Pascal Durand dans Libé : «Les socialistes devraient écouter un peu moins le Medef»

Libe itv Pascal Durand

Pascal Durand, patron d’Europe Ecologie-les Verts, regrette le conservatisme du gouvernement :

Interview de LILIAN ALEMAGNA dans Libération du 25 mai 2013

Alors que le conseil fédéral d’Europe-Ecologie-les Verts se réunit ce samedi, son secrétaire national, Pascal Durand, fait le bilan de la participation des écologistes au gouvernement Ayrault, dont il regrette le «conservatisme» et «l’absence d’imagination».

Liberation itv Pascal Durand Libération : Comment expliquer ce paradoxe qui dure : les écologistes n’ont jamais été aussi présents dans les institutions, or on parle très peu d’écologie ?

Pascal Durand : Je ne suis pas d’accord… L’écologie s’impose dans la réalité économique et sociale du pays. Le grand public intègre désormais sa problématique comme un impératif de notre société moderne. Sauf au gouvernement… C’est le paradoxe : la nécessité d’intégrer l’écologie aux choix économiques progresse dans la société civile or, à l’exception de quelques domaines – comme le logement -, les enjeux écologiques sont niés dans les actes du gouvernement. A l’exception de ministres «réactionnaires» et «conservateurs» comme Arnaud Montebourg, Manuel Valls ou Bernard Cazeneuve, certains sont – au mieux – dans du déclaratif, du moins dans une neutralité inefficace.

Libération : Pourquoi ce décalage ?

Pascal Durand : A cause de la coalition des conservatismes et l’absence d’imagination d’un gouvernement incapable de penser le monde moderne. Tous restent attachés à de vieilles solutions inefficaces pour redresser la France et l’Europe. Les socialistes devraient écouter un peu moins les tenants du conservatisme, Medef en tête, et davantage les écologistes. A chaque mesure novatrice en termes énergétiques, la réponse est toujours la même : «Ah non, ça, ce n’est pas possible, c’est socialement inacceptable.» Mais donnons-nous les moyens pour que ce le soit !

Libération : La ministre de l’Ecologie, Delphine Batho, fait-elle aussi partie de ces ministres «conservateurs» ?

Pascal Durand : Non. Mais il est intolérable qu’elle laisse le ministre du Redressement productif [Arnaud Montebourg, ndlr], qui n’a pas à s’occuper de transition énergétique, s’exprimer impunément depuis des mois, en racontant n’importe quoi – notamment sur les gaz de schiste – au mépris des commissions dont elle a la charge ! Delphine Batho doit monter au créneau. Défendre son ministère et son périmètre. Faire en sorte que l’écologie soit respectée et portée au sein de ce gouvernement. A ce stade, c’est totalement insuffisant. Aujourd’hui, le ministre de l’Energie s’appelle Arnaud Montebourg…

Libération : Votre participation au gouvernement est-elle encore utile ?

Pascal Durand : Bien sûr ! Nous pesons. De l’intérieur. Si nous n’avions pas fait du débat sur l’énergie une condition de notre participation, il n’aurait jamais eu lieu. Hollande aurait cédé aux lobbys. Sans nous, la fiscalité écologique aurait été enterrée par Bercy. Engagement a été pris pour 2014. Sans nous, pas de plan d’isolation du bâti, pas d’avancées sur la loi bancaire, de reconnaissance des lanceurs d’alerte… Le bilan est positif. Mais, sur la transition énergétique et la fiscalité écologique, c’est tout de même timide… Est-ce que ces débats existeraient si nous n’étions pas au gouvernement ? Lorsqu’on voit le poids des lobbys, la faiblesse de la ministre de l’Ecologie et les réticences de Hollande sur le nucléaire, je ne pense pas. Les associations écologistes se disent tout de même déçues, et les ONG demandent au gouvernement de respecter ses engagements. Nous aussi. Nous n’avons pas oublié le discours de François Hollande en ouverture de la conférence environnementale. Il ne doit pas devenir le président de la parole et de l’inaction.

Libération : A continuer de le soutenir, ne craignez-vous pas que vos électeurs soient tentés par Mélenchon ?

Pascal Durand : Non. Le Front de gauche s’est mis dans une impasse en ne participant pas activement à la majorité. Notre électorat n’accepterait pas que l’on devienne de simples spectateurs. Nous avons le sens des responsabilités. A quelle échelle de temps Jean-Luc Mélenchon entend-il, lui, peser sur le gouvernement ?

Libération : Cela vous a-t-il agacé qu’Eva Joly aille manifester avec eux ?

Pascal Durand : En marge du mouvement écologiste, il y a toujours des personnes qui considèrent leur parole plus importante que les décisions collectives. Eva Joly a souffert de ce manque de discipline au moment de la présidentielle. Qu’elle s’en souvienne… Le choix de ne pas participer à cette manifestation du 5 mai était une décision collective prise dans une réunion à laquelle Eva était conviée mais n’a pas participé.

Libération : Les européennes sont dans un an : ne risquez-vous pas d’être sur la défensive ce coup-ci ?

Pascal Durand :  Sans Daniel Cohn-Bendit, la campagne ne sera pas identique à celle de 2009. Mais, sur le fond, nous serons, comme en 2009, les seuls à être transnationaux, proeuropéens et profondément fédéralistes. Ceux qui porteront à la fois la défense de l’Europe politique mais aussi des solutions différentes. Avec ses propres paradis fiscaux et cette concurrence à outrance, l’Europe fait fausse route. Prenons l’exemple du grand marché transatlantique qui s’annonce : c’est un projet inacceptable. Un basculement ultime. Les entreprises vont imposer aux Etats, à travers des normes économiques et commerciales, leurs propres règles au détriment de la démocratie. Tous les libéraux, y compris au centre, veulent cela. Pas nous. La cause de nos problèmes, ce n’est pas l’Europe, c’est la politique libérale.

Laissez un commentaire

Remonter