MOTION SUR LE PROJET DE LOI DE TRADUCTION LEGISLATIVE DE L’ACCORD NATIONAL INTERPROFESSIONNEL (ANI) DU 11 JANVIER 2013

MOTION SUR LE PROJET DE LOI DE TRADUCTION LEGISLATIVE DE L’ACCORD NATIONAL INTERPROFESSIONNEL (ANI) DU 11 JANVIER 2013

I Exposé des motifs

1. Introduction

L’accord national interprofessionnel « Pour un nouveau modèle économique et social au
service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l’emploi et des parcours
professionnels des salariés » signé le 11 janvier dernier par trois organisations syndicales
sur cinq (CFDT, CFTC, CFE-CGC) et des organisations représentant les employeurs, a
donné lieu à un projet de loi de transposition dans le Code du Travail qui, une fois passé
l’étape du Conseil d’Etat et du Conseil des Ministres, sera soumis prochainement au travail
parlementaire en vue de sa discussion précédant son vote.
Comme cela a été acté dans la motion adoptée lors du conseil Fédéral de janvier, ce texte
marque un nouveau départ en faveur de la Démocratie sociale et cette démarche nous
parait devoir être encouragée.
Mais comme souvent sur les questions d’ordre économique et social, le débat sur ce projet
pourrait se réduire à l’opposition entre deux blocs irréductibles, ceux qui seraient partisans
de son adoption pure et simple, afin de respecter la volonté des organisations qui « ont su
prendre leurs responsabilités », et ceux qui seraient partisans d’un rejet abrupt de ce texte,
en raison des « graves reculs sociaux et juridiques dont il est porteur ».
Cette motion a pour objet de proposer une troisième voie, plus ambitieuse, plus exigeante
aussi, car elle vise par un examen minutieux du projet de loi à bâtir une position qui se veut
vigilante et constructive.
Elle présente l’avantage aussi de ne pas se positionner par rapport à un « camp » – mais de
travailler sur le fond du texte.
Dans cette perspective, nous avons choisi, tout autant, de respecter la volonté des
signataires que d’écouter et de répondre aux principales critiques des non signataires de
l’accord. Le corpus de règles définies dans la motion adoptée par ce Conseil fédéral sur la
démocratie sociale permet à nos Parlementaires de défendre les amendements
indispensables à l’amélioration du texte.
Il s’agit donc de passer d’un équilibre instable à un équilibre stable en sécurisant les
avancées obtenues par les organisations signataires, et en introduisant les aménagements
nécessaires pour les renforcer, en limitant les risques contenus dans certaines
dispositions et en élargissant le champ des nouveaux droits. Nous observons d’ailleurs
que c’est sur cette base que le gouvernement s’est positionné en corrigeant d’ores et déjà
certains aspects de l’accord national dans la transposition législative qu’il propose au
Parlement.

Le Conseil Fédéral rappelle les termes de la motion votée à l’unanimité lors de sa séance du
19 janvier 2013 :
« L’accord comprend certaines avancées (complémentaire santé, lutte contre le temps
partiel subi, taxation des CDD) et il ouvre une perspective de relance de la négociation
sociale; mais il est globalement déséquilibré. En effet, la flexibilité qu’il introduit n’est pas
compensée par une sécurisation, un renforcement de la démocratie dans l’entreprise et une
réforme des conditions de travail suffisants. Ce déséquilibre légitime l’intervention du
parlement sur ce texte. »

2. Examen du texte et modifications pour une dynamique conventionnelle mieux équilibrée
entre salariés et employeurs
Le projet diffère du texte de l’accord.
D’une part l’Administration a procédé à un travail de cohérence avec le Code du Travail.
D’autre part, quatre points de l’ANI du 11/012013 ne nécessitaient pas de modification de la loi et
donc ne figurent pas dans le projet :
− Le congé de formation individuel des CDD ;
− La préparation opérationnelle à l’emploi ;
− L’accès au logement avec l’aide d’Action Logement (1% patronal);
− L’amélioration de la sécurité juridique des relations du travail qui fait l’objet d’un Groupe de
Travail ad hoc.
On notera également que diverses dispositions sont envisagées pour effet immédiat, tandis que
d’autres établissent des dispositions nouvelles mais nécessitant des négociations (jusqu’à horizon
2016 pour application), qui en préciseront les conditions concrètes d’application (notamment en
matière de couverture maladie complémentaire).
Quatre chapitres composent le Projet. Les trois premiers méritent un examen attentif et des
propositions précises de modifications (voir la partie annexe de la motion) afin de préserver les
principes essentiels qui fondent le Droit du Travail tout en respectant la volonté des signataires de
modifier un certain nombre de pratiques « POUR UN NOUVEAU MODELE ECONOMIQUE ET
SOCIAL AU SERVICE DE LA COMPETITIVITE DES ENTREPRISES ET DE LA SECURISATION
DE L’EMPLOI ET DES PARCOURS PROFESSIONNELS DES SALARIES », selon le titre de
l’accord.
De cet examen, il est possible de déterminer cinq groupes de propositions visant à donner
un équilibre général au projet de loi sans remettre en cause l’esprit de l’Accord basé
essentiellement sur la dynamisation du dialogue social à tous les niveaux de son
expression.
En résumé, il s’agit de :
1 Sécuriser les droits individuels des salariés en particulier pour ce qui concerne les
modifications affectant les limites à leur mobilité interne et externe, et donc leur contrat de travail,
par un cadre conventionnel solide Le principe retenu sera d’encadrer des modifications du contrat
de travail du salarié :
 par des accords majoritaires à 50% ;
 par l’intervention du CE et du CHSCT, dans leur agrément et leur suivi,
 par le principe du licenciement économique de ceux qui refuseront la modification de leur
contrat de travail.

