Le budget de l’UE ne se fera pas au rabais
L’échec du sommet des 22 et 23 novembre dernier était attendu. Il n’en est pas moins préoccupant. Si l’absence d’accord sur le cadre budgétaire pour la période 2014-2020 est techniquement surmontable, il traduit un climat détestable de défense des égoïsmes nationaux au détriment de l’intérêt général européen. Les négociations – devrions-nous dire marchandages de bas étage ! – de la semaine dernière ont offert le spectacle pitoyable d’une Europe intergouvernementale engluée dans les mesquineries de chaque Etat-membre.
Dans cette phase finale de négociation du « cadre financier pluri-annuel » 2014-2020, les discussions sont naturellement sous haute tension. Derrière ce budget multi-annuel complexe qui fixe le plafond de chaque grande catégorie de dépenses, se dessinent les projets politiques de l’Europe à moyen terme. Et la légitimité de certaines dépenses européennes historiques comme la Politique agricole commune (PAC) et la politique de cohésion qui concerne les régions est remise en cause. Il relance aussi, à l’échelle de l’Union, les querelles sur le besoin d’austérité ou de relance économique. Les Etats historiquement réticents à donner plus de pouvoir aux institutions européennes, tels la Grande-Bretagne ou les Etats du Nord de l’Europe, tirent prétexte de la crise pour couper drastiquement dans le budget de l’Union européenne. Même l’Allemagne, traditionnellement pro-européenne, s’est rangée à cet argument.
Réduire les dépenses publiques et mettre en place des politiques budgétaires drastiques ne nous permettront pourtant pas de sortir de la crise. L’Union européenne doit d’urgence lancer les réformes qui permettront d’aller vers une société plus durable. Une nouvelle économie verte – zéro carbone, zéro nucléaire – qui se fonderait sur l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables pour être compétitive et créer de nouveaux emplois « verts ».
Pour réaliser ce « green new deal » que portent les écologistes au Parlement européen, il faut un « cadre financier pluriannuel » qui en esquisserait les contours… et les moyens qui vont avec. Avec un budget européen qui représente à peine 1 % du Revenu national brut en 2011 (soit 126, 5 milliards d’euros), l’Union européenne n’est pas suffisamment bien dotée pour agir conjointement.
Pourtant, il faut poursuivre les programmes déjà mis en place et atteindre les objectifs climatiques, d’aide au développement, de recherche, d’emploi ou encore de lutte contre la pauvreté… que l’UE a déjà fixés. Avec le traité de Lisbonne, les compétences de l’UE ont été accrues et il faut les financer. C’est pourquoi le Parlement européen, très majoritairement, et soutenu par les Verts/ALE, préconisent une hausse de 5% du budget et s’opposent donc frontalement aux Etats-membres qui veulent le réduire.
Ce sont les Etats dits « contributeurs nets », c’est à dire pour qui le montant des financements européens qu’ils reçoivent est inférieur à leur contribution au budget de l’UE, qui sont les plus offensifs en la matière. Ce « club des radins », dont fait malheureusement partie la France, semble s’être rangé derrière le mot d’ordre de Margaret Thatcher, « I want my money back ». Calculatrice à la main, ces Etats ne veulent plus contribuer autant qu’avant au budget commun, enterrant par là même l’idée de solidarité européenne.
Et c’est ainsi que le dernier sommet a donné lieu à un grand concours de défense des égoïsmes nationaux : pas touche à la PAC pour les uns, coupe dans les fonds de cohésion pour les autres, baisse drastique du montant global du budget pour les plus durs.
Dans un tel contexte, il est finalement heureux qu’aucun accord entre Etats-membres n’ait été trouvé la semaine dernière car il n’aurait pu qu’être au rabais. D’ici janvier prochain et le prochain sommet, nous appelons les dirigeants européens à se ressaisir et à se rappeler également qu’ils devront négocier ce cadre budgétaire, non seulement entre eux, mais aussi avec le Parlement européen. En effet, depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, les eurodéputés doivent donner leur approbation en la matière et dispose donc du même droit de veto que certains Etats-membres, notamment outre-Manche, sont prompts à brandir.
La position du Parlement a été répétée plusieurs fois depuis plus d’un an : une augmentation d’au moins 5% du budget communautaire est nécessaire pour faire face aux défis de la crise et aux nouvelles compétences. Afin de financer ce budget, une partie du produit de la taxe sur les transactions financières – que 11 Etats-membres vont mettre en place – doit être directement affectée au budget de l’Union européenne. Cela permettrait de réduire la contribution au budget de ces 11 Etats-membres, et ainsi de concilier consolidation du budget européen et économies pour eux.
Le Parlement européen, seule institution européenne directement élue par les citoyens européens et seule institution européenne débattant publiquement, ne laissera pas brader le futur de l’Union européenne par les égoïsmes nationaux et s’est déclaré prêt à user de son droit de veto si les Etats-membres veulent imposer un budget au rabais.
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