La Déclaration de Paris, Parti Vert Européen
Adoptée à Paris en novembre 2011, la Déclaration de Paris est la grande déclaration politique du Parti Vert européen et de ses composantes face à la crise qui frappe tous les pays européens.
Sortir de la crise en Europe
Douze propositions vertes pour une solution socialement juste et environnementalement durable à la crise
Introduction: l’échec des sommets traditionnels
Notre monde fait l’expérience d’une combinaison de crises financières, économiques, sociales, écologiques et démocratiques, et d’un changement climatique galopant qui représente une menace vitale pour l’humanité. La crise européenne actuelle est imbriquée dans ce large contexte. Du Printemps arabe au mouvement israélien, du mouvement Occupy aux ONG environnementales en passant par les défenseurs des droits humains, tout autour du monde les peuples se révoltent. Les Verts sont des partenaires solidaires de ces initiatives.
Nous faisons face aux conséquences d’un modèle de développement insoutenable, centré sur la croissance économique seule, ignorant les contraintes sociales et écologiques et alimenté par une dette publique et privée excessive, les privatisations et la déréglementation. Ces crises érodent la cohésion sociale et mènent à la désintégration politique du continent, nous rendant chaque jour plus impuissant en ce XXIème siècle.
La crise à mis à jour des lignes de faille dans la construction de l’euro et placé les économies les plus faibles de la Zone Euro e en danger de faire défaut sur leurs dettes souveraines, nécessitant de multiples mesures d’urgence, qui aujourd’hui même peuvent ne pas suffire pour contenir la marée. Pour résoudre ces profonds problèmes structurels, nous aurons besoin de faire des pas substantiels qui auront un impact sur tous les Etats membres de l’Union Européenne, qu’ils soient membres de la Zone Euro ou non.
Comme l’euro est menacé, les fondations de la stabilité qui ont soutenu la société européenne depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale semblent s’effriter. Les populistes de droite et l’intolérance gagnent du terrain et la démocratie participative est trop souvent mise de côté. Les national-populistes se rapprochent toujours plus du pouvoir. Pourtant nous avons de bonnes raisons d’être fiers des succès européens: l’intégration a empêché la résurgence des conflits militaires au sein de l’Union et a promu une meilleure compréhension entre les Européens. Nous sommes déterminés à les défendre et les développer plus avant.
Jusqu’ici, la réponse des décideurs européens et nationaux a été insuffisante. Elle a été marquée par un manque de vision et d’efficacité, fournissant trop peu de mesures, trop tard pour être efficaces. Ceci a été causé par le déni constant de quatre réalités:
1/ Les politiques simultanées et coordonnées d’austérité comme unique réponse politique ne peuvent que conduire l’Europe vers une récession économique qui ne peut qu’empirer le problème de la dette souveraine plutôt que de le résoudre.
2/ La Grèce est insolvable et endure une sévère récession depuis plusieurs années de sorte que sa dette publique ne sera jamais remboursée intégralement.
3/ Aucune union monétaire n’est soutenable sans une union fiscale et politique forte; la coordination ne peut pas servir de palliatif à l’intégration.
4/ Des finances publiques insoutenables ou un manque de compétitivité ne sont pas les principales causes de la crise que nous éprouvons: au cœur du problème se trouve l’augmentation mondiale des inégalités de revenus et de richesse au cours des dernières décennies, ainsi qu’un secteur financier démesuré mais insuffisamment capitalisé, dopé à la dette et à la spéculation, bénéficiant de garanties publiques implicites et explicites. Ces travers ont nourri une croissance insoutenable du crédit, l’accumulation des risques et les inégalités sociales.
