Intervention de Ronan Dantec à l’occasion du débat sur la biodiversité au Sénat

800px-L'hémicycle_du_Sénat_français_en_septembre_2009

M. le Président,

Mme la Ministre,

Chers collègues,

« Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage prennent des albatros/ vastes oiseaux des mers, qui suivent/ indolents compagnons de voyage/ le navire glissant sur les gouffres amers ».

Beaucoup d’entre vous connaissent ce poème de Charles Baudelaire, publié en 1861 dans la deuxième édition des Fleurs du Mal.

Dix ans plus tôt, Herman Melville publiait Moby Dick, grand livre autour de la chasse à la baleine, vous l’avez peut-être aussi lu. « Les grandes baleines avaient projeté leur souffle sur toutes les mers, arrosant et parant de mystère, les jardins des profondeurs avec tant de jets d’eau ».

Mais, déjà à l’époque, la chasse à la baleine s’industrialise et va provoquer un effondrement dramatique des populations de cétacés, jusqu’à l’entrée en vigueur du moratoire de 1986.

A la fin du XIXème siècle, les baleines grises disparaissaient totalement de l’Atlantique nord et c’est aussi de cette même époque que datent les dernières observations d’albatros sur les côtes de l’Europe. Peu de lien entre ces disparitions me direz-vous, si ce n’est la coïncidence chronologique et l’accélération à cette époque des disparitions d’espèces, du pigeon migrateur au bison d’Amérique. Pourtant, en 2008, deux scientifiques, Philippe Cury et Yves Miserey, notaient la corrélation entre l’effondrement des populations de baleines grises et d’oiseaux marins.     En effet, ces cétacés, se nourrissant au fond, remettraient en suspension chaque été des centaines de millions de mètres cubes de sédiments et, par la même, des myriades de crustacés benthiques, happés à la surface par les grands oiseaux marins océaniques, puffin, pétrel, voire donc albatros, pour qui les crustacés constituent une nourriture d’appoint.

Quand on parle de biodiversité, on évoque donc l’interaction constante et la fragilité des équilibres. L’homme aura eu bien du mal à le comprendre, et à comprendre qu’étant lui-même issu du vivant, c’est bien l’arbre qui l’abritait et le nourrissait qu’il était en train de déraciner et d’abattre à coups de harpon, fusil et bulldozer.

Il me semble donc important de conclure cette introduction par cette interrogation. S’il était né quelques dizaines d’années plus tard, faute d’albatros dont les populations s’effondrent, à cause ou pas des baleines grises, Charles Baudelaire aurait-il pu imaginer ce poème magnifique, qui a nourri et nourrit encore notre sensibilité au monde.

C’est au tournant du XXIème siècle que l’ONU s’est enfin penché sérieusement sur la question de la préservation de la biodiversité et qu’en 2005 a été proposée une grille d’analyse liant les services délivrés par la nature et les écosystèmes aux développement et bien-être humains. Ainsi, faire le lien entre l’oiseau et la plume du poète s’inscrit dans la troisième catégorie de services, les services dits culturels ou esthétiques offrant à l’humain, je cite, autant d’opportunités récréatives ou artistiques.

Les deux autres grands types de services sont les services de prélèvements, avec notamment les enjeux humains de sécurité alimentaire, et les services de régulation, du climat ou de la pollinisation, services sans lesquels nous serions, et sommes déjà, un peu embêtés… Jean-Vincent Placé y reviendra tout à l’heure.

Avec un rythme de disparitions d’espèces estimé aujourd’hui à 1000 fois ce qu’il était avant qu’homo sapiens ne soit capable de produire « 2001 l’Odyssée de l’espace », nous sommes entrés dans cet anthropocène, ce temps où l’homme a la capacité de modifier à grande échelle l’environnement planétaire, faire fondre les banquises, raser les forêts et empoisonner les océans. Nous avons donc aujourd’hui non seulement une responsabilité, mais plus sûrement une impérieuse nécessité de stopper le désastre, d’inventer un fonctionnement,  notamment en termes d’aménagement du territoire, qui permette la cohabitation pour le moins, l’interaction équilibrée pour le mieux, entre l’humain et son environnement.

La situation est grave, mais elle n’est jamais désespérée, à condition de s’engager sans tarder dans une politique à la hauteur des enjeux, qui soit adossée à un diagnostic lucide des principales atteintes à la biodiversité de notre beau pays aux milles paysages, l’un des plus riches du monde en termes de diversité des écosystèmes.

