Pacte APF lettre de Eva Joly

Pacte APF lettre de Eva Joly

Le 26/01/2012

Paris, le 25 Janvier 2012

Monsieur Jean-Marie Barbier,

Président de L’association des paralysés de France

Monsieur le Président,

Permettrez moi de commencer par vous demander de bien vouloir excuser mon absence à vos côtés. Ce rendez-vous est un moment important de la campagne présidentielle et je regrette sincèrement de ne pas être disponible ce jour.

La situation actuelle des personnes handicapées n’est pas acceptable à bien des égards : des ressources sous le seuil de pauvreté, des inégalités sociales, des inégalités entre les sexes, des inégalités d’intégrations professionnelles, d’accès aux soins, des discriminations, l’isolement, le problème du logement ou du mal logement, les difficultés d’accès à l’école jusqu’à l’université, l’accès aux loisirs, ou encore plus rare aux vacances, est un constat accablant, pour une société comme la notre. En matière de handicap aussi, nous voulons changer de modèle.

Une politique écologique du handicap vise l’inclusion des personnes en situation de handicap, par une application pleine et entière de la loi de 2005, dite loi de l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes en situation de handicap. Cela passe aussi par l’application de la Convention Internationale des droits des personnes handicapées, ratifiée par la France, et qui prévoit notamment le droit à la santé, à des revenus suffisants, à la compensation intégrale du handicap, à l’accessibilité, à la non-discrimination. C’est pourquoi une politique écologique du handicap se veut avant tout basée sur la solidarité et sur l’autonomie des personnes.

Dans ce contexte, notre priorité sera de faire évoluer les ressources des personnes en situation de handicap, en envisageant à terme la création d’un revenu d’existence, qui fera l’objet dans un premier temps d’une expérimentation. Sur le temps de la mandature, nous augmenterons de 50% tous les minima sociaux, dont l’AAH (Allocation pour Adultes Handicapées). Pendant les cinq dernières années, l’AAH a été augmenté de 25% en cinq ans. Mais Mr Sarkozy a repris d’une main ce qu’il avait donné de l’autre, par exemple par l’instauration de franchises médicales qu’il faudra supprimer. En fait, pour une grande partie de la population en situation de handicap, le pouvoir d’achat a baissé.

Est-ce possible en situation de crise budgétaire? La crédibilité de l’ensemble des propositions écologistes réside dans le fait que je les finance : j’ai dévoilé dès novembre dernier mon budget alternatif. J’y ai montré que l’on peut investir à la fois dans l’économie verte et la solidarité, tout en réduisant progressivement nos déficits. C’est une question de choix politiques: Je préfère m’attaquer à la fraude fiscale, réintroduire de la progressivité dans l’imposition des citoyens et des entreprises, mettre un terme au gaspillage financier dans les grandes infrastructures prestigieuses comme l’EPR plutôt que de rogner sur la solidarité nationale.

Une autre de nos priorités sera d’améliorer la scolarisation et la formation des personnes handicapées. En effet, les difficultés d’accès à l’école creusent davantage le fossé avec le monde du travail. Si la loi de 2005 a amélioré la situation des enfants handicapés, il sont encore 30 000 enfants à ne pas être scolarisés, quand d’autres restent sans AVS (Assitant-e de Vie Scolaire) pendant des mois. Il faut intégrer les AVS à l’Education Nationale, leur garantir une professionnalisation, et étendre l’octroi des AVS aux étudiants à l’université. Il faut assurer aux enseignants une formation aux handicaps, et aux méthodes éducatives particulières (87% des enseignants reconnaissent avoir besoin de ces formations), ainsi que du matériel adapté, et des temps d’échanges dédiés (pris en charge sur le temps de travail des enseignants) pour une meilleur coordination entre les enseignants, AVS, psychologues et autres intervenants, ainsi que les parents chaque fois que nécessaire.

Pour les enfants ne pouvant pas être accueillis dans le milieu ordinaire, nous augmenterons la capacité d’accueil et le maillage des territoires par de petites structures spécialisées, pouvant être regroupées, permettant la prise en charge différenciée des nombreuses pathologies ou troubles de l’enfant, tout en permettant des passerelles et des liens avec le milieu ordinaire.

L’amélioration de l’accès à l’école ou à la formation est un facteur d’amélioration de l’insertion professionnelle des personnes handicapées. Il sera porté une grande attention à l’obligation d’embauche de salariés handicapés par les entreprises comme par le secteur public (6% de la masse salariale), le statut des travailleurs des ESAT (Etablissement et Services d’Aide par le Travail) sera revu, les collectivités seront engagées à soutenir les EA (Entreprises Adaptées) et ESAT notamment par la commande publique pour, entre autres, augmenter le nombre de structures et leur viabilité.

Enfin il faut développer la compensation du handicap pour tous les types d’aides, pour une compensation intégrale dans la vie personnelle, professionnelle et familiale. Pour ce, il est important d’améliorer le fonctionnement des Maisons Départementales des Personnes Handicapées, soutenir les services d’aides à domicile, revoir les prises en charge très inégales des matériels médicaux et para-médicaux. Dans cet esprit de compenser réellement tous les handicaps, un service public pour les sourds et malentendants et pour aveugles sera créé. Le but étant de mettre à disposition de ces publics des services de formations, d’interprétation, de sous-titrage ou encore d’audiodescription et de traduction en braille. Il faut répondre aux besoins d’autonomie de ses personnes (visites médicales, administratives ou autres, accompagnées d’interprètes, accès à la culture et aux loisirs). De même, nous porterons une attention particulière au respect de la loi de 2005, et à ses contraintes quant à l’accessibilité de la cité en général, espaces urbains, voiries, transports en commun, établissements recevant du public (obligatoire pour le 1er janvier 2015).

Pour conclure, notre vision de la démocratie nous engage à travailler avec l’important vivier associatif existant lié au handicap, riche d’expériences, d’expertises, de connaissances spécifiques, d’engagements humains des personnes handicapées elles-mêmes ou de leurs proches, c’est pourquoi je tiens à vous remercier, Monsieur le Président, pour cette sollicitation qui nous permet un premier dialogue, qui je l’espère se poursuivra avec la Commission d’Europe Ecologie – Les Verts en charge du Handicap.

Veuillez recevoir M. le Président mes sincères salutations

Eva Joly

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