Si les sommets récents ont montré que les décideurs européens ont commencé à prendre la mesure de ces vérités dérangeantes, ils restent idéologiquement biaisés: leur approche pour atteindre des finances publiques soutenables se concentre principalement sur les coupes dans les dépenses; ils estiment que la compétitivité est fondée sur des bas salaires; pour eux, les inégalités dans la société ne sont pas un problème; ils sont principalement motivés par la peur des marchés et les sondages du lendemain. Tout ceci a produit une réponse à la crise non seulement inefficace, mais aussi dont les coûts sont principalement portés par les plus vulnérables dans la société, exacerbent les inégalités au sein de et entre les sociétés.
Le manque dramatique de vision et de leadership démontré jusqu’ici par les principaux décideurs au niveau européen comme au niveau des Etats Membres a nourri une méfiance croissante vis-à-vis de l’Union Européenne. Ceci est vrai à la fois dans les pays contributeurs nets, où les gens considèrent que des engagements financiers sont pris en leur nom sans la moindre justification. Cela l’est aussi dans les pays sous assistance d’urgence où les citoyens se sentent impuissants et humiliés par l’impact de mesures d’austérité injustes, alors que les affaires continuent comme avant dans le secteur financier.
Les manifestations de rue se multiplient spontanément et les processus politiques conventionnels semblent déconnectés des citoyens. Des initiatives, comme Los Indignados en Espagne et le mouvement Occupy sont, en peu de temps, devenues une expression véritablement internationale de colère, de frustration et d’opposition aux processus politiques basés sur des idéologies pénalisant la majorité et récompensant quelques privilégiés. Nous reconnaissons et soutenons le droit démocratique d’exprimer pacifiquement son mécontentement et condamnons donc l’usage de la force contre des manifestants et des occupants pacifiques. Nous exprimons notre solidarité avec ceux qui prennent part à ces initiatives de par le monde. Tous les mouvements mentionnés ci-dessus méritent notre soutien et notre solidarité.
Bien que nous fassions face à des défis immenses, cette crise est une opportunité unique d’effectuer un saut en avant sans précédent, permettant aux Européens de construire une société environnementalement soutenable et socialement juste, basée sur le respect des droits de l’Homme et une démocratie participative multinationale à plusieurs niveaux. Nous avons besoin d’un changement de paradigme, mettant le bien-être humain dans un environnement soutenable au centre des décisions plutôt que comme objectif lointain à long terme. Il s’agit d’un moment de vérité dans l’histoire de l’humanité: nous sommes à la veille de la transformation de notre civilisation. Même s’il n’existe aucun plan ”prêt à l’emploi” pour un monde soutenable au 21ème siècle, nous, les Verts, reconnaissons l’immense ampleur et profondeur des changements que nous devons opérer.
C’est pourquoi nous proposons un Green New Deal pour l’Europe – un ensemble global de politiques, qui vise à fournir des solutions innovantes et indissociables aux défis qui nous font face au 21ème siècle, et qui requièrent une nouvelle pensée politique, avec de nouvelles visions économiques. Nous croyons que ce Green New Deal donnera naissance à une vague de nouveaux emplois de haute qualité et d’investissements qui génèreront un nouveau modèle de développement.
Une Boussole Verte: les principes guidant une réponse crédible.
Tandis que l’Europe est confrontée à cette crise sans précédent, les deux défis majeurs du 21ème siècle demeurent présents: assurer la prospérité et le bien-être pour tous les habitants sur la planète – et pas seulement quelques privilégiés – à la fois pour les générations actuelles et futures, tout en adaptant notre modèle de développement aux limites physiques de la planète. Le futur de l’Humanité sur cette planète dépend de la nature et de la rapidité de la réponse mondiale à ces défis. Ceci nous amène à adopter les principes suivants pour définir notre réponse à la crise actuelle :
1/ Si les Européens, qui représentent 7% de la population mondiale, veulent maintenir – en fait rétablir – la capacité de déterminer leur propre avenir et de jouer un rôle sur la scène mondiale, ils doivent agir ensemble et de manière unifiée. L’Europe dans son ensemble, comme la Zone Euro, bénéficient de fondamentaux économiques qui ne sont pas parfaits mais qui nous positionnent relativement bien en termes macro-économiques ; de plus nous disposons de ressources de grande qualité – notre population, nos connaissances et notre capacité d’innovation, notre richesse collective, notre diversité – qui nous permettent collectivement de répondre aux défis qui nous font face. Dès lors, tout scénario risquant d’aboutir à l’éclatement de la Zone Euro – premier pas de la désintégration politique de l’Europe – est inacceptable pour nous. De même, l’intégration politique accélérée de la Zone Euro ne peut pas mener à la cristallisation d’une Europe à deux vitesses; il est nécessaire de renforcer la
gouvernance économique de la zone euro, mais ceci ne doit pas se faire au détriment des autres Etats-Membres de l’UE.
