#CestlafauteàDuflot ? Les mensonges immobiliers autour de la « loi Alur »
La loi Alur = la loi Duflot ?
Pas seulement, loin de là ! La loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (Alur) a été définitivement adoptée le 20 février 2014 par le Sénat. Ce texte, l’un des rares votés en première
comme en deuxième lecture par une large majorité rassemblant l’ensemble de la gauche socialiste, écologiste, radicale et communiste, concrétise plusieurs engagements pris par François
Hollande durant la campagne présidentielle et réitérés après son élection, dont, notamment, l’encadrement des loyers. Ce que vise cette loi, c’est d’apporter des réponses rapides, concrètes et
durables aux difficultés que connaissent les Français dans l’accès à un logement de qualité.
C’est la loi Alur qui est responsable de la crise de l’immobilier
Voilà qui n’a aucun sens. Aucun chiffre ni aucune étude n’étaye cette affirmation péremptoire. Et comment d’ailleurs le pourraient-ils ? Les opérations de logements actuellement mis en chantier (et donc comptabilisées aujourd’hui) ont été décidées bien avant que la loi Alur ne soit présentée en Conseil des ministres (juin 2013). Et cette loi a été promulguée il y a quelques mois à peine et ses décrets d’application se font encore attendre… Si les décrets étaient mis en oeuvre, les effets de la loi Alur sur la construction seraient doubles :
- d’abord, les mesures en faveur du pouvoir d’achat des locataires, dont l’encadrement des loyers et le plafonnement des honoraires de location, permettraient de donner immédiatement un peu d’air aux budgets des ménages qui ont été étranglés par la hausse des prix de l’immobilier ;
- ensuite, avec des règles nouvelles d’urbanisme, comme le plan local d’urbanisme intercommunal et les mesures de densification, elle accélérera la construction d’une nouvelle offre de logements, qui améliorera à moyen terme les conditions de logement des Français.
Une sortie durable de la crise que connaît le secteur de l’immobilier passe par une politique de régulation d’un marché livré à lui-même depuis plus d’une décennie et où les prix se sont envolés,
et par des mesures protégeant le pouvoir d’achat des ménages ainsi que les familles les plus démunies qui, en temps de crise, sont à la merci de tous les abus.
Jusqu’à présent, rien n’a été fait en faveur de la construction…
Faux. Au ministère de l’Egalité des territoires et du Logement, Cécile Duflot a fait voter trois lois, la loi Alur étant la 3e de ce paquet législatif. La première loi en facilitant les cessions de foncier
public et augmentant les obligations de construction de logements sociaux a permis de renforcer la construction de logement social. La deuxième loi, qui passait par des ordonnances, a engagé une
réforme de l’urbanisme très rapide visant à accélérer la construction en agissant sur un certain nombre de points de blocage identifiés par les professionnels eux-mêmes. Cette série d’ordonnances
a notamment permis de renforcer la lutte contre les recours abusifs, de lever des contraintes inutiles (places de stationnement) pour favoriser la densification et de simplifier les procédures.Enfin,
Cécile Duflot a mis en place une politique de relance de la construction par le logement social, notamment en obtenant que la TVA soit abaissée au taux réduit de 5 % sur le logement social et en sécurisant le financement de celui-ci par une contribution exceptionnelle d’Action logement.
2013, année catastrophique ?
Non. 2013, sans surprise, s’est révélée être une année difficile. Le nombre de logements dont la construction a commencé en 2013 s’élève à 332 000 unités, soit une baisse de l’ordre de 5 % par
rapport à l’année 2012. Les données de 2013 se situent bien sûr en deçà des besoins et des objectifs ambitieux fixés par le président de la République, qui vise la construction de 500 000 logements par an d’ici la fin du quinquennat. Mais, compte tenu de la crise très difficile qu’affronte le secteur du bâtiment et grâce aux mesures déjà mises en place par le Gouvernement, ce chiffre ne montre pas de décrochage trop important par rapport à la moyenne annuelle qui se situe, pour les vingt dernières années, à 346 000 logements mis en chantier annuellement (source SOeS – dates réelles).
