Réussite étudiante
Contribution de EELV aux Assises de l’ESR – Septembre 2012 – Thématique 1 Réussite étudiante
La réussite du plus grand nombre dans l’enseignement supérieur est à la fois un facteur de justice sociale et une condition de l’émergence d’une société durable. Or, le système d’ES français souffre de longue date de deux faiblesses : il reste figé dans une dualité qui contribue à perpétuer les inégalités sociales et il écarte les jeunes des formations les plus longues et de la recherche ; et les fortes sommes dépensées pour les filières sélectives cachent un sous-investissement chronique dans la formation de la majorité des étudiants. Une ambition nouvelle passe par des moyens nouveaux : il est impératif d’amener le financement moyen par étudiant et le taux d’encadrement (pédagogique comme administratif) au niveau des pays comparables les plus performants, et d’engager une politique sociale ambitieuse permettant à tous les jeunes de réussir, quelle que soit leur origine sociale.
Face à ce défi de taille, les écologistes proposent des solutions concrètes pour restaurer l’Université dans son rôle de porte d’entrée dans le monde des connaissances, mais aussi le monde professionnel, la citoyenneté, l’autonomie et l’épanouissement de toutes et tous.
Revaloriser l’enseignement et la pédagogie
Le taux d’échec à l’université, notamment en licence, préoccupe les observateurs et les tutelles, au point que l’ancien Gouvernement a fait de la réussite en Licence un de ses chevaux de bataille, avec des réponses totalement inadaptées : des financements non récurrents, entraînant une hausse des heures complémentaires et des contrats précaires, car sans moyens humains associés ; la compensation entre matières et entre semestres, là encore sans moyens, ayant pour effet une baisse du niveau de formation ; la proposition de passer la licence à 1500 h, toujours sans moyens, qui va vider les diplômes de leur substance en obligeant les établissements à réduire les options et les groupes comme peau de chagrin…
De plus, l’analyse des causes de ce taux d’échec n’a pas été faite. Or ces causes sont multiples : bacheliers professionnels et techniques poussés hors des filières qui leurs sont théoriquement dédiées (BTS, IUT) et mal préparés à la méthodologie universitaire, niveau à la sortie du Bac insuffisant, étudiants contraints de travailler pour payer leurs études, ou arrivant « par défaut » à l’université après avoir échoué à toutes les filières sélectives (grandes écoles, IUT, BTS)… Les réponses doivent donc porter sur toutes les causes si l’on veut parvenir à des résultats, et permettre à l’Université de jouer le rôle d’ascenseur social qui est théoriquement le sien.
L’Université couple de manière intime enseignement et recherche. Or, la compétition internationale suscitée notamment par la recherche de « l’excellence » à travers des comparaisons comme le classement de Shanghai ne prend en compte que le volet recherche sans jamais valoriser les aspects de transmission des résultats de cette recherche. Pourtant, les idées d’innovation pédagogique existent et la volonté des enseignants est réelle, ce devrait donc être la mission du Gouvernement que d’accompagner ces innovations. Dans le cadre d’une politique volontariste sur le plan pédagogique, l’ensemble des mesures mises en place devront figurer dans les critères d’évaluation des facultés, instituts, écoles et universités.
Afin de renforcer la réussite des étudiants, l’accueil dans les premières années des cycles doit être repensé avec une systématisation du monitorat, du tutorat et de l’accompagnement en petits groupes. Le travail collaboratif et en équipe doit primer sur l’enseignement traditionnel en amphithéâtre – mesure dont l’impact sur l’occupation et l’aménagement des locaux devra bien entendu être pris en compte. Le rapprochement entre grandes écoles et classes préparatoires d’une part et universités d’autre part, mesure revendiquée par les écologistes depuis longtemps, pourrait permettre, entre autres, d’intégrer certaines dispositions d’accompagnement issus des filières sélectives tout en sortant des logiques destructrices dues à la compétition effrénée présente dans certains cursus.
Il faudra également inventer des dispositifs de préparation et d’élargissement de l’accès à l’université : poursuivre et amplifier leur effort pour permettre la préparation du Diplôme d’accès aux études universitaires (DAEU), politique volontariste d’accueil des élèves titulaires d’un baccalauréat « non général » (professionnel, technologique), stages d’été à destination des élèves venant de lycées professionnels, année L0 de « mise à niveau » disciplinaire et méthodologique, permettant de fait de passer une licence en 4 ans…
Les licences devraient devenir plus pluridisciplinaires, jusqu’à intégrer des matières mineures dans des domaines radicalement différents de la « majeure » (sciences humaines pour les cursus de science dure et vice-versa). De manière plus globale, le système d’orientation doit être refondé dès le secondaire puis dans le supérieur pour accompagner chacune et chacun vers la filière qui lui correspond. Il faut aussi redonner de la cohérence aux cursus et aux filières. Rapprocher les filières universitaires, les écoles, mais aussi IUT et BTS, doit être un moyen de permettre aux étudiant-e-s de suivre un enseignement pensé sur le temps réel de leurs études (filières courtes, filières longues).
L’Université doit s’ouvrir largement à toutes les citoyennes et tous les citoyens et devenir un véritable lieu de formation tout au long de la vie en favorisant notamment les cursus de formation continue, la participation des équipes pédagogiques et de recherche dans les formations de niveau V et VI et en intégrant les démarches de VAE (valorisation des acquis de l’expérience). L’Université doit aussi intégrer une dimension d’éducation populaire plus forte en invitant les citoyens qui le désirent à participer aux enseignements.
