(Terra Eco) « Des ministres pour une virgule », récit d’une conférence ratée à Doha
Point de vue – Doha est et restera l’une des plus mauvaises conférences sur le climat de l’histoire, estime l’eurodéputée Europe Ecologie – Les Verts Sandrine Bélier.
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Si le Qatar pouvait se réjouir samedi 8 décembre 2012 du match du PSG. « Un grand bol d’air pour le PSG qui bat Evian 4 à 0 » pour les commentateurs footballistiques qui se félicitent d’avoir eu de « la quantité, mais également la qualité », à Doha, les conclusions de la 18ème conférence des parties au sommet climatique ne suscitaient pas le même enthousiasme.
On ne négocie pas le climat comme on négocie l’achat d’un club de foot mais on peut mener une négociation sur le climat comme on produit une mauvaise série B : la preuve est faite ! Un sommet climatique de plus, qui renforce le fossé entre les décisions prises et celles qui sont nécessaires pour limiter le réchauffement climatique global de la planète en dessous de 2°C. Le sommet de Doha est la démonstration d’une rencontre internationale dont on sort avec le sentiment d’un rendez-vous manqué, d’un sommet pour rien, comme on sort d’un mauvais match de foot ou d’un mauvais film. Et même si on attendait peu de choses de ce sommet au Qatar, on espérait être surpris. Malheureusement, il n’y a pas eu de surprise. Qualifiée d’étape de « consolidation » par les principaux négociateurs, Doha est et restera l’une des plus mauvaises COP de l’histoire de la diplomatie climatique, avec un accord qui n’est pas à la hauteur de l’urgence climatique.
Acteur d’une science-fiction de série B
Un sommet animé par des rumeurs qui circulent, des nerfs qui lâchent. J’ai vu et entendu les coutumiers diplomates du climat se demander ce qu’ils faisaient là, se désespérer qu’on utilise leurs ministres pour discuter des virgules dans des textes sans portée politique. Dans les couloirs, des négociateurs épuisés s’endormir sur des canapés de fortune. En plénière, pourtant participant chevronné aux conférences sur le climat, le chef de la délégation philippine a craqué lors de son intervention. Ses larmes ont ému les 195 représentations nationales mais n’ont pas changé l’issue de cette négociation.
Et cette impression de n’être que l’acteur d’une science-fiction de série B est arrivée à son comble, alors qu’après deux semaines de négociations infructueuses, l’ensemble des textes qui ont fait couler beaucoup d’encre et de sueurs a été adopté en l’espace de deux minutes par un président martelant la table de son marteau. Et ce malgré les protestations furieuses du négociateur russe qui, ignoré, s’est rué vers l’estrade et à ensuite menacé de représailles le processus international. Mauvais scénario et triste spectacle. Comme si, depuis Copenhague, la dramaturgie devait maintenant faire partie du show pour compenser le manque d’engagements et de mesures réellement contraignantes.
Cette 18ème conférence n’était pas une conférence sur l’environnement. C’était tout sauf une conférence pour lutter contre le règlement climatique. Et même « Terminator » (Arnold Schwarzenegger, présent impuissant à Copenhague) ou Bruce Willis n’auraient sûrement pas réussi à mettre fin au désastre annoncé ? Seul Zinedine Zidane pour mettre un coup de tête aux rétifs aux engagements à la lutte contre le dérèglement climatique, aurait peut-être pu nous aider et figurer un des moments marquants des négociations climatiques.
Avalanche de rapports pour rien
Vingt ans après la grande prise de conscience mondiale au Sommet de Rio de 1992, nous ressortons de ce sommet avec « le Portail de Doha » dont les perspectives, malgré le vocabulaire emprunté à l’univers du web, n’ouvrent aucune fenêtre. Une deuxième période du protocole de Kyoto symbolique dont les ambitions et les signataires sont inférieurs à la précédente période d’engagement. Et sur les questions de fond, la nécessité de montée en puissance d’action pour limiter le réchauffement planétaire à un maximum de 2°C, la Porte de Doha est restée fermée. L’avalanche de rapports scientifiques, tels que celui de l’OMM (Organisation météorologique mondiale), le PNUE (Programme des Nations unies pour l’environnement), l’AIE (Agence internationale de l’énergie), et du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), et même le typhon dévastateur aux Philippines, n’ont pas eu gain de cause de la seule réalité monochrome qui compte pour les pays industrialisés. La réalité du court terme : celle que les caisses sont vides, que les énergies renouvelables représenteraient un investissement coûteux face au charbon et au gaz bon marché, et que le développement du solaire est l’occasion non d’une coopération mais d’une guerre commerciale entre l’Union européenne, les Etats-Unis et la Chine.
Cette réalité qui paralyse des Etats pétris par la peur de mettre en péril la compétitivité de leur économie en acceptant de négocier des objectifs plus ambitieux de réduction des gaz à effet de serre. Et ceci même si chacun sait et reconnaît que les engagements actuels mettent la planète sur la trajectoire d’un réchauffement de 4 degrés. Un bouleversement qui déclencherait une cascade de changements cataclysmiques. Ce sont les termes de la Banque mondiale, le 18 novembre dernier, dont j’ai imaginé avant Doha, qu’ils auraient plus d’effets que les propos de l’écologiste que je suis.
Hauts les cœurs, le Qatar pourra toujours se féliciter d’avoir sauvé 250 arbres en supprimant l’usage du papier à Doha. Et plus sérieusement, pour tirer les leçons de ce que présage cette 18ème COP : qu’il faudra attendre 2015 pour franchir une nouvelle étape. On a tous vu « Le jour d’après » et je ne pense pas me tromper en affirmant que nous n’avons tous pas envie de le vivre. J’espère que la France en déposant sa candidature pour le Sommet de 2015 en vue de la création du « protocole de Paris » a bien mesuré l’ampleur de la responsabilité qui devient aujourd’hui la sienne. Celle d’assurer, d’ici 2015, un rôle moteur et exemplaire au sein de l’UE et celui de la Communauté internationale. Paris, l’Union Européenne et la Communauté internationale ne se remettront pas d’un Copenhague bis et d’une réalité « cataclysmique », la seule qui importe vraiment, celle des effets du dérèglement climatique.