Je ne peux être exhaustif, mais un certain nombre de priorités et de réponses ont ici l’opportunité, pour la première fois dans l’histoire du Sénat, d’être développées en séance publique.

Le premier enjeu est sans nul doute la préservation de la terre agricole et des espaces naturels. Le chiffre était déjà terrifiant – l’artificialisation tous les 10 ans d’un territoire équivalent à la taille d’un département – il est aujourd’hui dépassé : c’est tous les 7-8 ans que nous perdons dorénavant cette surface, notamment dans l’ouest de la France, en raison de l’étalement urbain et d’infrastructures démesurées.

Stopper ce gaspillage insensé est une urgence, et nous ne pouvons que souscrire à l’objectif affiché par les associations du réseau France Nature Environnement, d’avoir totalement stoppé cette perte en 2025, pour arriver à un système où tout hectare artificialisé devra être compensé par la renaturation d’une surface équivalente. Des expériences d’ampleur sont déjà menées en Angleterre en ce sens.

Sans attendre, et le Sénat devra être moteur sur ce point, il faut réduire ce rythme de destruction par la modification des règles d’urbanisme, notamment dans les SCOT (Schéma de Cohérence Territoriale), qui doivent être plus directifs. Nous devons faire passer l’idée que l’artificialisation doit se limiter à des situations où il n’y a pas d’alternatives possibles. La densification des grandes villes comme des bourgs secondaires est ici un enjeu central. Dans ce cadre, comme j’aime à le souligner, il est probable que la première politique de préservation de la biodiversité serait une bonne politique du logement, permettant de se loger en ville à des coûts accessibles et avec une qualité de vie, qui évitent l’appel de la campagne et le développement de ces lotissements de néo-ruraux, condamnés à parcourir chaque jour des dizaines de kilomètres pour retourner travailler en ville.

Le deuxième enjeu est évidemment de stopper les agressions multiples dont la nature est aujourd’hui victime. Les énumérer est impossible tant elles sont nombreuses, mais l’effondrement des populations d’abeilles, probablement lié justement à ce cumul d’agressions, est un témoignage fort de ce qui nous attend si nous ne réagissons pas. Bien sûr, il faut interdire les produits incriminés comme le gaucho ou le régent, mais c’est plus globalement la sortie du modèle d’une agro-industrie shootée aux phytosanitaires qu’il faut organiser. Le Grenelle annonçait, à la grande époque du sarko-show environnemental, l’objectif d’une baisse de 50% de l’usage des phytosanitaires, les derniers chiffres disent l’augmentation de leur utilisation. Il n’y a aucune stratégie cohérente pour sortir de ce modèle tragique pour la santé des agriculteurs, comme pour le milieu naturel.  C’est pourtant une priorité absolue. L’accroissement rapide des surfaces cultivées en agriculture biologique, prévu par le Grenelle, serait la première réponse. 20% en 2020 serait un objectif raisonnable, qui devrait s’appuyer sur le renforcement des filières du bio dans les circuits courts et la restauration collective. Nombre de collectivités qui sont passées au bio dans leurs cantines démontrent qu’il n’y a là aucune utopie mais seulement raison. Et ce sera aussi la tâche de la toute nouvelle commission d’enquête sénatoriale sur les pesticides de proposer des avancées concrètes sur ce point.

En parallèle, mais est-il besoin d’y revenir, le maintien de l’interdiction des OGM s’impose, et nous ne pouvons que nous réjouir de l’unanimité aujourd’hui affichée à gauche sur cette question.

Dans ce domaine de la limitation des agressions contre le milieu, je voudrais insister sur la question de l’eau et de notre responsabilité sur les milieux marins.

La reconquête de la qualité des milieux aquatiques, telle que définie par la directive européenne de 2000 est une priorité. Cela passe par la remise en cause de pratiques agricoles intensives surdimensionnées par rapport aux capacités d’absorption des bassins versants, mais aussi par un renforcement de l’assainissement en milieu urbain. Nous connaissons le retard pris sur ce point, le rapport de l’automne dernier de notre collègue Fabienne Keller le soulignait. Certaines remises en cause seront nécessaires. Je pense notamment au non-traitement des eaux de pluie dans le cadre de réseaux séparatifs, eaux de pluie qui, en nettoyant les villes, souillent ensuite rivières et milieux marins, avec des atteinte graves à la biodiversité, bien au-delà de nos territoires.

