Bac : en attendant le rapport Mathiot, quelle position écolo ?
Les parties en italiques sont des propositions tirées du programme Bien Vivre d’EELV pour les élections de 2017
– À quoi sert le bac ?
Le baccalauréat sanctionne aujourd’hui pour près de 80 % (41 % bac général, 23 % bac professionnel, 16 % bacs technologiques) des jeunes la fin du cycle scolaire et est la porte d’entrée vers l’enseignement supérieur (il reste le premier grade universitaire). Il répond donc à un double objectif de validation d’une formation de culture générale tout en préparant des pistes de spécialisations permettant logiquement l’insertion dans le supérieur.
L’organisation en filières vise au départ à créer ces premières spécialisations, mais la prédominance persistante de la filière S montre l’échec relatif de la précédente réforme visant à rééquilibrer ces filières. Les bons élèves, leurs parents, leurs professeurs, ont tendance à faire, quelque soient leurs préférences disciplinaires initiales, le choix du cursus considéré comme offrant le plus de garanties pour l’accès aux études supérieures.
Le coût financier, estimé à 1,5 milliard d’euro chaque année, et le coût humain, qui sacrifie la plupart des cours de lycée à partir de la mi-mai du fait de la mobilisation des enseignants sont deux arguments importants pour une réforme du baccalauréat. A cela s’ajoute la forme de certaines épreuves « guillotine », dont la réussite est plus fondée sur la capacité des élèves à bachoter, voire leur chance, que sur l’évaluation de leur capacité à construire une réflexion propre. Nous avons, au sein d’EELV, défendu la fin du bac ; cependant, la charge symbolique de l’épreuve rend cette option assez difficile à défendre aujourd’hui sans proposer des alternatives cohérentes.
En effet, le bac est aussi perçu en France, sans doute plus que dans d’autres pays, comme un rituel social, même si un jeune français sur 5 est exclu de ce rituel. Il faut tenir compte de l’image d’Épinal de l’égalité républicaine diffusée chaque année lors des épreuves anticipées de philosophie : des milliers de lycéens partout en France passant la même épreuve à la même heure. Il faut déconstruire ce mythe, les élèves de ce pays ne sont pas tous égaux face au baccalauréat. Les enfants de cadres bacheliers obtiennent pour 77 % d’entre eux un bac général, 9% un bac professionnel, quand les enfants d’ouvriers ne sont que 34 % à obtenir un bac général et 44 % un bac professionnel. Conserver le bac dans sa forme actuelle au nom de l’égalité sociale relève donc d’une certaine forme d’hypocrisie.
Le projet de réforme actuel ne semble rien dire des bacs technologiques, l’enseignement professionnel fait l’objet d’une concertation à part entière. Il y a de fortes chances que le débat se focalise sur la seule filière générale, et que les propositions du ministre creusent le fossé entre elle et les filières technologiques et professionnelles, notamment en restreignant davantage pour ces dernières l’accès à l’enseignement supérieur.
– Seul outil de sélection à l’entrée de l’université ?
La réforme de l’affectation post-bac déjà mise en place va avoir tendance à réduire le poids de l’épreuve terminale : l’avis du conseil de classe au deuxième trimestre, qui, notons le au passage, sera nécessairement fondé sur le contrôle continu très décrié par les partisans du bac actuel ; et la mise en place des pré-requis auront un effet d’entonnoir pour le supérieur avant même que les lycéens aient passé leurs épreuves.
Ces mesures ont une limite : la définition des attendus par l’aval. Le baccalauréat est aujourd’hui fondé sur des choix politiques de culture générale, on risque de faire évoluer celui-ci vers une adaptation disciplinaires aux pré-requis définis par le supérieur, une sorte de prépa généralisée, mais avec beaucoup moins de moyens. Dans un tel système, il est évident qu’on remettrait assez vite en question certains enseignements dispensés pour tous au lycée (la philosophie, l’EPS…) finalement utiles dans très peu de filières du supérieur.
L’accès pour tous les bacheliers est l’une des revendications fortes d’organisations lycéennes et étudiantes. Il ne faut pas oublier que les bacheliers pros s’inscrivant à l’université sont peu (9 %) et que leur échec en premier cycle est important, mais le libre accès à l’université est une idée qu’on doit défendre à condition de donner aux universités les moyens de répondre à des situations individuelles très différentes. Il est assez choquant de constater qu’aujourd’hui ce sont les filières les plus sélectives qui disposent de davantage de moyens pour encadrer et accompagner leurs étudiants. L’enseignement supérieur français, avec son double visage élitiste et universel, fonctionne à l’inverse d’une juste répartition des moyens.
Pour mémoire, deux propositions toujours pertinentes :
– accélérer le rapprochement entre les grandes écoles et les universités au sein de pôles territoriaux et de développer le recrutement sur dossier anonyme dans les écoles ;
– substituer progressivement aux classes préparatoires des parcours renforcés de licence ;
– Contrôle continu, épreuves, certifications… Quelle forme(s) pour le bac ?