2013 est donc une année de résistance à la crise. C’est aussi l’année au cours de laquelle le logement social repart à la hausse. Le nombre de logements sociaux agréés en 2013 s’élève à 117 065 unités (métropole, hors Dom et hors Anru), ce qui représente une hausse de 14 % par rapport à l’année 2012, qui avait enregistré l’agrément de 102 728 logements sociaux (116 106 en 2011). À noter qu’en Île-de-France, plus de 31 000 logements sociaux ont été financés en 2013 (+15 % par rapport à 2012).
Les municipales, un coup d’arrêt ?
Vrai. De manière traditionnelle, il existe une période d’attentisme avant les élections municipales. Après les élections, les équipes nouvelles mettent un certain temps à valider les projets de chantier. Cette rupture traditionnelle est d’autant plus forte lorsque les équipes municipales changent, comme cela a été le cas dans de nombreuses villes en mars dernier.
Le « Duflot » fait-il un flop ?
Pas du tout. Pour 2013, 35 300 logements neufs ont étés acquis dans le cadre du dispositif d’incitation fiscale à l’investissement « Duflot » (à noter que cette estimation s’appuie uniquement
sur les enquêtes réalisées par la FPI auprès de ses adhérents et ne prend donc pas en compte la production de logements locatifs réalisée hors promotion immobilière). Le Gouvernement s’était certes donné un objectif initial de 40 000 unités, on est donc en dessous. Mais la performance du « Duflot » en 2013, première année de sa commercialisation, est comparable à celle du régime du Scellier en 2012 (un peu plus de 30 000 sur un périmètre comparable). Ainsi, d’après les données publiées par la Fédération des promoteurs immobiliers, au cours des trois premiers trimestres de l’année 2013, le volume de vente aux investisseurs est stable par rapport à la même période de l’année 2012 (-0,8 %).
Il est donc totalement faux de dire que ce dispositif n’a pas attiré les investisseurs. Au contraire, les résultats sont plutôt satisfaisants, pour un nouveau dispositif fiscal plus sophistiqué que le Scellier, calibré pour construire des logements qui correspondent aux besoins (situation géographique, catégorie intermédiaire, etc.) et dont l’appropriation par les promoteurs et les investisseurs nécessite assez logiquement du temps.
Comment expliquer la baisse de la construction ?
Certains commentateurs et leaders politiques d’orientation libérale ont beau jeu d’attribuer les résultats de la construction en 2013 et l’état du secteur à la politique enclenchée à peine 18 mois
plus tôt, voire même à la loi Alur dont la promulgation a eu lieu début 2014… Ce n’est pas sérieux.
Dans le secteur de la construction et du bâtiment, l’impact d’une politique de relance structurelle qui vise à agir sur la production de foncier pour favoriser la construction de logements ne peut se mesurer sur quelques mois. Il faut compter plusieurs années, qui correspondent à la durée de
maturation d’un projet immobilier à compter de la mobilisation de nouvelles opportunités foncières (prospection foncière, définition du programme, début de la commercialisation, délivrance du
permis de construire, mise en chantier etc.).
La vérité est que la baisse de la construction s’explique avant tout par une conjoncture économique particulièrement défavorable à l’investissement. Des prix immobiliers très élevés associés à des
anticipations désinflationnistes, des conditions d’octroi du crédit bancaire qui se durcissent, une hausse du taux de chômage et une baisse du pouvoir d’achat, n’incitent pas les ménages à investir
dans l’immobilier. Et ce d’autant moins que les prix de l’immobilier sont en complet décalage avec leurs moyens.
Ce constat n’est pas spécifique à la France. Les chiffres de la construction baisse en moyenne dans les pays de l’Union européenne, et ce depuis 2008 (cf. graphique ci-dessous).
