de projet seront nécessairement prélevées sur les transports du quotidien : lignes ferroviaires de proximité, réseau de transports urbains,… Comme le projet Rhin-Rhône abandonné, c’est un canal inter-bassin. L’exemple comparable du canal Rhin-Main-Danube inauguré en 1992 nous montre que ce modèle ne fonctionne pas.
Le Canal Seine Nord est absurde, car un morceau isolé de gabarit « 4400 tonnes » au milieu d’un réseau de plus petit. Il entrerait en concurrence avec le transport ferroviaire, et non avec le transport routier. Il s’appuie sur un modèle de développement globalisé où les céréales du nord de la France sont exportées massivement en échange des produits manufacturés d’Asie, il est contradictoire avec un objectif de relocation de l’économie.
3) Que proposez-vous à la place de ce canal ?
Nous devons développer toutes les alternatives au transport routier, et pour cela il faut combiner intelligemment le rôle des ports (Le Havre-Rouen-Gennevilliers, Dunkerque et Calais), la place du fret ferroviaire qui doit faire l’objet de nouveaux investissements, et la remise en état du réseau de canaux existant – ce qui est demandé par la profession. L’écotaxe poids-lourds entre également dans cette logique de rééquilibrer les modes de transport et son application est urgente pour financer l’ensemble des projet marchandises et voyageurs qui sont aujourd’hui nécessaires.