Nous sommes en train de prendre conscience de la très grande fragilité de la biodiversité marine, là où nous avions vu il y a quelques décennies un vivier inépuisable pour nourrir des milliards d’humains. Réduire au minimum nos effluents est un enjeu majeur de préservation des océans, entre sacs plastiques et mégots, nitrates et phosphates. Cela nécessitera des moyens financiers et des programmes forts de coopération internationale, je pense par exemple à la Méditerranée. L’Etat devra être exemplaire et, évidemment, arrêter de piquer dans les caisses des agences de l’eau pour boucler ses propres fins de mois. Est-il vraiment nécessaire de rappeler ce hold-up de la part d’un gouvernement qui n’a jamais fait de l’environnement une priorité financière ?

La question du devenir des océans, réservoirs de biodiversité par trop méconnus et négligés, sera sur la table des négociations de Rio en juin prochain. La France devra être offensive pour obtenir l’arrêt de la surpêche, l’instauration de vastes zones de réserves marines, et la mise en place de programmes internationaux de recherche pour connaître mieux demain ce monde encore partiellement inexploré. Une part de notre avenir collectif se joue là. Avec les départements et collectivités d’outre-mer, la France possède l’un des plus vastes territoires marins du monde, le deuxième après celui des Etats-Unis. Cela lui donne une responsabilité particulière, en lien avec les collectivités territoriales concernées. J’en profite aussi pour rappeler la nécessité du renforcement des mesures de lutte contre les pollueurs des mers, les dégazages, les navires-poubelles et les comportements irresponsables. L’échouage du TK Bremen nous rappelle que nous sommes toujours sous la menace d’une catastrophe, le renforcement des droits français et européen doit nous en prévenir.

Finalement, je ne m’attarderai pas dans cette intervention sur la question de la protection des espèces et habitats les plus remarquables, non que ce point n’ait pas aussi son importance, mais il m’a semblé qu’il était le plus connu.

Bien sûr, il faut réintroduire l’ours dans les Pyrénées et réapprendre à vivre avec cet emblème, facteur d’imaginaire et évidement de développement touristique local. Bien sûr, il faut protéger de nouveaux espaces terrestres et marins remarquables, et le Grenelle avait fait des propositions très précises dans ce domaine. J’en suis le premier convaincu mais il ne faudrait pas que les débats, importants et légitimes, nous fasse oublier que la menace actuelle, c’est aussi la perte de la biodiversité banale, et que nous ne préserverons pas quelques espaces ou espèces remarquables si les écosystèmes dans lesquels ils s’inscrivent continuent de s’appauvrir.

J’aurai aussi pu longuement évoquer l’enjeu forestier, je ne l’oublie pas mais ne l’évoquerai pas non plus ce soir.

Préserver les territoires, limiter drastiquement les agressions contre le milieu naturel, protéger espèces et habitats remarquables, nous avons là la base d’une véritable politique de la biodiversité, d’un plan national stratégique, qui nécessite des outils d’intervention.

Il s’agit d’abord de se doter d’un appareil législatif complet et adapté et c’est, mes chers collègues, notre premier métier. Par exemple, nous devons rapidement traduire en droit français les engagements pris à Nagoya dans le cadre du suivi de la Convention sur la Diversité Biologique, notamment pour refuser la captation par des intérêts privés de ce bien public qu’est le vivant. C’est une urgence politique. Nous devons appliquer ce qui a été l’une des principales avancées du Grenelle, la notion de « trame verte et bleue » pour en finir avec le morcellement de la nature. Fondée sur de véritables études dynamiques sur le fonctionnement des écosystèmes, ces trames doivent devenir opposables aux autres documents d’urbanisme. Sinon, elles resteront des croquis pour documents d’études et nous aurons perdu l’opportunité d’organiser enfin la cohabitation sur notre territoire entre activités humaines et préservation des écosystèmes. J’espère que nous trouverons sur ce point une majorité car, malheureusement, nous savons bien, mes chers collègues, que si tout le monde ou presque est aujourd’hui prêt  à s’ériger en protecteur de la nature, cette unanimité ne résiste toujours pas aux intérêts locaux.