2/ Les sociétés les plus égalitaires sont plus efficaces: toutes les preuves empiriques démontrent qu’une distribution plus juste des salaires et des richesses est une condition du bien-être individuel et collectif: les solutions de crises doivent donc renverser le cours actuel vers une accélération des inégalités de revenus et de richesse.
3/ Des finances publiques soutenables à tous les niveaux de gouvernement sont un ingrédient-clé du succès; elles doivent être équilibrées à une vitesse raisonnable en fonction de la conjoncture économique, en optimisant les dépenses comme les ressources, en particulier quand les niveaux absolus d’endettement public sont élevés. Dans cette perspective, la dette ne peut être justifiée que comme instrument pour financer des investissements qui accroîtront effectivement le capital matériel ou immatériel des générations futures.
4/ Un problème systémique nécessite une solution systémique qui rétablit la primauté de la politique sur la spéculation. L’industrie financière doit donc être forcée à revenir à son rôle de soutien à l’économie réelle, qui doit elle-même viser le bien-être de tous. L’utilité sociale doit en définitive guider les décisions dans tous les domaines de la régulation de l’industrie financière.
5/ Le principe du pollueur-payeur: ceux dont les actions nous ont mené à la crise actuelle et qui ont le plus bénéficié du modèle de développement fondé sur l’endettement et la spéculation doivent contribuer le plus à sa résolution. Chaque fois que les gouvernements doivent intervenir financièrement, ils doivent exercer des droits de propriété, même temporaires.
6/ Enfin, toute solution doit réduire plutôt qu’augmenter le déficit démocratique à l’échelle européenne comme au sein des Etats-Membres.
A court-terme: seuls des actions audacieuses suffiront
L’incendie est loin d’être éteint; il n’y aura pas de solution pérenne si la spirale infernale n’est pas arrêtée. Convaincus que la solidarité et la solidité budgétaire doivent aller de pair, nous, les Verts, demandons donc que les actions suivantes soient prises:
1.Rendre le fardeau de la dette grecque supportable: les 50% de réduction volontaire annoncés dans la valeur de la dette grecque détenue par le secteur privé sont insuffisants dans la mesure où tous les détenteurs privés ne participeront pas alors que les détenteurs publics ont été épargnés. Il en résultera in fine une réduction d’au maximum 25% de la dette alors qu’il faut une réduction globale d’au moins 60%, ce qui nécessite soit une participation de tous les détenteurs publics et privés, soit une contribution bien plus élevée des détenteurs privés.
2. Faire du FESF (et du futur FME) un rempart efficace: le dispositif actuel (et très flou) visant à étendre l’impact du Fonds Européen de Stabilité Financière (FESF) est trop timoré que pour décourager la spéculation future sur la dette souveraine des Etats-Membres. Afin de devenir un rempart crédible, le FESF doit devenir une banque, capable d’utiliser les capacités de liquidités de la Banque Centrale Européenne; ses décisions doivent être prises à la majorité. La proposition de recourir à une ingénierie financière discréditée, à une large échelle, sous la forme d’assurance de crédit comme les CDS et de
véhicules d’investissement spéciaux comme les CDO ne contre en rien le manque de confiance.
