Pascal Durand : « Il ne faut pas que l’écologie soit vue comme le supplétif du PS »

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Lors de son Conseil fédéral les 25 et 26 mai 2013, Europe Ecologie-Les Verts a demandé au gouvernement un changement de cap. Présence de ministres écologistes, stratégie de l’autonomie aux municipales de 2014, mobilisation autour des retraites… Comment peser sur les orientations politiques ? Entretien avec Pascal Durand, secrétaire national d’EELV.

 

Regards.fr.  A propos de la participation des écologistes au gouvernement, vous avez dit que « la solidarité, ce n’est pas la soumission ». Pourtant, plusieurs ministres sont régulièrement rappelés à l’ordre par le chef de gouvernement ou le président de la République…

Pascal Durand. Pas les nôtres ! Ceci dit, qu’un président de la République ou qu’un chef de gouvernement recherche une unité de discours dans ses équipes, ça ne me choque pas. Je serais choqué qu’ils l’imposent, comme dans le système sarkozyste, gaulliste, voire même mitterrandien. Mais je ne crois pas que nous en soyons là. Il n’empêche que de notre point de vue, nous devons apporter notre valeur ajoutée à un gouvernement de partenariat entre les socialistes, les radicaux et nous-mêmes. Personne n’attend des écologistes qu’ils se conforment aux canons de la pensée socialiste. Nous avons notre propre projet de société. Mais les ministres étant solidaires d’un gouvernement, leur capacité à intervenir concerne d’abord leur ministère. J’imagine que Cécile Duflot apprécierait assez peu qu’Arnaud Montebourg ou Delphine Batho fassent des commentaires sur la manière dont elle gère le logement. Je comprends donc aussi qu’elle, comme Pascal Canfin, ne critique pas l’action du ministre du redressement productif. C’est de bonne guerre ! En-dehors de cette limite, on a le droit d’avoir un certain nombre de convictions et de les faire partager, comme au sujet de Notre-Dame-des-Landes ou des politiques d’austérité.

Avez-vous l’impression d’être entendus ?

Sur certains sujets, nous le sommes. Beaucoup de nos amendements ont été retenus dans le cadre de la loi bancaire. Concernant la transition écologique – transport, industrie, fiscalité, énergie – nous sommes en attente de signaux. Le débat est en cours, mais nous n’avons pas reçu à ce stade d’éléments attestant d’une transition en marche. Nous sommes des acteurs et des observateurs attentifs de la volonté de Bercy, du ministère de l’écologie, de commencer à mettre en œuvre ces basculements.

Si ces signaux n’arrivent pas, quelles conséquences en tirerez-vous ?

C’est comme si avant un match de foot, vous demandiez à un joueur qui entre sur le terrain ce qu’il fera si son équipe perd ! Il vous répondra de bonne foi : « Laissez-moi jouer le match d’abord ». J’espère que ces signaux arriveront. Par ailleurs, le monde n’est pas blanc ou noir, nous n’aurons pas tout ou rien. Oui ou non, a-t-on entamé la sortie du nucléaire que nous souhaitons à terme ? Nous ne pouvons pas encore le mesurer. Une chose est sûre, nous ne l’avons pas obtenue dans le cadre du partenariat avec le Parti socialiste, puisque la limite a été fixée à 50% à l’horizon 2025. Mais c’est déjà une avancée considérable par rapport au 77% actuels ! Pour y parvenir, nous ne nous contenterons pas de la fermeture de Fessenheim en 2016. Il faudra aussi développer fortement le renouvelable, les économies d’énergie, passer à d’autres modes de production et de consommation énergétiques, ainsi qu’à une autre fiscalité. J’ai entendu le déclaratif, maintenant j’attends le modus operandi.

Peut-on participer à un gouvernement et en appeler à des moyens de pression et des modes de contestation venant de l’extérieur ?

Oui. J’espère que sur des sujets aussi graves que les retraites, nous aurons une mobilisation citoyenne de la même importance que celle de la droite contre le mariage pour tous. Je souhaite que la société française se mette en marche sur des sujets de cette nature. Mais j’aimerais aussi que la mobilisation sociale ne relève pas simplement d’une logique de blocage et de réaction à des textes d’inspiration conservatrice ou libérale. Nous avons besoin d’une démarche constructive pour aboutir à une réforme solidaire. Le monde de 2013 dans lequel nous entrons ne sera pas celui des jours heureux du Conseil national de la Résistance. J’ai beaucoup de respect pour le CNR, tout comme pour ce qui a été réalisé au moment de la Commune. Il n’empêche qu’en 1946, les acteurs ne se sont pas uniquement concentrés sur ce qu’il s’était passé en 1870. Nous vivons aujourd’hui de nouvelles crises, les jeunes obtiennent leur premier CDI à 26 ans et non plus à 15 ou 16 ans, la France compte 5 millions de chômeurs, les carrières professionnelles des individus sont brisées. Autrefois, on pouvait commencer mécanicien de surface et finir ingénieur maison… Le modèle de 1946 était fondé sur le plein emploi. Ceux qui travaillaient étaient en capacité de financer les retraites de ceux qui arrivaient à l’âge du départ. Ce monde n’existe plus. Il faut inventer de nouvelles solidarités à l’égard des jeunes sans travail, sans formation et sans argent. Il faut aider les seniors qui se font débarquer à 55 ans au lieu de vouloir rallonger les durées de cotisation. La réponse comptable et libérale qui consiste à dire qu’on vit plus longtemps et que donc il faut cotiser plus ne résout rien. J’aimerais que la gauche, les syndicats, les écologistes arrivent à débattre de temps de travail, de formation au cours de la vie… Ces sujets ne peuvent plus être dissociés de la question des retraites, de la solidarité, de la pauvreté, de la précarité. J’ai l’impression que dans notre pays des syndicats comme la CGT et FO sont très attentifs à ceux qui ont du boulot dans les gros groupes. On mesure la solidarité à l’aune des grands plans sociaux. Mais ce qui s’est passé chez Continental n’est pas le pire : eux ont au moins la chance d’avoir pu faire un procès à l’entreprise, cela concernait plus de 500 salariés, ils ont été suivis par TF1… Ce n’est pas le cas des sous-traitants de Continental. J’aimerais qu’on aille voir la société de 10 salariés chargée du ménage dont personne ne parle ! Nous avons besoin d’une belle mobilisation, mais ça ne se décrète pas. Je ne suis pas un tenant de l’avant-garde politique.

