Abandon par Bosch de sa filière photovoltaïque ? Une catastrophe industrielle à Vénissieux et en Europe

Capture d’écran 2013-03-29 à 16.33.30

Paris, le 22 mars 2013

Ce matin à Vénissieux, le président de Bosch France pourrait annoncer l’abandon par le groupe allemand de ses activités dans le photovoltaïque, y compris sur le site de Vénissieux, mettant en péril des milliers d’emplois et un formidable potentiel industriel.

Yannick Jadot, député européen EELV, se bat depuis des mois au Parlement, en particulier dans la commission du commerce international, pour que l’Europe sanctionne le dumping chinois qui, à coups de dizaines de milliards de dollars de subventions publiques, est à l’origine d’incroyables surcapacités mondiales de production et d’une chute des prix des panneaux qui n’ont plus rien à voir avec la réalité des coûts de production. Ce faisant, la Chine est passée entre 2006 et aujourd’hui de 0 à plus de 80% du marché européen des panneaux PV, le premier mondial.

Il réagit à la possible fermeture de Bosch Vénissieux Photovoltaïque : « Alors que les Etats-Unis ont imposé en quelques semaines des droits de douane jusqu’à 250% sur les panneaux chinois, l’Union européenne a mis plus de 6 mois pour engager une enquête, en septembre 2012, dont on attend les premiers résultats, en juillet 2013, pour des sanctions possibles vers la fin de l’année. Cette lenteur est absolument inacceptable. A ce rythme, la décision de la Commission interviendra au moment où l’industrie photovoltaïque ne sera plus qu’un champ de ruines. Avec la coalition d’entreprises ProSun, à l’origine de la plainte déposée en juillet 2012, nous n’avons cessé d’alerter les responsables français et européens sur la catastrophe industrielle en cours.

L’abandon possible par Bosch de sa filière photovoltaïque s’ajoute en effet à la fermeture de nombre d’usines, aussi chez les leaders mondiaux comme Q-Cells que dans des centaines de PME sur l’ensemble de l’Europe.

Bosch Vénissieux est pourtant un site exemplaire à bien des égards : reconversion industrielle de l’automobile (production de pompes à injection) vers un secteur d’avenir ; dialogue social dynamique et constructif au niveau du site comme à l’échelle du comité d’entreprise européen ; investissements de conversion et de formation inscrits dans la durée ; production de panneaux PV de grande qualité. Ce site dont la production a commencé début 2012 ne connaît d’ailleurs aucun problème de débouchés.
Une nouvelle fois, j’interpelle le gouvernement français pour :

  •  1/ qu’il obtienne de la commission européenne des mesures anti-dumping immédiates contre les importations de panneaux chinois pour protéger ce qu’il reste de notre outil industriel,
  •  2/ qu’il renforce son plan d’urgence en soutien à la filière photovoltaïque en lui garantissant sur les prochains mois des débouchés rentables,
  •  3/qu’il soutienne à Bruxelles le plan Batho de préférence géographique sur les appels d’offre au lieu de le torpiller,
  •  4/ qu’il inscrive en urgence au prochain sommet européen la mise en place d’une politique industrielle pour les énergies renouvelables, fondement de la communauté européenne de l’énergie évoquée lors du dernier sommet franco-allemand de janvier.

Personne ne conteste les perspectives d’avenir extrêmement favorables de la filière PV dans le monde. En situation de guerre commerciale, le gouvernement ne peut laisser son industrie sans défense.

Dans l’attente, le gouvernement doit intervenir à Vénissieux pour ne pas laisser disparaître ce site exemplaire de reconversion industrielle réussie et un fleuron de sa nouvelle économie, innovante, performante, ancrée dans la durabilité, pivot de sa transition énergétique.

Protéger l’industrie du photovoltaïque n’est pas seulement un enjeu climatique ou énergétique. C’est aussi une formidable opportunité industrielle avec des centaines d’entreprises et centaines de milliers d’emplois à la clé. La seule question est : souhaitons-nous une industrie d’avenir sur nos territoires ou laissons-nous la Chine, de manière totalement déloyale, s’accaparer les grandes filières industrielles qui forgeront la compétitivité et les économies dynamiques du XXIème siècle ? »

Vous trouverez également ci-dessous une tribune de Yannick Jadot . L’Europe doit maintenir une filière industrielle du photovoltaique pour amorcer sa transition énergétique et créer des centaines de milliers d’emplois! Mais pour ça, il faut préserver nos usines face à la concurrence déloyale des chinois et soutenir la filière notamment les PME !

L’Europe sacrifie-t-elle aussi son industrie photovoltaïque ?

Yannick Jadot – Juillet 2012

Le 17 mai dernier, les Etats-Unis décidaient d’imposer des taxes anti-dumping de 31 à 250% sur les importations de panneaux photovoltaïques chinois. En ligne de mire, les soutiens publics massifs, de plusieurs dizaines de milliards de dollars, dont bénéficie l’industrie chinoise pour casser les prix et conquérir le marché mondial. Détournés du marché américain, les cargaisons de panneaux chinois pourraient arriver en Europe où l’industrie photovoltaïque rencontre aussi de très graves difficultés.

L’enjeu est immense. En 2011, et malgré la crise économique, les investissements mondiaux dans les énergies renouvelables ont atteint un nouveau record de 260 milliards de dollars, deux fois plus qu’en 2007, six fois plus qu’en 2004. Les renouvelables représentent dorénavant plus de la moitié des nouvelles capacités de production d’électricité installées dans le monde. Conséquence mécanique de ce développement, le coût de production du photovoltaïque décroît rapidement : d’un peu plus de 4 dollars le watt en 2007 à moins d’1 dollar aujourd’hui.