Rares sont les bibliothèques universitaires ouvertes en début de soirée. Pourtant, beaucoup d’étudiants gagneraient en confort et en qualité dans leur travail. L’élargissement des horaires d’ouverture des bibliothèques est un objectif à poursuivre dans la contractualisation avec les établissements d’enseignement supérieur. Cette mesure est à mettre en parallèle d’une nécessaire refonte pédagogique des enseignements pour donner toute sa place à l’autonomie intellectuelle.
Les écologistes se battront pour que de véritables moyens soient mis en place dans les établissements pour encourager les innovations pédagogiques, la formation professionnelle des personnels – y compris enseignants -, pour sortir de la logique de la seule notation chiffrée, ainsi que la mise en place d’une véritable évaluation des enseignements par les étudiants, sur des critères pédagogiques. De même il faudra éviter les inégalités de traitement d’un établissement à l’autre, notamment en terme d’assiduité, de contestation, etc.
Des financements spécifiques pourront être alloués pour conduire des expérimentations, et une fois les mesures pérennisées les financements devront être récurrents.
Les moyens humains nécessaires seront fournis aux établissements, par le biais de recrutements statutaires d’enseignants, enseignants-chercheurs ; mais aussi de personnels administratifs et techniques et de bibliothèques (notamment pour gérer la scolarité spécifique de la formation tout au long de la vie, du DAEU, les habilitations d’apprentissage…).
Des étudiants acteurs de leurs parcours
Les étudiants doivent devenir de véritables acteurs de leur formation. Les écologistes revendiquent leur implication dans l’élaboration des cursus avec leurs enseignants, leur meilleure représentation dans les conseils, comme dans les jurys de fin d’année (ce qui est inscrit comme évident dans les collèges et les lycées -les délégués participent aux conseils de classe- ne le serait-il plus dans l’enseignement supérieur ?) Les doctorants pourraient également être associés lors des recrutements d’enseignants-chercheurs.
La réussite éducative ne peut aller sans des étudiants réellement autonomes. C’est pourquoi EELV souhaite la création d’une véritable allocation d’autonomie pour les étudiants avec le principe d’un « crédit temps formation » de 16 semestres à prendre tout au long de sa vie (en formation supérieure, initiale ou continue) et pour tous les étudiants. Elle se compose d’une part incompressible versée à tous, dont le montant reste à préciser mais qui pourrait s’élever autour de 300 € et d’une part variable indexée aux revenus de l’étudiant s’il est autonome ou à celui de ces parents (s’il est encore fiscalement rattaché à leur foyer). L’ensemble de l’allocation est versée sur 12 mois. L’objectif est de permettre à chaque étudiant qui souhaiterait ne plus dépendre de ses parents de vivre dignement sans avoir à travailler à côté pour financer ses études.
Avec cette allocation d’autonomie, il deviendrait totalement absurde d’augmenter les frais d’inscription dans les universités (ne pas reprendre de la main droite aux étudiants ce qui leur est alloué de la main gauche !). Le lissage vers le bas des frais d’inscription, ainsi que la suppression de tous les frais optionnels est nécessaire. C’est un service public gratuit de l’enseignement supérieur qu’il faut défendre !
Il est aussi important de renforcer les échanges internationaux pour les étudiants en aidant toutes celles et tous ceux qui le souhaitent à partir à l’étranger, et en améliorant l’accueil de celles et ceux qui souhaitent venir étudier en France, et en mettant un terme à la politique discriminante envers les étudiants étrangers.
Enfin, la réussite éducative va au-delà des notes et des diplômes mais doit intégrer les questions de logement, de soins, d’alimentation, etc. C’est pourquoi, les écologistes souhaitent penser l’Université dans des éco-campus intégrés à la Cité. Le développement et la rénovation du bâti social universitaire doivent être portés à 25.000 logements par an, dans le respect de standards écologiques élevés (consommation d’énergie, proximité des transports urbains…). Une véritable stratégie foncière devra être mise en place avec les universités, les agglomérations et les régions pour limiter les difficultés des CROUS à engager des constructions. Dans le parc privé, les loyers doivent être encadrés. Les sites universitaires doivent être desservis par les transports en commun et facilement accessibles par les modes doux. Les régions doivent s’engager volontairement dans une tarification adaptée et multimodale pour les étudiants. La question des transports ne doit pas être prise indépendamment des mutations urbanistiques pour insérer davantage les établissements d’enseignement supérieur dans les villes. Des centres de santé universitaires doivent être développés, des crèches aménagées, l’alimentation des restaurants universitaires repensées pour devenir autant que possible biologique, locale et de saison, etc. Les activités sportives, culturelles, associatives seront promues, y compris par l’obtention de crédits d’enseignement pour implication dans des activités d’intérêt général (boutiques de sciences, encadrement dans les bibliothèques universitaires…).
Une politique écologiste se devrait de développer les maisons de la vie étudiante, gérées par eux-mêmes. Lieux de ressources et d’innovation, lorsqu’ils existent, ils sont un poumon (vert !) pour les étudiants. Radios associatives, cafétérias, salles de réunions, pépinières d’associations, guichets uniques, crèches, expositions, etc, beaucoup peut être fait en leur sein. Surtout beaucoup reste à inventer. Ces maisons sont donc à soutenir : financièrement, mais également administrativement.
La réussite éducative est un véritable défi. Pour les écologistes, tous les acteurs du monde académique doivent être rassemblés pour contribuer à trouver comment hisser enfin l’université française à la hauteur des enjeux du siècle.
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