EELV défend une stratégie d’autonomie pour les municipales de 2014. Des alliances au cas par cas sont-elles envisageables ?

Bien sûr. Mais il ne faut pas que l’écologie soit vue comme le supplétif du PS. On reconnaît aux écolos, dans les villes, des pratiques différentes. Pour nous, faire des ronds-points, des autoroutes, des aéroports, des lotissements, ce n’est pas la meilleure manière de développer une nouvelle société. C’est cela que nous voulons porter. Après, notre parti n’a pas les moyens de présenter des listes dans les 36000 communes françaises ! Dans certains endroits, nous avons moins de militants que de postes à pourvoir. Et il y a des déserts : amusez-vous à faire une liste 100% écolo à Nice ! Mais en tant que secrétaire national du mouvement de l’écologie politique français, j’aimerais que dans un maximum de villes, on puisse porter l’autonomie du projet écolo. Ce qui ne veut pas dire qu’on ira tout le temps seul. On peut être autonome dans les valeurs que l’on porte et se mettre en partenariat avec d’autres. Europe écologie ne s’est pas construit simplement avec les Verts mais aussi avec des anciens de Greenpeace, de la FNE (Fédération France nature environnement, ndlr)… Mais si demain on s’allie avec le PS à Paris, on ne pourra pas parler d’autonomie !

Que se passera-t-il si Dominique Voynet se retrouve face à un candidat socialiste à Montreuil ?

Dans ce cas, nous nous bagarrerons. Montreuil est la seule ville de plus de 100000 habitants que les écologistes gèrent – et pas n’importe lesquels : l’ancienne ministre de l’environnement. C’est pour nous une priorité nationale. Dominique Voynet aura sans la moindre hésitation le soutien d’EELV. De la même manière que je comprends que le Parti communiste tienne historiquement à des villes comme Ivry ou Champigny, nous entendons garder Montreuil. Ce sera un combat.

Songez-vous à être tête de liste aux élections européennes ?

Non, l’essentiel des bruits semble attester que je serai candidat, mais je ne sais pas encore. J’en parlerai d’abord aux militants de mon parti. Quand nous aurons réussi notre congrès de novembre, nous verrons quelles sont les personnalités qui auront fait valoir leur capacité à être têtes de liste dans les régions. Pour l’Ile-de-France, à ce jour seul Pascal Canfin a fait savoir qu’éventuellement il aimerait bien y revenir. Il est tout désigné pour porter cette liste, mais c’est un excellent ministre, donc il lui appartient de décider si cela vaut le coup de quitter le gouvernement.

Le député européen Yannick Jadot a estimé dans Libération qu’ « il n’y aura pas d’appel à sortir du gouvernement avant 2015 ». Vous êtes d’accord ?

Je n’ai pas de boule de cristal. La question, c’est de savoir si les écologistes ont ou non une utilité dans ce gouvernement pour ce qu’ils souhaitent y faire : transformer le monde. Tant qu’on sera efficients, on continuera. Quand Cécile Duflot fait en sorte qu’on isole les bâtiments et qu’on construise des logements sociaux, elle fait oeuvre utile. Si un jour nous ne sommes pas entendus, alors les militants se prononceront – et les ministres en tireront sûrement les conséquences. Selon le site Atlantico, Arnaud Montebourg pourrait remplacer Delphine Batho à l’écologie. Typiquement le genre de signal qui nous inquiéterait ! Cette décision donnerait la responsabilité de l’énergie à quelqu’un qui nous explique depuis le début que le nucléaire c’est génial, que les gaz de schiste c’est merveilleux, qu’il ne faut pas hésiter à exploiter les gaz de houilles… Si c’est cette vision de la transition énergétique qui est portée, les écologistes feront plus que se poser des questions. Mais pour le moment, l’unanimité au conseil fédéral s’est faite sur le changement de cap. Il faut qu’on reste et qu’on pèse.

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