Pour sortir du piège des 3%

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« L’objectif des 3 % est devenu mortifère, car un tour de vis budgétaire supplémentaire aurait de graves conséquences en cascade. (…) Il appartient au Président de la République de construire les alliances qui permettront d’écrire une nouvelle feuille de route européenne. » Par Eric Loiselet, Jean-Philippe Magnen et Agnès Michel, responsables EELV.

Le débat parlementaire sur le projet de loi de finances 2013 est l’occasion de choisir. Choisir une voie pour sortir du piège de la réduction « obligée » du déficit public à 3 % du PIB. Car une stratégie violente de désendettement est à la fois irréaliste et dangereuse.

Dès juillet, l’Office français de conjonctures économiques (OFCE) indiquait que les objectifs de réduction du déficit (3 % du PIB en 2013 et équilibre en 2017) et de retour à la croissance (1,3 % en 2012 et 2 % en moyenne pour le reste du quinquennat) n’étaient pas atteignables, sauf sous des hypothèses irréalistes. Et, aux yeux d’un nombre croissant d’économistes, il apparaît clairement que cette réduction des déficits publics à 3 % n’est pas tenable. Sauf à exposer le pays à une grave récession, entraînant une véritable saignée sur le front de l’activité et de l’emploi, déjà dévasté.

Un signal a paru rassurant: il arrive aujourd’hui que la France emprunte, à court terme, à taux négatifs. Mais cette situation atypique ne vaut que dans une zone euro plus qu’instable et marquée par de grandes disparités entre États, où la France s’en sort moins mal que la moyenne. De plus, la situation peut rapidement s’inverser, notamment devant le regain de tensions sociales en Europe du Sud.

L’objectif de réduction du déficit correspond à la fois aux engagements européens de notre pays et aux engagements électoraux de François Hollande, qui combinait réduction des déficits publics et retour à la croissance. Mais ces engagements ont été pris à un moment où la dégradation de la situation économique était moindre qu’aujourd’hui. L’objectif des 3 % est devenu mortifère, car un tour de vis budgétaire supplémentaire aurait de graves conséquences en cascade, déjà observables dans des pays voisins: accélération de la contraction de l’activité et de la hausse du chômage, entraînant la baisse des rentrées fiscales et donc de nouvelles difficultés budgétaires, érodant la défiance des investisseurs qui viendront alors contrecarrer la stratégie de désendettement. La récession est déjà là, et le risque est grand qu’elle s’installe : les nouvelles recettes fiscales du gouvernement et son plan de maîtrise des dépenses publiques ne permettront pas, alors, de tenir la trajectoire souhaitée de réduction des déficits.

Il faut donc changer le rythme de l’action, car la récession viendra évidemment contrecarrer les efforts collectifs aujourd’hui engagés. L’obstination de court terme pourrait se transformer en aveuglement fatal à moyen terme. Fatal économiquement et socialement pour l’ensemble de nos concitoyens, fatal pour la zone euro… et, bien entendu, fatal pour le gouvernement de la gauche et des écologistes et ses ambitions de long terme, notamment en faveur de la transition énergétique et de la conversion écologique de l’économie.

Pour sortir du piège des 3 % à court terme, il faut reposer à l’échelle de l’Europe la question de la stratégie de désendettement à un autre rythme. Comme rien en la matière ne peut se faire sans concertation avec nos partenaires européens, c’est l’ensemble de la zone euro qu’il faut engager sur le report concerté, au-delà de 2013, de la réduction à 3 % des déficits publics. Il appartient au Président de la République de construire les alliances qui permettront d’écrire une nouvelle feuille de route européenne, pour repousser le spectre de la récession qui hante sur nos sociétés tout en rendant possible la relance de l’activité en plaçant l’investissement pour la transition écologique au cœur du nouveau projet européen.

Eric Loiselet est co-animateur du conseil d’orientation politique d’Europe Ecologie Les Verts, Jean-Philippe Magnen est porte-parole national et Agnès Michel, responsable de la commission économie social.

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