Je vous sais par exemple tous préoccupés par l’avenir du grand hamster d’Alsace mais, pour autant, êtes-vous prêts à expliquer à certains de nos collègues alsaciens que le grand contournement de Strasbourg est une très mauvaise idée si on veut préserver le biotope de ce rongeur en voie de disparition ? Je vous sais attentifs à la chute des populations d’amphibiens, 55% des espèces françaises étant jugés en mauvaise posture par la dernière grande étude du Museum National d’Histoire Naturelle et du Comité français de l’IUCN mais, pour autant, aurez-vous la force de persuasion nécessaire pour convaincre quelques élus de Loire-Atlantique qu’un nouvel aéroport à Notre Dame des Landes sur 2000 hectares de zones humides n’est vraiment pas raisonnable ? Et s’il y a un vrai consensus, je le ressens, pour préserver lagunes et coraux, pour autant, qui va expliquer à Mayotte qu’allonger la piste de l’aéroport sur un récif coralien d’importance mondiale est totalement contraire à nos engagements internationaux ? Il nous reste donc, mes chers collègues, encore un peu de travail pour nous mettre en totale cohérence, mais je ne doute pas que la nouvelle majorité de gauche du Sénat tournera le dos à l’approche sarkozo-pendulaire de l’environnement : un coup je m’affiche, un coup je m’en fiche.

A côté des mesures législatives, sachant que les nombreuses propositions collectives des acteurs du Grenelle, engagements non repris par le gouvernement, nous ont un peu mâché le travail pour les prochains mois, il nous faudra aussi réfléchir à une réforme de la fiscalité pour accompagner la préservation de la biodiversité. Renforcement des TGAP sur les activités nuisibles à l’environnement, fiscalité du foncier non bâti favorable à la protection de la biodiversité, c’est à une véritable réforme de la fiscalité environnementale qu’il faut procéder. Plus globalement, en s’appuyant sur le rapport du Centre d’Analyse Stratégique au titre explicite, « Les aides publiques dommageables à la biodiversité », c’est toute l’intervention publique qu’il faut aujourd’hui réexaminer, y compris celle des collectivités territoriales, acteurs majeurs de la protection de l’environnement.

Mais la loi n’est pas tout. Sans la mobilisation des acteurs de terrain, nous ne pouvons pas atteindre nos objectifs.

Premier acteur, le monde de la connaissance a un rôle central à jouer. Savons-nous par exemple que nous ne connaissons et n’avons classifié que moins de deux millions d’espèces multicellulaires sur la dizaine de millions d’espèces estimées. Lors des dernières grandes expéditions scientifiques à Bornéo en 2010, nous avons encore découvert 123 espèces, dont une grenouille sans poumon, et en Nouvelle-Guinée, un primate inconnu. Et que dire des espaces marins de grande profondeur, encore largement terra incognita ? Il y a là des enjeux considérables de connaissance, mais il ne s’agit plus de nous limiter à une approche statique de classification des espèces, comprendre les dynamiques entre espèces et entre territoires est un sujet essentiel, et une nécessité pour prendre demain les bonnes décisions dans la définition  des trames vertes et bleues. Nous devrons dégager les moyens financiers nécessaires à cette mission.

Deuxième acteur clé, le monde associatif sans lequel nous n’aurions sans nul doute pas réussi à préserver tant de sites remarquables et sauver de la destruction bien des espèces emblématiques. Depuis la création de la réserve des 7 iles en 1913 pour sauver les derniers macareux et fous de bassan, acte de naissance de la LPO, il y a tout juste un siècle, l’action inlassable des protecteurs de l’environnement a été remarquable, et je tenais ici à leur rendre hommage. Leur rôle est aujourd’hui reconnu et le futur Conseil National de la Biodiversité leur donnera un espace plus cohérent pour avancer leurs propositions et participer à la préparation de la décision publique. J’ai représenté le Sénat ces dernières semaines au sein du groupe de travail que vous aviez constitué, Mme la Ministre, sur la gouvernance de la biodiversité, il a d’ailleurs débouché sur des propositions consensuelles qu’il s’agit maintenant de mettre en œuvre. Mais je tenais à souligner que cette gestion partagée entre les acteurs de terrain ne sera fructueuse que si le monde associatif bénéficie d’un statut qui permette à ses militants de mener efficacement leurs actions. Ce statut et cette reconnaissance est une question importante pour l’avenir du monde associatif, et pas seulement dans le domaine de l’environnement, le bénévolat ne pouvant suffire face à certains niveaux de sollicitations et de responsabilités. Répondre à cette question est une nécessité si nous voulons vraiment construire des lieux de coproductions des politiques publiques, c’est un enjeu démocratique.

