Fuite de gaz à Rouen : question d’Isabelle Attard au gouvernement
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard, pour le groupe écologiste.
Mme Isabelle Attard. Ma question s’adresse à Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.
Lundi 21 janvier 2013 à Rouen, dans l’usine Lubrizol, une fuite de gaz mercaptan se produit dans un four. Le mercaptan, de son vrai nom méthanethiol, est un produit toxique, nocif par inhalation. Le soir même, un arrêté préfectoral stoppe l’exploitation de l’usine. Mais, dans la nuit, le mercaptan se propage jusqu’à Paris. Mardi matin, madame la ministre, vous vous rendez sur place.
Les odeurs ont provoqué maux de tête, problèmes respiratoires et vomissements. C’est une situation surréaliste en matière de gestion des risques industriels. Où sont les problèmes ?
Problèmes d’information ou, devrais-je dire, problèmes de désinformation, d’abord. Est-ce normal que la population de Rouen jusqu’à Paris soit avertie de ce problème par des réseaux sociaux comme Twitter ?
Problèmes de sécurité, ensuite. Effectivement, on décrète que ces nausées sont sans conséquence sur des personnes bien portantes. Mais pour les personnes fragiles, cela n’est pas anodin.
Problèmes de protection enfin. Les plans de prévention des risques technologiques, les PPRT, émettent des recommandations pour la protection des riverains, mais encore faut-il qu’ils en aient les moyens.
Madame la ministre, que comptez-vous faire pour que les PPRT autour des usines classées Seveso soient enfin achevés ? Je précise que l’agglomération de Rouen compte soixante et onze sites classés Seveso.
Appuierez-vous notre demande de constituer un fonds public d’aide aux résidents pour la réalisation des travaux prescrits dans ces PPRT ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.
Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.
Mesdames et messieurs les députés, madame la députée, la politique du Gouvernement face à cet accident, c’est celle de la sécurité, c’est celle de la transparence, c’est celle du principe de précaution et c’est celle du principe de responsabilité du pollueur.
La transparence, c’est qu’effectivement ce gaz est un gaz toxique, mais je veux le dire, un gaz toxique lorsqu’il est concentré vingt mille fois plus qu’au seuil olfactif. Il n’y a donc pas eu, dans ce dégagement de gaz, de danger pour la santé, même si, c’est vrai, il ne faut pas le nier, les personnes ont pu être incommodées par ces mauvaises odeurs et ressentir, pour certaines d’entre elles, des maux de tête et des nausées. En tout cas, il n’y a pas de danger pour la santé.
Le principe de précaution, c’est de traiter la cause de ces émanations de gaz : c’est le travail qui est fait actuellement par les services de l’État. Au moment où je vous parle, 10,4 tonnes de substance ont d’ores et déjà été neutralisées, c’est-à-dire un tiers à peu près de la masse totale. Un protocole est mis en place. Cela prendra un certain temps et comme je l’ai dit, nous préférons prendre du temps que prendre des risques, pour que cette réaction chimique soit en permanence sous contrôle et que la cause de cette pollution soit traitée.
La troisième chose, c’est la responsabilité du pollueur : je l’ai indiqué, il y aura une enquête administrative pour établir la responsabilité de l’entreprise. Le parquet a indiqué aussi qu’il y aurait une enquête judiciaire. Le procureur sera d’ailleurs à 17 heures aux côtés du préfet pour une conférence de presse.
Enfin, vous évoquez d’une façon plus générale le problème des risques industriels. Il est vrai que nous hérité d’une situation où, sur 404 sites Seveso qui font l’objet de la prescription d’un plan de prévention des risques technologiques, seulement deux cents à peu près ont été approuvés aujourd’hui. Il faut donc redoubler d’efforts.
Nous avions proposé, dans la loi de finances, des mesures pour le financement des travaux que vous évoquez ; cette disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel, mais le Gouvernement la présentera de nouveau.
Agréable exemple de dialogue sincère et honnête entre parlementaire et gouvernant. Seul bémol dans la réponse de Delphine Batho : elle passe sous silence le cas des personne fragiles. J’ai 88 ans (et je fume la pipe depuis 63 ans) et j’ai toujours des poumons en bon état de fonctionnement, merci à Dieu. Mais une majorité de mes contemporains n’a pas la même chance. Il est vrai que quelques dizaines de mois d’espérance de vie résiduelle en plus ou en moins pour les gens de ma génération, çà a une incidence négligeable du point de vue de l’estimation de la qualité globale de la santé publique, mais tout de même.