Point d’étape 1 « Entre nous » : Sommet international sur le changement climatique
Alors que les négociations ont commencé il y a une semaine ici à Doha au Qatar pour ce 18ème sommet international sur le changement climatique (COP18), c’est hier qu’a débuté le segment ministériel, dernier tour de table qui doit s’achever vendredi soir.
C’est donc l’occasion de faire un premier bilan sur l’état des négociations.
> retrouvez cet article sur le site de Sandrine Bélier
Protocole de Kyoto 2 (KP2)
Le Protocole de Kyoto, seul instrument international contraignant de lutte contre le changement climatique, arrive à échéance au 31 décembre 2012. Un nouvel accord n’arrivera pas avant 2020, il est donc nécessaire de renouveler ce Protocole de Kyoto pour pouvoir prendre des mesures contre le changement climatique. L’Union européenne a donné son accord de principe sur cette deuxième période d’engagement l’an dernier à Durban mais doit encore formaliser cela et régler de nombreux points sensibles tels que l’objectif de réduction et la durée de cette période d’engagement. Cela devra se faire sans la Russie, le Japon, la Nouvelle-Zélande et le Canada qui ont annoncé ne pas vouloir signer pour un KP2.
Les ambitions de l’Union Européenne sont peu disantes. Elle est prête à s’engager sur une période de 8 ans (et pas 5 ans comme le demandent les écologistes et la société civile) pour des raisons de politiques internes. De plus, elle refuse de s’engager à augmenter son objectif de réduction d’émission de CO2 à 30% en 2020 au lieu des 20% actuellement. Cet objectif de 20% serait déjà atteint par l’Europe dans la première période d’engagement et correspondrait donc dans la situation actuelle à un effort de réduction de 0%. Cela apparaît comme de la poudre aux yeux et un moyen de ne pas prendre d’engagements, ce qui tend les relations avec le groupe AOSIS formé par les petits Etats insulaires les plus vulnérables au changement climatique.
Un autre point de blocage sur le KP2 est la problématique dite de « l’air chaud », terme abstrait qui désigne un phénomène bien réel, celui d’un surplus de crédits-carbone accumulé par des pays de l’Est, Pologne et Russie en tête, et qui fausserait complètement les objectifs de KP2 s’ils étaient transférés depuis KP1 en empêchant des réductions réelles plutôt que des marchandages sur les compensations.
La Pologne se montre intraitable sur le sujet et ne démord pas, empêchant l’Union européenne de prendre une position claire et menaçant un blocage complet des négociations en cas d’entêtement.
Une porte de sortie est actuellement discutée avec un texte proposé par le G77 qui entérine un report des crédits-carbone mais qui ne pourraient alors plus être utilisés pour des transactions commerciales mais uniquement pour une utilisation interne.
Ces crédits-carbone seraient ensuite progressivement éliminés pour ne pas être comptabilisés dans le nouvel accord de 2020.
La question des Mécanismes de Développement Propre est également abordée et notamment de savoir qui peut y avoir accès : est-ce l’ensemble des pays ou seulement ceux Parties au KP2. L’Union européenne là aussi brille par son manque de position claire.
L’Action concertée à long terme (LCA)
Le deuxième axe principal des négociations porte sur l’Action Concertée à Long Terme (LCA en anglais). Ce groupe de travail réuni l’ensemble des Etats de la Convention sur le changement climatique, même ceux qui n’ont pas ratifié le Protocole de Kyoto. Ce groupe de travail avait pour but d’encadrer les engagements des pays non Parties, de définir une « vision partagée » qui fixe les objectifs pour 2050 et préparer l’accord de Copenhague.
Cet accord n’ayant pas eu lieu, il convient donc maintenant de réunir ce groupe de travail avec celui sur le Protocole de Kyoto pour rassembler l’ensemble des pays sous la plateforme de Durban.
Mais il reste encore beaucoup de travail avant de pouvoir finaliser les négociations sur LCA car l’Arabie Saoudite, présidente du groupe de travail soutenu notamment par la Chine et le Venezuela, a proposé un texte très déséquilibré vis-à-vis des pays en voie de développement, heureusement rejeté par l’ensemble des Parties. Les négociations sont donc toujours en cours avec de nombreuses questions telles que la portée de la révision, la compatibilité entre les Parties et les non Parties, les engagements volontaires, l’équité, les nouveaux mécanismes de marché, etc
La Plateforme Durban
Le troisième axe important négocié ici est celui de la Plateforme de Durban (ADP en anglais) qui doit conduire à un nouvel accord global en 2015 pour un nouveau traité en application en 2020 en remplacement du Protocole de Kyoto.
Les discussions sont très chaotiques et tournent presque exclusivement autour du cadre de travail d’ici à 2015 et la définition du calendrier des prochaines négociations et ateliers de travail de 2013 et après.
Il y a très peu d’attente quant à Doha au regard de ce sujet.
D’autres sujets non moins importants sont en négociation.
C’est le cas des financements. Comment provisionner les 100 milliards de dollars prévus en 2020 pour lutter contre le changement climatique, et notamment le Fonds vert pour le climat repoussé de COP en COP, et qui fait figure pour l’instant de mirage lointain.
La question des « fast-start finances », supportant des actions immédiates dans les pays en voie de développement est un sujet sensible. Au 1e janvier 2013, ces financements sont sensés s’arrêter car prévus pour la période 2010-2012. Et s’il y a un consensus pour continuer cette aide, le montant exact reste inconnu. Le Royaume-Uni est le premier pays européen à s’engager et vient d’annoncer 2,2 milliards d’euros pour les « fast-start finances ». Nous attendons maintenant les engagements des autres pays européens et notamment ceux de la France et du Danemark.
L’Union européenne ne peut pas s’engager pour les Etats membres mais a réservé 500 millions d’euros du budget européen pour ces projets.
En ce qui concerne les engagements, le Qatar est prêt à prendre fixer un objectifs de réduction des émissions de CO2 sur la base d’un accord commun avec les autres pays de la péninsule arabique. Mais l’Arabie Saoudite est réticente à cette idée pour le moment.