Bilan d’un an de gouvernement en matière de politique de la ville, par la Commission Quartiers Populaires EELV

Bilan d’un an de gouvernement en matière de politique de la ville, par la Commission Quartiers Populaires EELV

S’il y a un domaine où une réforme était attendue, c’est bien la politique des quartiers populaires. Depuis plusieurs années, des appels pressants s’étaient multipliés, venant des éluEs locaux (voir les avis du Conseil national des villes) et des professionnels de la politique de ville, pour revoir une politique qui ne faisait qu’aggraver la situation des banlieues, créant les conditions d’un nouveau novembre 2005.

La priorité donnée par la droite – au nom de la mixité sociale – au renouvellement urbain, déconnecté d’un volet social sans ambition et aux moyens de plus en plus réduits et allant de pair avec une baisse des aides aux associations, a plus contribué à casser les relations sociales préexistantes qu’à faire revenir les couches moyennes dans les quartiers populaires.
Au plan social, sa politique s’est focalisée sur la promotion d’une élite, tout en stigmatisant la grande masse de la jeunesse des quartiers et plus particulièrement les jeunes d’origine étrangère, rendus responsables de l’insécurité et des difficultés des quartiers et objet d’une discrimination ethnique.
Une frénésie de lois sécuritaires en réponse à chaque fait divers, l’entreprise d’ethnicisation du débat social à travers la question de l’identité nationale, l’invention d’une nouvelle catégorie de « français d’origine étrangère », moins français que les autres, etc. complètent le tableau et alourdissent l’héritage de ces années.

François Lamy a affirmé dès son arrivée l’ambition du gouvernement de gauche de « refonder » la politique de la ville, engageant à cette fin une vaste concertation dont nombre de propositions se retrouvent dans le Comité Interministériel des Villes du 19 février 2013.

EELV a salué les orientations inspirant ce programme, qui rompent heureusement avec les années Sarkozy, et qui visent à :

  • considérer les habitant/es des quartiers comme une richesse et les mettre au cœur de la politique de la ville ;
  • renforcer leur pouvoir d’agir et en faire des acteurs de la transformation de leurs quartiers ;
  • lutter contre les stigmatisations et les discriminations dont ils sont victimes ;
  • faire converger les politiques de droit commun de l’État et des collectivités locales sur les quartiers, en territorialisant une action publique jusqu’ici définie « d’en haut » ;
  • réunir à nouveau l’urbain et le social dans un projet global ;
  • contractualiser à l’échelle de grands territoires, pour mieux organiser la solidarité.

Cette appréciation positive s’accompagnait néanmoins de bémols majeurs, tenant moins aux délais inévitables nécessaires à la traduction d’une réforme ambitieuse qu’à la capacité et la volonté réelle du gouvernement de mettre en oeuvre ces orientations et à la contradiction entre les bonnes intentions et d’autres politiques du même gouvernement, visant indirectement ou spécifiquement les quartiers.

Comment mettre en oeuvre, en effet, ces orientations sans que soient apportés les moyens :

  • d’une véritable solidarité financière entre les territoires riches et pauvres, question à peine esquissée jusqu’ici;
  • d’un renforcement du droit commun de l’État au bénéfice des quartiers populaires, alors que le gouvernement s’est fixé des contraintes fortes de retour à l’équilibre budgétaire et a obéré ses marges de manoeuvre avec les 20 milliards d’euros donnés aux entreprises par le CICE ; la question se pose de façon particulièrement cruciale pour le monde associatif, qui connait une situation de précarité croissante alors même que le renforcement des moyens humains est la base de la politique de la ville
  • d’une présence accrue des services publics dans les quartiers, alors que la RGPP continue à  réduire drastiquement les effectifs dans la fonction publique hors secteurs protégés : éducation nationale, justice, police…

Aujourd’hui, la politique de la ville se réduit dans la réalité à un discours marqué par de bonnes intentions, mais sans traduction visible, alors même que les demandes sur le terrain portent sur des changements urgents qui améliorent la vie quotidienne. Il y a un fossé entre les deux, le changement ne peut pas attendre la signature des contrats après les municipales.
Ce qui se voit sur le terrain, ce sont les effets de l’austérité, la montée des actes racistes, c’est la politique du ministre de l’Intérieur, avec le contrôle au faciès, la coupure persistante entre la police et la population des quartiers, les jeunes majeurs étrangers qui souhaitent poursuivre leurs études en France et vivent encore dans l’angoisse d’une expulsion, tandis que le droit de vote des étrangers d’origine non communautaire aux élections locales est en plan…
Le 3 décembre 2013 marquera le 30ème anniversaire de la marche pour l’égalité. Le gouvernement s’apprête à fêter l’évènement, sous le regard méfiant des associations qui se sont regroupées dans le collectif « égalité des droits, justice pour touTEs » et se souviennent de la récupération de la marche de 1983 par le parti socialiste.
Le mot « empowerment », traduit par « renforcement du pouvoir d’agir » des habitants, n’est plus un gros mot aujourd’hui. Mais la manière dont les propositions-phares du rapport Bacqué-Mechmache – fonds de dotation pour la démocratie d’interpellation citoyenne, fondation régionalisée pour le financement des actions pour la solidarité sociale – seront mises en oeuvre, ou enterrées dans une pseudo-concertation, sera révélatrice de la volonté de changement du gouvernement sur ce plan.

 

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