« La caricature n’a pas sa place lorsque les enjeux sont aussi importants »
le CRAP-Cahiers pédagogiques ont interviewé Barbara Pompili, co-présidente du groupe des écolpgistes à l’Assemblée Nationale.
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Refondation
« La caricature n’a pas sa place lorsque les enjeux sont aussi importants »
Présidente du groupe écologiste à l’Assemblée nationale depuis janvier 2013, Barbara Pompili a été très active à l’Assemblée nationale sur la loi pour la refondation. Elle a reçu il y a quelque temps Philippe Watrelot, président du CRAP-Cahiers pédagogiques, pour évoquer les amendements que pour notre part nous proposions.
Barbara Pompili a répondu avec beaucoup de conviction à nos questions sur les avancées de la réforme et sur l’école.
Interview de Barbara Pompili
Vous avez été très active pendant le débat à l’assemblée nationale, pouvez-vous nous dire d’une part comment vous avez perçu ces débats, leur « qualité intellectuelle et politique », d’autre part quel a été votre rôle, sur quoi vous vous êtes appuyée pour vos interventions et propositions d’amendements ?
L’école doit former les futurs citoyens et offrir à notre jeunesse de réelles perspectives pour son avenir. Elle doit permettre la réussite de tous et incarner notre idéal républicain d’une société où chacun dispose des mêmes droits. Or, notre modèle éducatif ne permet plus aujourd’hui de répondre à ces exigences. D’où l’urgence d’agir.
Cette refondation nécessitait bien sûr un grand débat à l’Assemblée nationale sur l’école et l’éducation en général afin de se nourrir des réflexions des uns et des autres et des expérimentations menées en France ou à l’étranger. Cela n’a malheureusement pas toujours été le cas et j’ai parfois regretté le niveau insuffisant de dialogue et d‘écoute au sein de notre Assemblée.
J’ai d’ailleurs signifié ma déception lorsque nous avons abordé les Projets éducatifs de territoire (PEDT) ou encore la réforme de notre système de notation et d’évaluation. La caricature n’a pas sa place lorsque les enjeux sont aussi importants et les débats sur le fond auraient dû être plus soutenus car il y a beaucoup à dire et à faire pour donner plus d’ambition à notre école. J’aurais souhaité aller plus loin pour réellement refonder notre système car une simple « réparation » ne suffira pas pour lui permettre de relever les défis du 21e siècle.
C’est pour répondre à cette ambition que les écologistes ont déposé de très nombreux amendements. Ceux-ci sont le fruit de réflexions menées de longue date au sein de notre parti politique. Les différentes auditions que j’ai menées ont également enrichi mes réflexions – chercheurs, syndicats, fédérations de parents d’élèves, mouvements de l’éducation populaire… – tout comme mes connaissances du milieu et des acteurs de l’éducation.
Qu’est-ce qui a été amélioré à l’assemblée ? pouvez-vous nous donner deux ou trois motifs de satisfaction et deux ou trois déceptions ?
Les écologistes ont obtenu des avancées significatives sur des questions importantes : la formation des enseignants, la scolarisation des élèves en situation de handicap le droit à l’expérimentation et à l’innovation pédagogiques, les contenus des enseignements, l’interdiction des devoirs écrits à la maison à l’école primaire, le parcours d’éducation artistique et culturelle, l’ouverture de l’école sur l’extérieur (collectivités territoriales, associations et familles par exemple) ou encore le rôle et l’indépendance des deux conseils créés pour ne citer que ces quelques exemples.
Mais nous aurions aimé aller plus loin, beaucoup plus loin, sur de nombreux points comme : le renforcement des projets éducatifs territoriaux (PEDT), les contenus des Espé et leur indépendance, le pré-recrutement, la situation des personnels accompagnant les élèves handicapés, les langues et cultures régionales, les modalités d’évaluation, la mobilité à l’intérieure des cycles, la prise en compte des besoins de chaque élève, la place de l’élève comme acteur de son parcours…
Comment voyez-vous l’avenir de cette Loi, notamment quand on va passer au stade des décrets ? La commission éducation et culture va-t-elle suivre l’application ? Qu’est-ce qui est prévu pour cela ?