Evolution globale des autorisations de construction des bâtiments résidentiels dans l’Union européenne (source : EuroStat)
Au contraire, dans ce contexte de chute globale de l’activité de la construction, la France est (après l’Autriche) le pays européen qui produit le plus de logement au regard de sa population (source :
Deloitte Property Index 2014). À population égale, la production de logements en France est deux fois plus élevée que la moyenne européenne. En résumé, dans un contexte difficile, la France fait
mieux que ses voisins.
Dans ce contexte, une relance conjoncturelle massive, qui vise à doper artificiellement la demande via des avantages fiscaux, à l’exemple du Scellier de première génération mis en place en 2009,
pourrait permettre d’avoir des effets « d’affichage » plus rapides, en accélérant la commercialisation des logements, mais présenterait de graves inconvénients en matière de hausse des prix du logement et d’inadaptation de l’offre construite aux besoins.
C’est la raison pour laquelle Cécile Duflot a privilégié une relance qualitative de la construction, plus longue à mettre en oeuvre, mais moins coûteuse pour les finances publiques et plus efficace sur
le long terme.
Aujourd’hui, on solde encore la politique d’à-coups de l’ère Sarkozy
Vrai. Conséquence d’une vison court-termiste, les précédents Gouvernements ont limité leur politique de relance de la construction à la mise en place d’outils qui ont dopé artificiellement le
secteur durant plusieurs années et qui ont contribué à la hausse considérable des prix en France. Il s’agit, par exemple, du dispositif Scellier première mouture, non ciblé géographiquement et sans
contre-partie sociale, dont une partie du coût fiscal a été capté par des réseaux de promoteurs spécialisés dans les opérations de défiscalisation.
Il s’agit également de la mesure introduite par la loi Tepa de 2007, créant un crédit d’impôt sur le revenu au titre des intérêts d’emprunt supportés à raison de l’acquisition ou de la construction de
l’habitation principale. Il s’agit enfin de la création d’un prêt à taux zéro (PTZ), ouvert dans le neuf comme dans l’ancien, et accessible sans conditions de ressources.
Résultat : un impact quantitatif sur le nombre de logements construits indéniable mais de court terme et sans grande efficacité pour répondre aux besoins de logement, une dépense publique
débridée et une très forte augmentation des prix (ainsi que des scandales dont ont fait les frais de nombreux investisseurs particuliers).
Dépenses fiscales annuelles des différents dispositifs d’aides à l’investissement locatif
2014
– Crédit d’impôt sur le revenu au titre des intérêts d’emprunt supportés à raison de l’acquisition ou de la
construction de l’habitation principale : 1 175 M€
– Scellier : 660 M€
– Scellier intermédiaire : 330 M€
– Robien : 270 M€
– Estimation pour le dispositif « Duflot » : 35 M€
2013
– Crédit d’impôt sur le revenu au titre des intérêts d’emprunt supportés à raison de l’acquisition ou de la
construction de l’habitation principale : 1 465 M€
– Scellier : 620 M€
– Scellier intermédiaire : 310 M€
– Robien : 450 M€
2012
– Crédit d’impôt sur le revenu au titre des intérêts d’emprunt supportés à raison de l’acquisition ou de la
construction de l’habitation principale : 2 100 M€
– Scellier : 450 M€
– Scellier intermédiaire : 225 M€
– Robien : 450 M€
En cours d’année 2012, ces outils ont été rabotés et corrigés, mais au final, on est aujourd’hui dans une situation où les dépenses fiscales liées aux prédécesseurs du « Duflot » demeurent très élevées et où les prix ont atteint artificiellement des niveaux non soutenables. La baisse actuelle de l’activité du secteur de l’immobilier est le contre-coup de cette politique de dopage fiscal.
Pour une relance durable de l’immobilier
Comme ministre, Cécile Duflot a engagé une politique volontariste et inscrite dans la durée, qui vise un double objectif : assainir le marché pour relancer le secteur de façon durable et maîtriser les
prix de l’immobilier (pour la construction, mais aussi pour le locatif), afin de protéger le budget des ménages qui, comme la compétitivité, est fortement impacté par les coûts du logement.