2 Conforter les Institutions Représentatives des Personnels dans leur rôle d’acteurs d’un
dialogue social redynamisé par le projet de loi en complétant leurs moyens d’action tout en
précisant les procédures de leur mise en oeuvre.
D’abord, les accords pour l’emploi conduisant à des régressions momentanées mais fortes des
conditions de travail et de rémunération pourraient être conclus par des salariés mandatés par des
Confédérations syndicales. Le mandatement est à rejeter, la maturité syndicale reste seule en
mesure de prendre de telle responsabilité.
Ensuite, la nouvelle information sur la stratégie de l’entreprise introduit la notion d’expertise payée
en partie par le Comité d’Entreprise. Le principe est aussi bien en France qu’au sein de l’Union
Européenne, le paiement intégral de l’expert par l’employeur. Il faut conserver l’intangibilité de ce
principe sinon on introduit une discrimination entre CE riche et CE pauvre.
Enfin, l’avis d’un CE ou d’un CHSCT ne peut pas être considéré rendu au regard du seul respect
d’un délai. La notion d’information suffisante délivrée par l’employeur doit au contraire être
réaffirmée en la plaçant sous le contrôle du Juge.

3 Faire évoluer le cadre juridique des plans sociaux (PSE) mais en mesurant les dérives
possibles d’un tel changement : déconsidérer l’Administration du Travail en l’asphyxiant, créer
de nouveaux motifs de contentieux, réactiver la dérive du Droit Administratif, ranimer la
contestation du Juge Administratif notamment par la CEDH.

4 Améliorer des dispositions nouvelles : préciser certaines dispositions nouvelles, renforcer
leur dynamique.
Il s’agit principalement d’améliorer l’anticipation pour l’emploi, véritable outil de sa sécurisation
pour les salariés.
D’une part, les sous-traitants devront être obligatoirement, et non selon une simple possibilité,
être associés aux accords de Gestion prévisionnelle de l’emploi et de Compétences (GPEC) des
donneurs d’ordre.
D’autre part, la GPEC dans les territoires constituera grâce à des dispositions spécifiques
supplémentaires, un levier puissant de l’action pour l’emploi et de dialogue social de proximité.
5 Inciter à étudier l’impact des dispositions nouvelles :
• Créer un observatoire parlementaire de la mise en application de l’accord (suivi des
dispositions législatives et conventionnelles et impact sur la sécurisation de l’emploi et la
compétitivité).
• En matière de taxation des CDD par une évaluation de ses conséquences sur le travail
précaire au bout d’un délai de 3 ans.
La faiblesse de la taxation des CD d’usage, l’exemption accordée à l’intérim semble vider d’une
grande partie de sa substance cette nouvelle disposition. L’étude d’impact viendra confronter ces
suppositions à la réalité des faits.

II Les engagements
Le Conseil Fédéral d’EELV a procédé à une lecture attentive de « l’accord
interprofessionnel pour un nouveau modèle économique la sécurisation de l’emploi et la
compétitivité des entreprises » et de sa transcription dans la loi. Cette lecture a pris en
compte le contexte dans lequel la négociation et la signature de l’Accord sont intervenues.
Premier pas pour un dialogue social responsable de part et d’autre, avancées pour un
mieux disant social en matière de formation et de protection sociale, mais déséquilibre
encore persistant dans les rapports entre le salarié et son employeur, telles sont les trois
grandes caractéristiques de ce texte et du projet de sa traduction législative.

C’est ce déséquilibre source de problèmes pour les salariés dans leur vie professionnelle et
personnelle et d’embrouillamini juridiques auxquels EELV veut contribuer à remédier par
un travail parlementaire déterminé et vigilant. Nos amendements seront en adéquation avec
l’esprit du texte : améliorer le dialogue social pour une démocratie sociale vivante et
constructive.

Le Conseil Fédéral,
• réaffirme l’engagement d’EELV en faveur de la démocratie sociale et de la protection
des salariés dans leur emploi et dans leurs conditions de travail ;
• rappelle qu’EELV inscrit ses relations et alliances avec les organisations syndicales
dans une perspective de long terme appuyée sur la nécessaire reconstruction de la
démocratie sociale et la perspective de la transformation écologique de la société ;
• considère que, si le projet de loi soumis au Parlement doit tenir compte du sens de la
négociation, il est du devoir de la représentation nationale d’y apporter les
modifications qui renforcent la protection des salariés et de leurs emplois, et au
regard des engagements européens et internationaux de la France ;
• encourage les instances d’EELV à promouvoir les propositions faites pour que la
Démocratie sociale soit respectée et que les principes du Droit du Travail continuent
à protéger les salariés dans leur emploi et dans leurs conditions de travail ;
• invite les Parlementaires écologistes :
o à poursuivre la démarche de concertation qu’ils ont initiée avec l’ensemble
des parties prenantes, signataires ou non et à porter les améliorations de ce
texte en faveur des salariés et des précaires ;
o promouvoir et enrichir les propositions qui ont été faites au cours de l’examen
détaillé du projet de loi jointes à cette motion.
o à amender nécessairement par le travail parlementaire un texte trop
déséquilibré et insuffisamment sécurisant pour les salariés les plus fragilisés
par la crise, notamment sur les modalités de choix de la complémentaire
santé, la représentativité dans les accords du maintien dans l’emploi,
l’encadrement de la mobilité, la sécurisation du temps partiel, le juge
judiciaire. Ces améliorations conditionneront le soutien d’EELV.
• prend date pour qu’au prochain conseil fédéral une analyse soit faite du suivi de
l’accord.

Pour : 80
Contre : 5
Blancs : 15

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