Coût de la filière nucléaire : trois questions à Denis Baupin

Denis Baupin - QAG
Denis Baupin est député EELV, Vice-Président de l’Assemblée nationale et a été élu rapporteur de la commission d’enquête sur les coûts du nucléaire et la durée de vie des centrales. 

Pourquoi avoir demandé et obtenu la création à l’Assemblée d’une commission d’enquête sur le coût de la filière nucléaire, et dont vous serez le rapporteur ?

Le parlement va être saisi en 2014 du projet de loi sur la transition énergétique. On met très souvent en avant le coût de la transition, pour justifier le maintien du modèle actuel. Et dans ce modèle, le nucléaire tient une place prépondérante. Avec cette commission d’enquête nous souhaitons montrer que le nucléaire – en plus de présenter un risque considérable – a également un coût. Le mythe longtemps entretenu d’un nucléaire bon marché est largement fissuré. Nous devons faire la transparence sur un grand nombre de zones d’ombre et rétablir la vérité des prix. Chacun doit pouvoir mesurer, au moment où il nous faudra choisir entre la transition énergétique et la non-transition énergétique que certains voudraient promouvoir, qu’il n’y a pas d’un côté une énergie coûteuse et de l’autre une énergie qui serait gratuite, mais qu’il existe des options qui chacune ont des coûts et des conséquences. C’est en ayant une parfaite connaissance de tous ces éléments que nous pourrons prendre les meilleures décisions.

Quelles sont les sujets sur lesquels cette commission d’enquête est appelée à se pencher ?

Il y a deux ans, la Cour des comptes a rendu un rapport qui a mis en évidence bon nombre d’incertitudes. Par exemple sur le coût des accidents nucléaires – les chiffres publiés par l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire varient entre 400 et 2 000 milliards d’euros – et par voie de conséquence sur celui de l’assurance. Sur le coût du démantèlement, la Cour des comptes a montré que les provisions prévues en France sont largement inférieures à celles que nombre d’autres pays ont prévues à ce titre. Sur les coûts de gestion des déchets nucléaires, les évaluations pour le projet d’enfouissement CIGEO sur le futur site de Bure varient de 16 à 35 milliards d’euros, voire plus en fonction de la politique énergétique qui sera choisie. Sur le coût enfin de la filière du retraitement et de la fabrication du MOX, il faut également faire toute la lumière.

Depuis ce rapport, d’autres interrogations se sont fait jour, notamment sur le coût d’exploitation de la filière nucléaire. Le rapport de la commission de régulation de l’énergie a relevé une augmentation significative du coût de cette filière, qui s’est traduite par des augmentations tarifaires. L’indisponibilité des réacteurs nucléaires en raison du manque d’investissement ces dernières années est croissante. Nous savons qu’EDF a prévu des investissements significatifs : on parle d’un plan dit de « grand carénage » de près de 50 milliards d’euros. Et c’est sans compter les dépenses supplémentaires liées à l’accident de Fukushima et aux évaluations complémentaires de sûreté. L’autorité de sûreté nucléaire a émis pas moins de mille recommandations pour améliorer la sûreté des réacteurs et des installations d’Areva. Tout cela va nécessairement peser sur le coût de l’électricité et donc la facture des ménages.


Vous souhaitez également évoquer le prolongement de la durée de vie des centrales ?

Certains considérant que notre parc nucléaire est amorti pensent qu’il suffirait de le prolonger au-delà de quarante ans. Or, rien ne permet de dire aujourd’hui, réacteur par réacteur, s’il est possible de prolonger les installations au-delà de quarante ans, comme l’a rappelé l’Autorité de sûreté.
À cette première incertitude vient s’en ajouter une deuxième : à supposer que des réacteurs puissent être prolongés au-delà de quarante ans, quel en serait le coût, sachant que l’Autorité de sûreté nucléaire précise qu’ils devraient au minimum être portés à un niveau de sûreté équivalant à celui de l’EPR ? Une telle opération serait forcément très coûteuse.

La question se pose également pour les nouveaux réacteurs. Le coût de l’EPR de Flamanville a été multiplié au moins par trois et sa durée de construction par deux ; son équivalent finlandais connaît des aléas comparables. La négociation menée par EDF pour tenter d’implanter des EPR en Grande-Bretagne se traduit par un engagement sur 19 milliards d’euros pour deux réacteurs nucléaires, avec une garantie d’achat de l’électricité à un prix représentant à peu près le double de celui du marché actuel, et ce pendant trente-cinq ans…Autant dire des perspectives qui n’ont rien d’équivalent avec ce que l’on propose désormais dans le secteur de l’éolien, par exemple, en termes de marché et de rentabilité. Voilà un bon exemple qui montre que la transition énergétique est plus économique que la poursuite dans l’impasse nucléaire. Comme, en plus elle est plus créatrice d’emplois, répartie sur tout le territoire et basée sur une énergie inépuisable et gratuite, pourquoi s’en priver ?

Pour en savoir plus, lire la proposition de résolution : http://www.assemblee-nationale.fr/14/propositions/pion1507.asp

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