Dans ce cadre d’une meilleure organisation de l’action publique et du travail législatif sur les questions environnementales, nous pouvons d’ailleurs nous féliciter de la création au Sénat d’une commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, création qui traduit la montée en puissance des questions environnementales dans le travail législatif. Cette commission devra se doter de lieux de dialogue avec les acteurs associatifs, rôle d’approfondissement dévolu au Sénat aux groupes d’études. Il serait donc logique, chers collègues, de créer un groupe d’étude biodiversité à côté d’autres groupes d’études déjà installés, tels que celui sur la chasse.

Vous aviez d’ailleurs peut-être noté que, alors que j’achève cette déclaration, je n’avais pas encore prononcé ce mot. Je ne serai pas très long sur ce point, je me limiterai à redire avec la plus grande fermeté l’indignation ressentie lors des dernières annonces du chef de l’Etat. Je partage l’écœurement, c’est le mot qu’elles ont-elles-mêmes utilisé, des associations de protection de l’environnement. Mais je voudrais également dire l’indignation d’une part importante des chasseurs eux-mêmes, fatigués d’être pris pour des gogos juste bons à remplir les urnes un dimanche de printemps, en échange de quelques oies sacrifiées. Je crois profondément au dialogue entre chasseurs et défenseurs de la nature. Je crois profondément qu’au final, leurs intérêts sont en partie communs et je me réjouis de voir chasseurs et militants associatifs défiler ensemble contre l’extraction des gaz de schiste. Mais je me désespère aussi de cette agitation pré-électorale qui ne flatte que les tenants de l’ultra-chasse, des présidents d’associations spécialisées, de plus en plus faméliques en nombre d’adhérents et de moins en moins représentatives. Les chasseurs eux aussi méritent plus de considération, les dernières annonces du Président de la République témoigne d’abord de son mépris pour les chasseurs eux-mêmes.

Je voudrais en conclusion élargir mon propos aux enjeux des prochains mois avec le prochain Sommet Rio+20 de juin prochain. Les semaines préparatoires se succèdent, à Paris mardi dernier, à Lyon hier et aujourd’hui. La France porte l’idée de la création d’une organisation mondiale de l’environnement, d’une OME, proposition qui fait aujourd’hui consensus dans notre pays. Le Président Abdou Diouf, Secrétaire général de l’Organisation Internationale de la Francophonie, a d’ailleurs officiellement ce matin apporté le soutien de la francophonie à cette proposition. Nous devrons la défendre fortement car nous savons que les grandes conventions environnementales ne pourront aboutir que si elles bénéficient au sein de l’organisation onusienne d’une agence dédiée capable de s’imposer face à la puissance des agences économiques et commerciales, et en premier lieu de l’OMC. Nous savons néanmoins que c’est bien loin d’être gagné et j’attire votre attention, Mme la Ministre, sur le fait que nous devons faire attention de conserver à Rio l’équilibre entre les enjeux environnementaux et les autres piliers du développement durable : le développement économique, la cohésion sociale et la diversité culturelle, et donc soutenir aussi la proposition brésilienne de renforcement de la Commission du Développement Durable auprès de l’Assemblée générale de l’ONU.

J’ai commencé mon intervention dans la littérature du XIXème siècle, je voudrais la conclure en rappelant justement que l’un des principaux enjeux de la préservation de la nature est pour nous, fragiles humains, un enjeu culturel. De Lascaux aux romantiques, de Virgile aux Rousseau des Lumières, en passant par Averroès, penseur arabe qui a éclairé notre sombre Moyen-Age catholique, la nature a toujours été source d’inspiration. Chaque civilisation en a extrait ses propres représentations. Nourri des progrès de la science, notre monde sait maintenant la complexité et la fragilité des écosystèmes. Dépassant une lecture étroite de la pensée de Darwin qui correspondait à la dureté sociale du XIXème siècle, la science nous a montré que c’est plus l’interaction que la compétition qui fonde les fonctionnements écosystémiques et la diversité du monde. Il n’y a pas de compétition, de « struggle for life », de lutte pour la vie entre la baleine grise et l’oiseau marin. Et pourtant, l’un a besoin de l’autre. Notre monde rationnel peut se servir de cet enseignement, dépasser les logiques de compétition qui nous appauvrissent pour arriver à une approche de coopération qui nous enrichira tous. C’est vrai au niveau local comme au niveau mondial. C’est ce message de coopération et d’interaction que nous devrons porter dans les prochains mois, et jusqu’à Rio en juin. Et au final, c’est aussi cette approche des enjeux mondiaux qui peut nous permettre de préserver la biodiversité de la planète bleue.

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