Volontarisme avec une politique de relance engagée avec succès dans le secteur du logement social (TVA réduite à 5 %, engagement d’Action logement, mobilisation des fonds d’épargne, etc.) et dont les effets contra-cycliques sont déjà perceptibles, puisque le logement social repart à la hausse (voir page 2). Le pacte d’objectifs et de moyens conclu entre l’État et le monde HLM en juillet 2013 commence déjà à porter ses fruits.
Une politique qui s’inscrit dans la durée avec un objectif de modération des prix. Le développement dans la durée du secteur de la construction passe par une maîtrise des prix. Le dopage réalisé durant la dernière décennie s’est accompagné d’une hausse des prix (au mètre carré dans l’ancien) en France alors qu’ils baissaient dans la plupart des pays d’Europe. La France est l’un des pays les plus chers d’Europe en termes de logement : s’y loger coûte 41 % plus cher que la moyenne des coûts du logement en Europe.
Le neuf coûte entre 3 500 et 4 000 euros le mètre carré, ce qui classe la France parmi les pays les plus chers d’Europe avec le Royaume Uni et l’Irlande (étude cabinet Deloitte, 2014). Paris, où la
moyenne des prix dépasse 8 000 euros par mètre carré dans le neuf) est ainsi devenue la deuxième ville la plus chère d’Europe, derrière seulement Londres.
Après cette période de hausse alimentée par les dispositifs fiscaux des précédents Gouvernements, l’année 2012 et l’année 2013 enregistrent ainsi une stabilisation du marché qui s’est traduite par une légère baisse des prix de l’immobilier dans l’ancien et une stabilisation dans le neuf. Ainsi, à la fin du troisième trimestre 2013, l’indicateur Insee-notaires montre une baisse sur un an, de -1,2 % pour les prix des appartements et de -1,6 % pour ceux des maisons. Il s’agit d’une très grande différence avec le Royaume-Uni, où les prix repartent nettement à la hausse, à cause notamment des politiques d’incitation fiscales mal maîtrisées mise en oeuvre dans ce pays.
Enfin, sont déjà en vigueur de nouveaux dispositifs de solvabilisation de la demande qui ont tiré les leçons des excès commis par leurs prédécesseurs : le PTZ recentré sur le neuf et renforcé pour les ménages modestes, et le dispositif d’aide à l’investissement locatif incitatif (le « Duflot ») mais assorti de réelles contreparties sociales et ciblé sur les territoires où existent de véritables besoins.
Ce qui était prévu pour 2014…
- Poursuite de l’effort en faveur du logement social via la mise en oeuvre du pacte avec le monde HLM, qui devait permettre d’ici à 2015 de passer à 150 000 logements sociaux produits par an et d’atteindre ainsi avec deux ans d’avance l’objectif fixé par le président de la République à 2017.
- Mise en place des 50 mesures de simplification, qui visent à relancer la construction à moyen terme : vantées aujourd’hui le Gouvernement Valls, toutes ces mesures avaient toutes été répertoriées et présentées par Cécile Duflot en mars dernier.
- Sécurisation de la légère baisse des loyers amorcée fin 2013 : l’encadrement des loyers devait entrer en vigueur sur la région parisienne dès la rentrée de 2014, puis s’étendre progressivement sur les 28 agglomérations les plus tendues.
- Développement du logement intermédiaire et retour des investisseurs institutionnels, sur la base de l’ordonnance présentée par Cécile Duflot en Conseil des ministres le 20 février 2014.
- Défense du pouvoir d’achat avec notamment l’entrée en vigueur (qui avait été calée pour juin2014) du décret d’Alur pour plafonner les frais d’agence incombant aux locataires.
Le Gouvernement Valls prétend accélérer : en réalité, il est en retard par rapport à ce qu’avait enclenché Cécile Duflot et le précédent Gouvernement.