3. Recapitaliser les banques européennes: le montant (109 milliards €) décidé par les derniers sommets est le minimum absolu de ce qui est nécessaire pour consolider l’industrie bancaire européenne: un montant de 300milliards € est probablement plus approprié. Les sources privées doivent contribuer prioritairement, mais si des deniers publics sont injectés, les droits de propriété et de contrôle doivent être transférés aux contribuables (par le contrôle public temporaire, ouvrant ainsi la voie à une plus grande mutualisation dans le système bancaire européen). Des conditionnalités fortes doivent être imposées, comme la rétention des profits pour renforcer les fonds propres et renflouer les caisses des Etats avec les excédents dégagés; la réduction du bilan des banques en liquidant d’abord les activités les plus risquées; la protection des prêts à l’économie réelle ; la fin du comportement égoïste des dirigeants en matière de pensions, bonus et salaires; la prévention d’activités délictueuses par les banques sauvées, comme l’évasion fiscale. De plus des mesures pour éviter un resserrement du crédit sont d’une importance cruciale.
Dans les cas où les pertes induites par des faillites de banques menacent la soutenabilité de la dette d’un Etat, la BCE et le FESF doivent mettre en place une série de mesures pour réduire le coût de ces recapitalisations pour l’Etat.
4. Rééquilibrer l’approche du “tout à l’austérité”: Bien que nous comprenions le besoin de finances publiques soutenables conformément à ce que prévoient les Traités, certaines politiques d’urgence décrétées par la Troika Union Européenne / Fonds Monétaire International / Banque Centrale Européenne ont été socialement injustes; les conditionnalités imposées doivent être rééquilibrées en insistant sur le prélèvement effectif de l’impôt sur les plus aisés dans la société, et en brisant les tabous et les privilèges comme l’immunité du milieu militaire en Grèce ou des églises comme en Grèce ou en Italie. De plus, l’UE doit utiliser ses fonds de cohésion non utilisés, afin d’assouplir les conditions de co-financement des Etats-Membres sous assistance pour stimuler une activité économique indispensable. L’austérité unilatérale doit céder la place à des réformes socialement justes et soutenables et à des investissements pour renforcer les économies nationales.
A moyen et long-terme: engager une transformation profonde
L’action de court-terme ne remplace pas des réponses plus durables et plus fondamentales, qui mettront l’Europe sur la voie d’un rétablissement durable. Voici les composantes essentielles que nous, les Verts, envisageons dans cette approche globale :
5. Une forte re-régulation de l’industrie financière européenne: l’Europe ne doit pas hésiter à dépasser les propositions de Bâle III et à imposer des minima ambitieux en fonds propres (15%), une limite absolue sur le taux de levier, des minima contraignants de liquidités. Pour nous, les institutions dites “too-big-to-fail” (“trop grandes que pour en autoriser la faillite”) sont tout simplement trop dangereuses pour exister; nous devons saisir la chance d’agir sur celles-ci et les ramener à une taille raisonnable, en s’assurant que toute institution financière peut s’écrouler sans dégâts importants pour l’ensemble du système financier et l’économie. De même, il doit exister des règles pour une séparation étanche entre l’activité bancaire stricto sensu qui sert l’économie réelle et les activités d’investissement plus risquées, voire spéculatives. En règle générale, les activités et produits financiers qui n’ont pas démontré leur utilité sociale ou économique doivent être interdits; l’usage de techniques comme les transactions à découvert et les transactions sur produits empruntés doit être interdit ou au moins fortement régulé. Enfin, le système bancaire fantôme (« shadow banking ») doit être graduellement privé de fonds par des règles plus fortes gouvernant les liquidités et les opérations opaques non consignée dans les livres comptables. Une agence européenne de notation indépendante doit être créée, se basant sur l’analyse scientifique de la qualité de la dette, y compris sa soutenabilité écologique.
