(Rue89) Depardieu, Khalifa, Kadyrov : Obélix et les crapules

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> Tribune de Noël Mamère publiée sur son blog sur Rue89

Le nouveau résident de Néchin (Belgique) est un drôle de personnage qui mérite vraiment un « Gérard d’honneur » pour une partie encore trop méconnue de son œuvre. Car on l’oublie souvent mais notre Obélix national est avant tout un homme d’affaires redoutable et sans scrupule.

J’ai pu m’en apercevoir en me confrontant à lui il y a déjà quelques années, lorsqu’il soutenait Rafik Khalifa, escroc algérien de haut vol, actuellement incarcéré en Grande-Bretagne. Monsieur Depardieu était alors un grand fan de monsieur Khalifa. Il alla presque jusqu’à me traiter de raciste pour avoir osé dénoncer les étranges et douteuses manœuvres financières de cet affidé des généraux et services secrets algériens.

Commission d’enquête parlementaire

Voici exactement les termes qu’avait utilisés Gérard Depardieu pour me qualifier à propos de l’affaire Khalifa dans une conférence de presse :

« Il a peut-être chié dans son froc en velours… Je suis peiné pour lui et son parti. Je pense que les Verts sont plus intelligents que ce qu’il a dit et que ses propos sont proches de propos racistes… Il faudrait le chasser de son parti ».

On appréciera le choix, la modération et la légèreté des termes.

A l’époque, je n’avais pourtant rempli que mon devoir de député en rédigeant une demande de commission d’enquête parlementaire sur l’empire de monsieur Khalifa, plus exactement sur l’origine des fonds de son groupe et les conditions d’attribution d’une fréquence à la chaîne Khalifa TV par le CSA, demande de commission malheureusement rejetée par le parlement par soi-disant insuffisance d’éléments.

Il semble bien que Cyrano ait toujours aimé l’argent facile. Et pour lui, l’argent n’a pas d’odeur. Preuve en est, il a ses entrées chez des chefs d’Etat aussi recommandables que messieurs Poutine, Castro, Kadyrov, Karimov, etc.

« Vive la Tchétchénie forte ! »

Il y a encore quelques semaines de cela, l’acteur n’hésitait pas à chanter d’ailleurs en compagnie de Gulnara Karimova, la fille aînée du dictateur ouzbek, après avoir vanté les mérites en octobre dernier de Ramzan Kadyrov, l’autocrate régnant d’une main de fer en Tchétchénie et accusé d’innombrables violations des droits de l’homme. Monsieur Depardieu était alors à Grozny pour y célébrer le 36e anniversaire de l’assassin Kadyrov et y avait déclaré :

« Vive Grozny ! Vive la Tchétchénie forte ! Vive Kadyrov ! Cela me fait plaisir d’être là. »

Monsieur Depardieu a du talent, c’est incontestable. Mais il est vraiment dommage qu’il ne l’emploie plus qu’au seul usage de l’accumulation de sa fortune personnelle, au détriment de certains principes pourtant fondamentaux comme la défense des droits de l’homme.

Alors que nous traversons la crise la plus grave depuis 1929, l’évasion fiscale est devenue le sport le plus prisé des stars du showbiz et du football. Le civisme de ces icônes médiatiques est proche de zéro. Ces gens, qui ont connu le succès grâce aux Français, estiment qu’ils ne sont redevables de quoi que ce soit à la France. Ils ont la haine de l’impôt, de l’Etat et du service public.

Délinquants en col blanc

Quand Nicolas Sarkozy était au pouvoir, les riches avaient enfin l’impression d’avoir trouvé leur parfait porte-parole. Ils n’avaient alors pas besoin de s’expatrier à 7 kilomètres de la frontière française.

Pourtant, le droit à la nationalité, des centaines de milliers de sans-papiers et de demandeurs d’asile en rêvent, eux. Ils continuent de subir dans notre pays les pires brimades. Ils sont traqués, pourchassés, expulsés. Les ministres de l’Intérieur successifs ont même fixé un quota annuel à atteindre : il faut en expulser 30 000 par an.

En France, le devoir d’hospitalité n’existe plus pour les pauvres. Mais le droit de cracher sur la République, lui, est permis pour messieurs Arnault ou Depardieu, encouragé par la droite qui a enfin trouvé ses « working class heroes ».

Eh bien moi, je tiens à saluer Yann Galut, ce jeune député socialiste du Cher qui a demandé à ce que soit posée la question de la déchéance de la nationalité pour ces délinquants en col blanc.

On ne peut à la fois, monsieur Depardieu, avoir le beurre, l’argent du beurre et la crémière. La République n’est pas un paillasson sur lequel Obélix peut poser son menhir sans vergogne.

En travailleur précaire dans « Mammuth »

Dans l’excellent film « Mammuth » de Benoît Delépine et Gustave Kervern sorti en 2010, Gérard Depardieu jouait un travailleur précaire traversant la France en vieille moto allemande pour pouvoir retrouver l’ensemble de ses points retraite. A notre connaissance, il n’était pas passé par Néchin. Monsieur Depardieu, votre personnage actuel dans la vie réelle nous apparait aujourd’hui nettement moins sympathique. Si vous avez déjà perdu l’honneur, tentez au moins de conserver ce qu’il vous reste de dignité.

Il est urgent de mettre en œuvre un plan de lutte contre l’évasion et les paradis fiscaux. Chaque année, ce sont des dizaines de milliards qui s’envolent. Alors que pour combattre le chômage, nous devrions pouvoir disposer de ces recettes, certains se glorifient encore de ce braquage de l’Etat.

Monsieur le Président, qu’attendez-vous pour prendre vos responsabilités et prôner des actes forts contre la délinquance fiscale ?

Messieurs Depardieu et consorts ne sont pas des intouchables.

2 commentaires pour “(Rue89) Depardieu, Khalifa, Kadyrov : Obélix et les crapules”

  1. bravo Monsieur Mamere pour votre franc parler et dommage qu’il n’y a pas beaucoup dans votre mouvement qui osent dire ce qu’ils pensent aussi haut et aussi fort.

  2. Merci Noël pour vos convictions et vos excellentes interventions.

    Je vous suggère de demander à François Hollande, en réponse à Monsieur Poutine, de donner par décret la nationalité française aux Pussy Riot, cela leur permettra peut-être de sortir plus rapidement de prison.

    Bien à vous

    Francis

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