Circuaire Valls : Fallait-il une circulaire ?
Oui et non. Si le ministre avait été plus rapide, s’il avait réellement pris conscience de l’enjeu des sans papier-ères, en France, il aurait mis toute son énergie à rédiger une loi et non une circulaire, qui n’est qu’une explication de texte de la dernière réforme Sarkozy de 2011. Or la seule loi sur les étrangers qu’il a déjà rédigée concerne la mise en retenue des étrangers qui ne peuvent, lors d’un contrôle d’identité, prouver immédiatement qu’ils sont en règle. Ils peuvent ainsi être retenus pour vérification d’identité.
Si une régularisation massive avait eu lieu , elle aurait permis de réduire les contrôles sur de présumés fraudeurs à l’entrée sur le territoire français !
Il convient surtout de remarquer que l’arrivée des socialistes au pouvoir n’a pas déclenché une arrivée massive d’immigrés comme l’annonçait la droite pour faire peur. Les sans papier-ères qui sont en France y sont depuis de nombreuses années et ont acquis un « droit naturel », un droit de l’Homme à rester en France (article 8 de la CEDH).
Donc faire une circulaire avant une loi c’est mettre la charrue après les bœufs ou, pire encore, se laisser traîner par une fusée polluante, nauséabonde, lancée avant l’arrivée de la gauche et l’on se doit de minimiser la pollution !
Il fallait une grande loi toute suite et non un an après l’arrivé de Hollande. A minima, il fallait une circulaire de rupture et non une circulaire de continuité. Et outre, et surtout, cette circulaire n’a aucune valeur contraignante et les étrangers et leur appuis ne pourront s’en prévaloir devant les tribunaux !
Cette circulaire est-elle de gauche ?
Bien sûr que non, même si elle en a l’apparence. En la présentant comme une circulaire visant à unifier les pratiques des préfectures sur le territoire national, ce qu’est, en principe, toute circulaire, notamment en matière de police administrative des étrangers, le ministre ne fait qu’enfoncer des portes ouvertes, et flatte le sens égalitariste de gauche : une seule pratique sur tout le territoire.
Elle paraît aussi de gauche en cherchant à régulariser les étrangers qui ont un travail au noir ou les sans-papier-ères victimes de violences intra-familiales ou de traite des humains.
Mais, par définition, tous ces cas étaient déjà traités das la loi puisqu’une circulaire ne saurait pas se substituer à la loi. Il suffisait que le ministre demande aux préfectures de respecter la loi, sans autre précision, voire simplement de ne pas faire appel des décisions judiciaire favorables aux étrangers pour qu’une grande majorité des cas soit traitée. Mais lorsque, en tant que parlementaire, j’ai demandé la régularisation exceptionnelle de certains dossiers, le ministre me l’a refusée, alors même que les situations présentées relèvent, a posteriori, de la circulaire.
Il est vrai que penser une circulaire de gauche n’est pas possible à partir d’une loi de droite ! C’est ce qui explique l’accueil plus que mitigé des associations d’aides aux sans-papiers, telles la Cimade, le Gisti, RESF, etc. En refusant de penser d’abord la loi, le ministre a déçu ceux qui ont contribué à l’élection de F. Hollande.
Et maintenant ?
Le ministre nous annonce une grande loi en 2013 qui repenserait le statut des étudiant et des travailleurs… C’est voir l’immigration par le petit bout de la lorgnette : les sans papier-ères ne sont que la partie la moins invisible des phénomènes migratoires internationaux. Les capitaux circulent librement, avec les dérèglements économiques et financiers que nous vivons dans le monde prétendument « avancé », Europe et Amérique. Ces dérèglements existent tout autant dans les pays en voie de développement, mais surtout le dérèglement climatique a des effets encore plus dévastateurs dans les pays les plus pauvres de la planète. Ne voir les mouvements migratoires que comme un problème de statut européen ou français est donc voué à l’échec.
Ce qu’il faut à la France et à l’Europe c’est une volonté politique d’accueil des migrants une politique avec facilitation des allers et retours dans le pays d’origine pour permettre à ceux ci d’envoyer leurs meilleurs éléments comprendre les problématiques du futur en Europe, et donc retourner chez eux pour aider au développement dans leur propre pays.
Ce qui est donc en cause n’est pas tant la gestion de l’immigré que la gestion des flux et donc la politique des visas. C’est très bien d’annoncer la création d’une carte trisannuelle, mais il aurait aussi fallu annoncer une aide au développement sur place, ce qui a été refusé dans la loi de finances, malgré les amendements EELV.
Et puis surtout il faut en finir avec les accords bi-nationaux avec l’Algérie, la Tunisie ou les anciennes colonies africaines ! Ces accords ont juste un relent nauséabond de paternalisme et posent des problèmes juridiques insurmontables : ainsi au nom de l’accord franco-algérien, les femmes algériennes battues ont moins de droit que les femmes argentines dans la même détresse.
En revanche, des accords économiques bi-nationaux, notamment sur les envois depuis la France d’argent dans les pays d’origine seraient les bienvenus : pourquoi ne pas créer un plan épargne original avec une prime si l’argent économisé en France est réinvesti dans le pays d’origine, même si l’étranger ne repart pas chez lui : ce serait encourager des micro-structures et non de grosses associations avec les risques se détournement de l’argent du développement.
Enfin, la loi devra repenser le statut des mineurs, nés en France ou y ayant vécu toute leur enfance en acceptant d’en faire des français le plus tôt possible, tant il est vrai que leur personnalité se forge en France et qu’ils ne doivent pas subir la loi des adultes. Il faut aussi rendre leur présence en France transparente : il est scandaleux que leurs parents soient obligés de payer leur titre de circulation ou leur titre d’identité républicain alors même que la carte d’identité française est gratuite pour les mineurs. En maintenant cette discrimination, malgré mes demandes renouvelées, la France envoie un mauvais signe aux immigrés : « vos enfants ne seront jamais des enfants comme les autres ».
Le projet de loi, dont quelques lignes ont été présentées, apparaît donc comme une loi de police classique et non comme la grande loi qui permettrait de redéfinir la micro-politique internationale de la France, avec l’ambition d’accueil de l’étranger et de développement, comme cela a été voulu en 1945. Une telle ambition serait moins coûteuse que les politiques dite d’aide au développement et surtout la politique militaire internationale de la France : à une politique macro-internationale dont la France n’a plus les moyens et qui est n’est plus d’actualité, proposons une politique micro-internationale, partenariat avec les pays d’émigration dont nous avons aussi à apprendre.
Hélène Lipietz
Bravo! mais comment faire passer et faire débattre ces analyses et ces propositions (remarquables comme celle de ce « plan d’epargne ») aupres des populations concernées?Quelle stratégie pédagogique et politique à développer?Sur quel périmètre? A quelle échéance?
Citoyennement vôtre.JP
Juste après le titre « Et maintenant ? « …
Je suppose qu’il faut lire migratoire et non giratoire.
Est-ce une troncature trop vite faite qui a rendu la transition de « Les capitaux circulent librement » à « dérèglement climatique » très indigeste. Du coup, le § est passablement obscur.
Pouvez-vous développer (mon information en est lacunaire) l’avant-dernier § à propos du défaut de droits des jeunes nés et vivant en France de parents non-Français ou en situation irrégulière ?