6. Une stratégie fiscale européenne globale: nous n’atteindrons pas des finances publiques saines, une cohésion sociale raffermie et une soutenabilité environnementale sans une transformation radicale des politiques fiscales en Europe. Au niveau de l’Union, nous devons agir pour mettre en place une Taxe sur les Transactions Financières (TTF) européenne, une contribution climat/énergie de l’UE, une assiette consolidée des impôts sur les entreprises, associée à un taux minimum effectif d’imposition, de manière à assurer une contribution juste du secteur privé. L’UE doit développer un “traité de désarmement fiscal” par lequel les Etats-Membres démantèleront les paradis fiscaux inclus dans leurs législations et s’engageront à lutter contre l’évasion fiscale et à limiter les niches fiscales au sein d’une stratégie européenne globale. Toutes ces mesures nécessitent la fin de la règle de l’unanimité en matière fiscale, qui doit devenir un domaine de législation ordinaire, régi par la co-décision entre le Conseil des Ministres européens et le Parlement. Au niveau national une plus forte progressivité de l’impôt sur le revenu et des impôts sur la richesse doit être mise en place.
7. Etablir un Fond Monétaire Européen (FME) capable d’émettre des euro-obligations, qui devraient améliorer l’attractivité du marché de la dette souveraine en Europe, le rendant à la fois plus liquide et plus solide tout en le prémunissant de l’aléa moral en fixant des conditions claires pour la participation et en particulier en termes de discipline fiscale. Ce FME doit être établi comme un instrument communautaire (et non intergouvernemental), rendant démocratiquement compte au Parlement Européen, absorbant le rôle de l’actuel Fond Européen de Stabilité Financière en tant qu’instrument de réponse aux crises. Au-delà de ces mesures instaurant plus de transparence et de contrôle démocratique, y compris au niveau de sa gouvernance, il faudra également envisager de le doter de fonds supplémentaires afin d’aider les économies ayant besoin de prêts d’urgence et d’aide structurelle.
8. Rendre le cadre de surveillance macro-économique plus efficace et plus équilibré: Ce cadre, établi par le “six-pack” définissant la gouvernance économique européenne en septembre, doit être mis en place de manière équilibrée. Il doit d’une part, s’appliquer efficacement aux pays en surplus comme à ceux en déficit de leur balance courante, car ils sont interconnectés, et d’autre part, introduire des indicateurs appropriés de nature sociale et environnementale comme les inégalités de salaire, les dépenses d’éducation, l’empreinte écologique ou la productivité des ressources.
9. Faire du budget de l’UE un instrument de politique économique: Aucune union monétaire n’a été couronnée de succès sans un budget commun crédible qui enrichit la gamme des instruments de politique économique. Ainsi, nous avons besoin d’un budget européen nettement plus ambitieux, financé par des ressources propres co-décidées par le Parlement et alimentée également par la taxe sur les transactions financières (TTF) et la contribution énergie/climat, ce qui donnera lieu à une réduction partielle des contributions des Etats-Membres. Ce budget sera complété par l’émission d’obligations dédiées au financement de projets d’intérêt général comme des infrastructures pan-européennes d’énergies renouvelables ou bien le positionnement de l’Europe comme leader dans les solutions sobres en énergie et en ressources. Ceci créera un Trésor Européen fort et utile.