Un tel développement s’explique autant par des impératifs de sécurité énergétique, de transition énergétique et de développement économique que par les politiques de lutte contre les changements climatiques. Le président Obama résumait ce défi en 2009: « Nous avons donc un choix. Nous pouvons rester le premier importateur mondial de pétrole, et envoyer notre argent et nos richesses à l’étranger, ou nous pouvons devenir le premier exportateur mondial d’énergie propre. Nous pouvons laisser nos concurrents s’emparer des emplois du futur, ou nous pouvons saisir ce qu’ils ont déjà reconnu comme la meilleure opportunité de notre ère. La nation qui détiendra le leadership des énergies propres sera la nation qui mènera l’économie mondiale du 21e siècle. »

Si l’énergie solaire connaît un fort succès mondial, aux Etats-Unis et en Europe l’industrie photovoltaïque fait face à une crise sans précédent : de nombreuses entreprises, grandes et petites, ferment ou déposent leur bilan, les autres tentent de faire face avec des marges extrêmement réduites. Ce sont des milliers d’emplois « d’avenir » qui disparaissent. Car le secteur industriel est confronté depuis peu à une double contrainte : côté demande, une révision à la baisse des politiques de soutien aux énergies renouvelables dans les pays occidentaux; côté offre, une augmentation de 60% des capacités mondiales de production en 2011, essentiellement en Chine, qui génère une surcapacité mondiale de production d’environ 40%. En France, la situation est morose. Photowatt ne doit sa survie qu’à son rachat in extremis par EDF en pleine campagne présidentielle. Pour toutes les autres, et en particulier les PME, la concurrence chinoise vient s’ajouter aux politiques de déstabilisation administrative et financière orchestrées par les gouvernements Fillon dans le secteur des renouvelables, sacrifiant plus de 10000 emplois dans la seule filière photovoltaïque.

L’offensive chinoise modifie donc profondément et structurellement les filières photovoltaïques en Europe : les activités industrielles pourraient rapidement disparaître pour ne laisser sur nos territoires que les activités amont (R&D principalement) et aval (commercialisation, installation, maintenance, recyclage). Ces activités ne sont pas marginales, loin s’en faut, puisqu’elles représentent autour de 60% de la valeur ajoutée de la filière. Nous considérons néanmoins que l’Europe, à l’image des Etats-Unis, doit conserver une industrie dans le domaine des énergies renouvelables. Pour au moins deux raisons : l’énergie est un enjeu géopolitique majeur et aucun pays ou continent ne peut se placer sous dépendance d’un fournisseur en situation de monopole de fait ; notre continent est confronté à une désindustrialisation massive qui menace de déstructurer en profondeur nos sociétés, nos économies et nos territoires. L’économie verte, sobre, renouvelable et efficace, doit offrir des réponses rapides aux pertes d’emplois dans l’automobile, la chimie, la sidérurgie ou les énergies nucléaire et fossiles.

On peut critiquer la politique chinoise ou la réaction américaine. On ne peut nier qu’elles se fondent sur des stratégies industrielles et commerciales, décisives dans le secteur des énergies nouvelles. Nous n’admettons pas que l’Europe, face à la menace de disparition de son industrie photovoltaïque, demeure passive. Rappelons-le : l’Europe a jusqu’ici été à l’avant-garde du développement des énergies renouvelables, que ce soit en termes de marché, d’innovations technologiques et de politiques énergétiques. Certains pays et quelques entreprises sont encore, ou ont été, des leaders mondiaux dans ce secteur. Mais le nouveau contexte de concurrence sévère, et pour partie déloyale, confirme l’absence dramatique de politique industrielle européenne que les Etats membres ne peuvent plus pallier à leur échelle. Pire, la banque européenne d’investissement s’apprête à financer pour des centaines de millions d’euros des projets solaires et éoliens…en Chine. On marche sur la tête.

Les besoins du secteur des renouvelables sont connues : une vision à long terme avec des objectifs à 2030 et 2050, une visibilité réglementaire et financière de moyen terme. Le gouvernement Ayrault s’est engagé à définir un nouveau cadre incitatif, qui stabilise les filières tout en évitant les effets d’aubaine. L’échelle européenne est indispensable pour soutenir une industrie des énergies nouvelles en Europe, innovante, compétitive, créatrice d’emplois, que ce soit en matière de R&D, d’accès au financement et de réorganisation industrielle du secteur autour de grandes unités européennes de production de cellules, capables d’être concurrentielles au niveau mondial, et d’un réseau très compact de PME innovantes et réactives. La révision en cours des directives européennes sur les marchés publics doit intégrer la possibilité de privilégier, pour une partie de la commande publique, des produits et services provenant d’entreprises européennes et locales.

En attendant, il y a urgence. Nous demandons à la Commission européenne d’adopter des mesures anti-dumping de protection de l’industrie européenne face aux importations chinoises et de réorienter les financements de la BEI vers l’industrie européenne.

En 2009, l’entreprise Bosch envisageait de fermer son usine de production de pompes à injection automobiles à Vénissieux. Après une incroyable mobilisation des salariés, une concertation exemplaire avec la direction du groupe et grâce la pertinence du projet proposé, l’usine produit depuis le début de l’année des panneaux photovoltaïques de grande qualité. Alors que l’industrie européenne connaît de graves difficultés, que le gouvernement français se mobilise autour du redressement productif et que l’Europe met en place un plan de relance économique, nous considérons que le sauvetage et le développement d’une industrie européenne des énergies renouvelables doit devenir l’acte de naissance d’une politique industrielle commune.

> Suivez les activités de Yannick Jadot, eurodéputé EELV, sur son site internet.

Laissez un commentaire

Remonter