Réponses d’Eva Joly au questionnaire de L’information Agricole
Partager

Quelles idées portez-vous pour (re)dynamiser nos territoires ruraux (services publics, accès aux nouvelles technologies, emploi, tissu économique, foncier agricole…) ?

Nos territoires ruraux souffrent d’une chute de l’emploi et du nombre de fermes, conséquence des politiques agricoles tournées vers les productions de masse à destination de l’industrie agroalimentaire et de la grande distribution, comme ils souffrent de la restructuration du commerce et du repli des services publics. Redynamiser les territoires ruraux implique de relocaliser les productions et les échanges, soutenir les petites fermes et les circuits courts, recréer un tissu de services publics. Au niveau agricole, cela passe par une réorientation de la PAC.

La conversion écologique porte de formidables potentiels d’emploi non délocalisables pour nos territoires agricoles, avec 75 000 emplois créés d’ici 2020 grâce à : une refondation de la politique d’installation encourageant l’activité de nouveaux agriculteurs faisant le choix d’une autre agriculture et permettant de sortir des pesticides en une génération, une loi SRA sur le modèle de la loi SRU portant l’objectif de 20 % des surfaces en bio en 2020, l’investissement dans les énergies renouvelables, l’économie sociale et solidaire…

La redynamisation du tissu rural passe aussi par un soutien au logement social, à l’installation des professionnels de santé, aux petites unités de transformation, aux transports en commun innovants, au retour du commerce de proximité couplé à un moratoire sur la création de nouvelles grandes surfaces…

 

Dans un contexte économique international extrêmement concurrentiel, quelles solutions proposeriez-vous aux agriculteurs français pour gagner en compétitivité ?

La compétitivité sur les coûts de production et les volumes produits est très coûteuse en externalités sociales et environnementales, non durable, et risque à terme d’être une stratégie perdante face aux autres grands pays producteurs et avec l’évolution du cours du pétrole. Nous défendons un autre modèle : une agriculture résiliente, en accord avec l’environnement, adaptée au territoire, créatrice d’emplois. Nous proposons d’accompagner la transition du monde agricole vers l’agro-écologie, sur le modèle de l’agriculture biologique, via l’agriculture intégrée, la production européenne de protéines végétales, l’installation agricole et la diversification des productions locales. Cela implique une forte implication des pouvoirs publics, une réorientation des critères d’attribution des aides, de la recherche, de l’enseignement, de l’accompagnement agricole, de la gestion foncière.

Les pratiques environnementales, malgré les efforts réalisés, sont parfois montrées du doigt en agriculture, quelles politiques pour quels résultats ?

L’agriculture industrielle a considérablement contribué à la dégradation de l’environnement (érosion et problèmes d’écoulements, pollution des eaux et des sols, chute de la biodiversité…).

Les agriculteurs en sont les principales victimes en termes de santé, d’économie, d’image et de durabilité de leur profession. Malgré les espoirs suscités par le Grenelle de l’environnement, la politique actuelle est en réalité loin d’être à la hauteur des enjeux, en faisant tout pour détourner les réglementations et appliquer à minima les consignes environnementales européennes. Pour aller vers l’agro-écologie, nous préconisons un changement en profondeur à plusieurs niveaux, via un nouveau pacte entre agriculture et société.