10. Un Green New Deal pour l’Europe: l’obsession de l’austérité est une stratégie suicidaire. On ne peut pas diriger une entreprise, encore moins un pays, en minant les facteurs sous-tendant la productivité future pour afficher des résultats de façade de court terme. L’épargne des ménages européens et des entreprises augmente sensiblement : voilà les moyens qu’il faut mobiliser et combiner avec la capacité (limitée) d’investissement des gouvernements dans un Green New Deal pan-européen pour verdir notre énergie, nos transports, nos infrastructures de production, restaurer nos ressources naturelles, renforcer la cohésion sociale, l’éducation, la recherche et l’innovation. Cette mobilisation nécessite un plan cohérent, ainsi que des stratégies régulatrices comme:
a. Mettre les objectifs EU2020 sur le même pied que les objectifs budgétaires du pacte de stabilité et de croissance, ce qui augmenterait la pression pour diriger les investissements publics vers la soutenabilité sociale et environnementale;
b. Un prix plus efficace du CO2 en visant une réduction de 30% des gaz à effets de serre d’ici 2020 pour relever le prix du carbone, une taxe carbone couvrant les secteurs non-ETS et une mise aux enchères des crédits d’émission ;
c. L’imposition de stress-tests sur le carbone aux institutions financières afin d’évaluer l’impact de leurs décisions sur ce plan, l’introduction du risque climatique comme risque systémique dans la législation, la promotion des indices verts que les fonds indexés pourront suivre, le développement des banques vertes pour rendre les clients plus conscients de l’empreinte carbone des investissements faits avec leur épargne (avec des incitants fiscaux si nécessaire);
d. La Banque Centrale Européenne obtiendra le droit de refinancer des obligations émises par la Banque Européenne d’Investissement, à condition qu’elles soutiennent des investissements durables;
e. Obliger les fonds de pension publics et encourager les fonds privés à allouer une proportion de leur portefeuille à des investissements et des entreprises verts;
f. Mener à bien la transition énergétique qui nous emmènera dans un futur fonctionnant aux énergies renouvelables et débarrassé du système énergétique nucléaire et fossile.
Une Europe plus démocratique et plus intégrée politiquement
La plupart des actions décrites plus haut impliquent un changement profond dans les objectifs politiques et les priorités, et demande une Europe plus intégrée politiquement. S’ils agissent isolément, les Etats-Membres échoueront à redomestiquer le secteur financier, à regagner de l’emprise sur les assiettes fiscales qui leur échappent de plus en plus, à mobiliser les investissements nécessaires au Green New Deal ou à faire face aux marchés financiers mondiaux. Tout ceci requiert un changement substantiel des traités européens. Pour nous, les Verts, il est impératif que le processus menant à une Europe plus intégrée politiquement ainsi que son fonctionnement accroissent la participation et le contrôle démocratiques. Nous proposons donc:
11. La co-décision des grands axes de politique économique: A l’heure actuelle, la Commission européenne oriente de facto la politique économique et fiscale en Europe et dans certains Etats-Membres. Pour leur donner une légitimité démocratique, les actions de la Commission dans ce domaine doivent être subordonnées à des orientations politiques adoptées en co-décision par le Conseil et le Parlement. En ce sens, les stratégies économiques pluriannuelles (actuellement EU2020), comme leurs principes directeurs (actuellement l’Examen Annuel pour la Croissance, faisant partie du Semestre Européen) doivent devenir des actes législatifs en co-décision.
12. Une Convention pour une Nouvelle Europe: Une nouvelle réforme du Traité européen est impérative et doit être initiée par la convocation d’une Convention le plus rapidement possible. Cette convention serait composée de représentants des parlements nationaux et du Parlement Européen ainsi que de partenaires sociaux et de la société civile, y compris par des formes de participation innovantes, devant ouvrir la voie à une réforme en profondeur du Traité afin de fournir une base légale aux actions décrites ci-dessus. Pour asseoir davantage encore la légitimité démocratique, un référendum européen devra décider des changements d’orientation qui seront mis en pratique si une majorité de citoyen(ne)s et d’Etats les approuvent. Les révisions au Traité ne peuvent en aucun cas plus être négociées à huis clos par les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE, puis imposées aux parlements.