– Réformer le système d’évaluation par la généralisation de l’évaluation positive ; remplacer le brevet des collèges et le baccalauréat par des certifications raisonnablement exigeantes et davantage fondées sur les compétences.
Nous défendons d’abord des évaluations progressives fondées sur des certifications de compétences, bien souvent transversales, plutôt que des épreuves disciplinaires finales. Le risque d’une disparité des évaluations entre les établissements en cas de suppression des épreuves terminales est souvent le avancé pour justifier la sacralité des épreuves, alors que, on l’a évoqué plus haut, cette forme n’est pas la garantie d’une plus grande égalité entre les élèves. Pour sortir d’un débat vite manichéen, plusieurs arguments semblent à privilégier.
Tout d’abord, il existe un compromis entre l’épreuve terminale et le contrôle continu, c’est le contrôle en cours de formation, qui garantit, par la mise en place de cadres communs, la réalisation d’épreuves décentralisées tout à fait équivalentes. C’est une formule éprouvée depuis plusieurs années pour les bacs professionnels et agricoles sans que personne ne soulève de quelconque discrimination territoriale.
Par ailleurs, si l’on souhaite aller vers des certifications de compétences, le cadre européen des langues nous donne un exemple concret, reproductible pour un certain nombre de compétences, il a de plus l’avantage d’être commun à l’ensemble des pays de l’Union Européenne. Évidemment, défendre l’élargissement de certifications de compétences, c’est se confronter rapidement aux lobbies disciplinaires qui pèsent aujourd’hui beaucoup dans la définitions des épreuves du baccalauréat et l’organisation du travail des enseignants du secondaire. Le premier degré, et le collège depuis la réforme de 2016, accordent désormais une place plus importantes aux compétences, on peut espérer que cette évolution se diffuse au lycée, cela passera sans doute d’abord par la formation des professeurs, plus tournée vers la pédagogie sans nier les approches disciplinaires.
– Un outil pou réduire les inégalités sociales, comment ?
– Contrer les inégalités en créant une dotation progressive des établissements : sur le modèle de la loi SRU, la dotation consolidée des établissements sera progressive. Tous les établissements, publics et privés, auront comme objectif d’atteindre une mixité réelle et seront évalués et financés selon ce critère.
Clairement, ce n’est pas le Bac, situé à la sortie de l’enseignement scolaire, qui est l’outil le plus pertinent pour lutter contre des inégalités sociales présentent tout a long du parcours. Au moment du bac, plusieurs tris on déjà été effectués, aux préjudice des élèves les moins favorisés au départ. C’est davantage par une plus juste répartition des moyens offerts au cours du parcours scolaire des élèves qu’on peut espérer agir sur un système scolaire très inégalitaire : des rythmes scolaires plus équilibrés, un travail sur la carte scolaire, et sur l’acquisition pour le plus grand nombre, dans et au dehors de l’école, d’un haut niveau de culture générale.
– Et un bac écolo, ce serait quoi ?
Un bac coopératif qui donnerait une plus grande place aux projets collectifs. Les TPE très critiqués à leur mise en place font désormais partie du paysage, il est possible de développer, dans le cadre du contrôle en cours de formation, des pratiques et des évaluations collectives. Un défaut du système scolaire français reste l’écart entre l’injonction du « vivre ensemble » et la pratique du « travailler tout seul », pour les élèves comme pour les enseignants.
Un bac pratique qui ferait une vrai place à l’éducation concrète :
– Enseigner l’économie domestique (gestion de la maison, cuisine), l’agriculture, la menuiserie, etc., dans un souci d’économie de l’énergie et des ressources.
Alors que beaucoup de diplômés se réorientent après leurs études vers une formation agricole ou professionnelle, il est indispensable, pour casser les préjugés et les classements en cases (manuel/intellectuel ; littéraire/scientifique) de faciliter les ponts en cours de cursus, et proposer au lycée général des enseignements agricoles et professionnelles.
Un bac européen :
– Donner à chaque jeune, quelle que soit sa situation, la possibilité de passer six mois dans un autre pays européen au cours de sa scolarité.
Il existe aujourd’hui un bac européen, malheureusement assez élitiste, réservé à un tout petit nombre. Les universités européennes ont réussi, après de longues années de travail, à faire converger leurs cycles de formation, il n’est donc pas impossible, à condition que les députés européens s’empare du sujet et que les Etats les soutiennent, de réussir à construire progressivement la convergence des bac, A Level, Abitur, Reifeprüfung, Bachiller, ylioppilastutkinto…
– un bac écolo qui fasse du changement climatique, de la question de la protection des ressources et de la biodiversité un enjeu d’enseignement central, dans toutes les disciplines, et dans le cadre de vie scolaire des lycéens.