JDE 2012 : Dix minutes sur un fauteuil roulant, pour comprendre
JDE 2012 : Dix minutes sur un fauteuil roulant, pour comprendre
Dix minutes sur un fauteuil roulant, pour comprendre
Les journées d’été d’Europe écologie les Verts (EELV), c’est un peu un monde à part. L’université estivale du deuxième parti de la majorité se déroule jusqu’à vendredi sur le campus de la faculté de droit de Poitiers. Dans les ateliers, on parle Europe, nucléaire, gratuité, territoires. Les militants argumentent, se fâchent, puis se réconcilient en éclatant de rire.
Les écolos, il faut bien le dire, sont parfois un peu barrés. Ainsi, les Verts ont-ils déjà aboli l’euro. Dans le vaste espace extérieur dévolu aux repas ne circule aucune monnaie. Pour se restaurer à l’un des nombreux stands proposant des « assiettes végétales », du fromage au lait cru ou des bières locales, le congressiste doit au préalable acheter des petits rectangles de carton qui ressemblent quand même beaucoup à des tickets de rationnement.
Vaisselle sale autour du cou. Autour du cou, les militants portent leur badge tenu par un long ruban vert, mais aussi un anneau en plastique rigide de couleur vive. Renseignement pris, ce n’est pas un bracelet, mais une attache pour maintenir l’unique verre en plastique que le militant aura le droit d’utiliser (sous peine d’en racheter un) au cours de son séjour. Résultat, on se balade pendant trois jours avec de la vaisselle sale autour du cou. Les guêpes adorent.
Pour se connecter, le système en vigueur sur le campus de Poitiers est incroyablement compliqué. Il faut choisir sur une feuille de papier punaisée au mur parmi les nombreux codes et mots de passe à entrer dans son ordinateur. Les combinaisons, particulièrement alambiquées, ne permettent pas de réussir à tous les coups. En comparaison, à l’université d’été du Medef, qui se tient chaque année sur le campus de HEC à Jouy-en-Josas, le code wifi est le même pour tous et ça marche instantanément.
Progresser comme un handicapé. Mais l’inventivité déployée par les Verts a aussi de bons côtés. Au milieu de la grande cour, à proximité d’un stand consacré aux panneaux solaires et de militants distribuant des tracts anti-OGM, on découvre un parcours agrémenté d’obstacles à franchir en fauteuil roulant. Chaque valide peut ainsi progresser quelques minutes comme un handicapé, et réaliser à quel point il est difficile de se mouvoir en ville lorsqu’on n’a que des roues pour cheminer.
Le parcours, élaboré par la ville de Poitiers à la demande de la commission « Handicap, écologie et citoyenneté » du parti, comporte 9 obstacles : un passage étroit, une petite bordure similaire à un « bateau » délimitant un passage piéton, une bordure moyenne et une grande qui correspond à un trottoir ou à l’entrée d’une boutique. Puis il faut tourner à gauche, rouler sur des pavés, monter une pente à 10%, redescendre et passer un petit dévers, tel un caniveau. La ville de tous les jours, quoi.
Se raidir sur le siège. « L’objectif est de faire prendre conscience des difficultés que nous rencontrons en allant faire une course ou en nous promenant », explique le Grenoblois Sébastien Rogez, membre de la commission. Le militant raconte en outre« les poubelles posées sur le trottoir, les lampadaires difficiles à contourner et les voitures garées sur les passages pour piétons ».
Pour un valide, doté de ses deux jambes en plein état de fonctionnement, le fauteuil roulant n’est pas facile à manier. Une fois installé, les deux pieds posés sur les cales, il faut d’abord apprendre à tourner, puis à avancer, en faisant glisser les mains sur le cercle en métal posé sur la jante. Pour franchir un obstacle, il faut placer les bras bien en arrière et donner toute sa force. On doit parfois agripper les roues elles-mêmes et placer le corps en arrière, avant de se raidir, pour simplement franchir une bordure. Inutile de dire qu’en situation réelle, mieux vaut porter des gants.
J’ai essayé plusieurs fois. Je n’ai jamais réussi à franchir la deuxième bordure, et encore moins la troisième. Le passage sur les pavés ne m’a en revanche pas posé de problème, même si « ça secoue pas mal », comme le souligne Sébastien Rogez. Pour la montée, il faut déployer un peu de muscle mais ce n’est pas infaisable. En revanche, impossible de redescendre sans se bloquer sur le rebord.
Duflot dans un fauteuil. Les Verts proposent un tel parcours au cours de leurs journées d’été depuis plusieurs années. « On voit passer des curieux, des géomètres, des urbanistes, des élus », raconte David Marais, président de la commission Handicap. Quelques uns des nouveaux députés EELV s’y sont déjà collés, pour voir, conscients que l’image d’un élu dans un fauteuil n’est pas considérée comme valorisante. Cécile Duflot, alors secrétaire nationale des Verts, a essayé, non sans mal, elle aussi. C’était à Nîmes en 2009. Voir les photos ici.
A voir, le site de la commission « Handicap, écologie et citoyenneté » d’EELV.
A lire ici sur le blog de Olivier Razemon à qui nous vous recommandons aussi la page facebook « La tentation du bitume ». Où s’arrêtera l’étalement urbain?