Conclusion
Il est primordial que la confiance revienne en Europe: confiance entre les acteurs économiques, confiance entre les gouvernements, confiance entre acteurs économiques et gouvernements, confiance dans les institutions européennes, mais avant tout la confiance de nos citoyens envers leurs banques, leur économie, leurs gouvernements, leur avenir. Nous, les Verts, croyons que des actions de peu d’envergure, à reculons, prenant la crise comme état naturel ne suffiront pas; elles ne feront qu’augmenter les chances d’un écroulement économique, social et environnemental. Ce n’est qu’en étant prêts à faire un pas décisif vers l’avant, vers plus d’intégration politique et démocratique, vers une transformation profonde de nos sociétés et de nos économies pour plus de justice sociale et de soutenabilité environnementale, que nous aurons une chance de réussir. Les propositions mises en avant plus haut doivent être des premiers pas dans cette transformation profonde; c’est l’offre que nous faisons à nos concitoyen(ne)s. Nous sommes prêts à parier notre avenir sur elles.
Refonder le projet européen
1. Les Verts Européens sont convaincus que le projet européen doit trouver une nouvelle direction et se doter de nouveaux objectifs. Le rejet, de plus en plus prononcé, du projet européen par l’opinion publique s’explique par l’incapacité des 27 Etats membres à produire des solutions communes, soutenables et progressistes aux multiples crises qui affectent les citoyens.
2. L’érosion du processus de décision communautaire au profit des négociations intergouvernementales, où c’est la loi du plus fort qui règne, sape l’importance des parlements nationaux et ne laisse que peu de place au débat public. Les décisions sont prises strictement sur base d’intérêts nationaux. Les profondes crises financière, économique et sociale, que nous traversons actuellement, révèlent le caractère totalement inadéquat d’un tel mécanisme de « gouvernance ». Seul un réel saut démocratique pourra répondre à cette situation déplorable.
3. L’Union Européenne n’atteindra pas la cohésion et un fonctionnement efficace si les institutions qui représentent les européens, à savoir le Parlement Européen et la Commission, continuent d’être mis de côté dans la prise de décision, et si leurs pouvoirs sont constamment érodés, entre autres par les dirigeants franco-allemands qui monopolisent le discours et le pouvoir. Nous nous opposons fermement à la pratique du Conseil Européen, qui, en s’immisçant dans toutes les affaires politiques, décrédibilise l’attention du Traité de Lisbonne sur le vote à majorité qualifiée. Ce n’est pas seulement une question institutionnelle ou légale, c’est aussi une question de démocratie et de transparence du processus décisionnel. Nous voulons utiliser la méthode communautaire pour mettre en pratique le Green New Deal et la transition écologique de l’économie européenne.
4. Dans le passé, les réformes des traités ont été effectuées par des représentants gouvernementaux réunis en Conférences Intergouvernementales et décidant à l’unanimité, avec peu ou pas de débat public ni de participation. Les réformes ne peuvent continuer à être basées sur des conférences diplomatiques gérées exclusivement par les Etats membres.
5. La récente mobilisation massive de citoyens à travers toute l’Europe montre que le futur du projet européen doit être décidé avec et non sans eux.
6. Le PVE soutient la proposition selon laquelle le Parlement Européen devrait entamer, tel que le prévoit l’Article 48 du Traité sur l’Union Européenne, une procédure appelant à une nouvelle Convention pour une nouvelle Europe. Cependant, la procédure doit être établie de telle sorte que les conclusions de cette Convention ne puissent être complètement changées par une conférence intergouvernementale classique. De nouvelles voies et de nouvelles alliances doivent donc être trouvées pour sortir de cette impasse permanente.
7. Dans le cadre de la procédure de « Développement d’un Agenda Politique Vert » adoptée à Budapest, le PVE décide donc de créer un groupe de travail chargé de produire, d’ici le prochain Conseil du PVE, une proposition sur le contenu et la voie à suivre pour modifier le Traité sur l’UE. Ce groupe de travail devra assurer une large participation publique des citoyens européens à la redéfinition du projet européen.