Les décrets sont très attendus et nous serons vigilants sur leur contenu. Toutefois, la refondation de l’école ne se fera pas en une seule fois. Si ce projet de loi permet d’avancer et de poser les bases pour un véritable changement, il s’agit d’une première étape qui nécessite d’être poursuivie et approfondie. A travers la commission éducation et culture de l’Assemblée nationale, je continuerai à intervenir chaque fois que cela sera possible pour faire avancer nos idées. Les parlementaires ont d’ailleurs un rôle de contrôle quant à l’application des lois. Un comité de suivi de la loi – qui sera paritaire grâce à un de nos amendements – va également être mis en place et pourra, je l’espère, permettre de faire évoluer ce qui nécessite de l’être. Par ailleurs, en réponse à un de nos amendements, le président de la Commission éducation de l’Assemblée s’est engagé à mettre en place une mission d’information sur le statut de « parent d’élève délégué » ; outre la demande de création d’un véritable statut, nous pourrons notamment remettre en avant dans ce cadre nos demandes de renforcement des liens avec les parents d’élèves et d’ouverture de l’école sur l’extérieur.
Concernant le conseil supérieur des programmes, il sera possible pour les parlementaires membres de la commission éducation d’intervenir dans sa composition uniquement pour les sièges qui leur sont réservés : deux députés et deux sénateurs. Les 12 autres membres sont désignés par le président du Conseil économique, social et environnemental et par le ministre de l’Education nationale.
Sur la question des rythmes scolaires du primaire, quelle est la position d’EELV ? Les élus municipaux soutiennent-ils une mise en place rapide ?
Si les rythmes scolaires n’étaient pas en tant que tels dans le projet de loi mais ont fait l’objet d’une circulaire, nous en avons néanmoins débattu à maintes reprises car il s’agit là d’une question cruciale.
Les écologistes soutiennent cette évolution et sa mise en place dès la rentrée 2013. Partageant les analyses des chronobiologistes, nous plaidons en effet pour un allègement de l’emploi du temps hebdomadaire des élèves qui aujourd’hui brillent au palmarès de la surcharge de travail. Mais nous voulons que cette réforme soit plus vaste encore et s’attaque à une révision globale du calendrier annuel, je pense notamment aux grandes vacances d’été.
Favorables à cette réforme des rythmes scolaires du primaire, nous soutenons de façon plus générale toutes les initiatives au service des évolutions pédagogiques qu’il s’agisse de l’ouverture de l’école sur l’extérieur, du renforcement des projets co-élaborés ou encore de la mise en place de nouveaux emplois du temps permettant de faire vivre des projets collectifs. Les barrières traditionnelles dans lesquelles nous sommes enfermées doivent être levées pour développer de nouvelles formes de pédagogies.
Conformément à cette approche, nous défendons avec vigueur le renforcement des liens entre les temps scolaires, périscolaires et extra-scolaires : c’est une continuité des politiques éducatives qu’il convient d’organiser ! C’est en ce sens que les PEDT constituent pour nous un outil essentiel pour la réussite de ce dispositif : ils doivent permettre d’organiser cette continuité dans une démarche de co-construction avec l’ensemble des acteurs concernés. D’où notre volonté, au cours des débats, de préciser leur forme et objet afin de leur donner plus d’envergure et d’obtenir que cette démarche se développe réellement sur l’ensemble du territoire.
Bien entendu, la question du coût de la réforme des rythmes scolaires doit être prise en compte. Il ne saurait être question de réserver ces activités aux familles les plus aisées ou d’accepter des différences dans leur qualité en fonction des moyens des collectivités. Face à ces incertitudes, certains élus municipaux ont préféré attendre 2014 pour mettre en application cette réforme. C’est pour répondre à ces inquiétudes que nous avions notamment demandé lors des débats que le fonds d’amorçage soit transformé en un fonds pérenne d’accompagnement. Mais nous n’avons hélas pas été entendus par le gouvernement, d’où probablement certains reports. Pourtant, je demeure convaincue qu’une application dès la rentrée 2013 est préférable à un report qui, compte tenu de l’agenda électoral, ne sera pas forcément un gage de meilleure organisation. Par-delà cette question des délais, je demeure convaincue que cette réforme des rythmes va dans le bon sens.
Propos recueillis par Jean-Michel Zakhartchouk