Eva Joly répond au Journal du Pays Basque

1) Il existe en Pays Basque une demande forte de création d’une collectivité territoriale propre. Le Conseil des élus du Pays Basque devrait donner sa position à la fin de l’été, qui pourrait être la proposition d’une collectivité territoriale à statut particulier avec des compétences limitées. Êtes-vous favorable à la création d’une telle structure ? Quelle est votre proposition sur l’existence institutionnelle du Pays  Basque ?

Eva Joly: J’estime que c’est aux élus et aux citoyens du Pays Basque de définir l’avenir institutionnel de leur territoire. L’hypothèse d’une collectivité territoriale basque à statut particulier me semble en parfait accord avec le fédéralisme différencié que j’appelle de mes vœux à l’échelon de la France. Concernant les compétences de cette collectivité territoriale, elles pourront être renforcées au fil du temps en fonction des aspirations et des besoins des habitants, y compris, éventuellement, jusqu’à devenir une collectivité territoriale ayant un budget propre, une assemblée élue dont émanerait un exécutif, et des compétences exclusives définies par la loi.

2) Etes-vous favorable à l’officialisation des langues régionales ?

EJ: Oui, j’ai d’ailleurs participé à la manifestation de Toulouse le 31 mars en faveur de l’officialisation des langues régionales ou minorisées. La ratification de la Charte européenne des langues est un préalable et la modification de l’article 2 de la Constitution française absolument nécessaire.

3) L’organisation armée basque ETA a annoncé le 20 octobre dernier l’arrêt définitif de ses actions armées. Trois jours avant, une conférence internationale sous l’égide de Kofi Annan, s’est tenue à Saint-Sébastien/Donostia et a préconisé que s’ouvre un dialogue entre les États français et espagnol sur les “conséquences du conflit”, soit les questions ayant trait aux victimes, aux prisonniers et à la démilitarisation. Pour l’heure, l’Etat français ne s’est pas impliqué sur cette question. Si vous êtes élu(e) président(e), allez-vous apporter une réponse politique à cette nouvelle situation ?

EJ: Il faut instaurer un dialogue entre les États espagnols et français et les partis politiques, basques français et espagnols, sur le conflit en Pays Basque, victimes, prisonniers, démilitarisation, droit de décider.

Les prisons françaises comptent près de 140 détenus basques liés à des affaires ayant trait à la violence politique. Ces détenus sont aujourd’hui répartis dans tout l’Hexagone, ce qui met en difficulté leurs familles qui ont l’impression d’être condamnées elles aussi. Etes-vous favorable au rapprochement des détenus basques de leur famille ?

EJ: Le rapprochement est un droit fondamental et il doit être respecté. De plus, les familles ne doivent pas subir de peine collatérale du fait de l’éloignement d’un membre de leur famille.

4) Le projet de construction d’une ligne à grande vitesse (LGV) traversant le Pays Basque Nord est fortement contesté localement. Etes-vous favorable à la poursuite de ce projet ?

EJ: Il faut arrêter ce projet qui n’a jamais été discuté, mais imposé de façon unilatérale sur ce territoire. Le minimum est d’instaurer un vrai dialogue entre RFF, élus, usagers et associations de protection du territoire. La vigilance me paraît de mise dans ce dossier. Le débat sur les chiffres fournis par différentes études a déclenché des suspicions qui ont entamé fortement la confiance envers les commanditaires de ces études et sur la sincérité des chiffres et des buts recherchés. Le climat de méfiance est tel que le projet a perdu pratiquement toute crédibilité. Je suis en revanche pour l’étude d’une rénovation des voies existantes en tenant compte du trafic actuel et futur.

5) En quelques mots, quel modèle de tourisme défendez-vous ? Quel modèle d’agriculture ? Les deux sont-ils compatibles ?

EJ: Un tourisme respectueux de l’environnement qui propose aussi pour les touristes des rencontres avec les gens qui vivent sur un territoire donné. Un tourisme qui n’exploite pas ceux qui en vivent et notamment les jeunes l’été dont les droits sont souvent ignorés. Le modèle d’agriculture que je défends est un modèle naturellement sans OGM. Les idées que la Confédération paysanne ou ELB, en Pays Basque, préconisent sont indéniablement des solutions d’avenir. L’agriculture intensive est un modèle dépassé. La répartition des aides doit être revue. Les petites exploitations sont les perdantes du système actuel. La valorisation de la production locale est non seulement une question écologique, mais aussi une question économique car elle fera vivre nos territoires. La production locale, les circuits courts, la qualité des produits locaux, voilà les chemins à prendre. Les deux sont compatibles si on ne les oppose pas artificiellement.

6) Certaines villes de la côte basque (Biarritz, Saint-Jean-de-Luz) recensent un pourcentage de logements secondaires proche des 50 %. Dans le même temps, les jeunes, et plus globalement les personnes aux revenus les plus modestes, ne parviennent pas à se loger localement. Que préconisez-vous face à cette situation ? Êtes-vous pour ou contre une taxation des résidences secondaires ?

EJ: Le droit au logement est fondamental, les réquisitions sont possibles, en cas d’abus flagrant. La réglementation des loyers est une piste à suivre, le respect de la loi SRU de 20 % est aussi indispensable. Je suis favorable à une taxation des résidences secondaires. Plus largement, une refonte du calcul des impôts qui prenne en compte capital immobilier et financier s’impose.

Source: Le Journal du Pays Basque, 19 avril 2012.

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