Que peut faire un Conseiller régional EELV sur les sujets d’agriculture, de ruralité et d’alimentation ?
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Fiche : Que peut faire un Conseiller régional EELV sur les sujets d’agriculture, de ruralité et d’alimentation ?

Les recommandations de 3 conseillers régionaux

Idées et Recommandations de Bernard Péré, Conseiller régional d’Aquitaine, Président de la commission Agriculture, agroalimentaire, forêt, mer, montagne.

« Ses possibilités et ses marges de manÅ“uvre vont être guidées selon qu’il est vice-président, président de commission, délégué sur une problématique particulière ou conseiller régional sans responsabilités dans l’exécutif mais assurant des représentations et membre de commissions.

En ce qui me concerne j’ai présidé la commission agriculture, agroalimentaire, forêt, mer, montagne.

Informer, proposer, défendre pourrait être ma devise.

Mon premier objectif a été de donner à la commission agriculture un véritable rôle d’élaboration de propositions pouvant aboutir à des décisions et pas seulement une chambre d’enregistrement de décisions prises par les Services ou le Cabinet du président.

La commission qui s’est réunie au moins une fois par mois a été un lieu d’audition, de débat et de présentation d’initiatives ; c’est ainsi que j’ai fait intervenir Terre de liens, Les semences paysannes, le commerce équitable, l’association « SOS paysans », le pâturage tournant, Tematik eau, l’irrigation, Ecophyto, réduction des pesticides, prévention du suicide, programme européen Reverse, association régionale d’Agroforesterie, pour n’en citer que quelques structures et des réunions sur l’installation, l’AB, les zones vulnérables, l’agriculture de montage, l’aquaculture, les circuits courts etc. La douzaine d’élus membres de la commission ont ainsi pu se familiariser avec diverses questions sur lesquelles nous avons eu à prendre des décisions de soutien financier ou d’élaboration de règlements d’intervention et d’en présenter les enjeux écologiques et sociaux.

Par ailleurs comme la plupart des élus j’ai assuré des représentations dans les conseils d’administration de lycées agricoles ou autres, compte tenu de la compétence du conseil régional sur ces établissements et de l’importance d’en faire de véritable lieu de formation à l’agriculture écologique. La présence également au conseil d’administration et comité technique de la Safer m’a permis de mieux saisir les problèmes liés à l’accès au foncier pour les jeunes hors cadre familiaux et les profondes réformes de l’action des régions à opérer dans ce domaine en partenariat avec la SAFER et les association Terres de liens, Lurzaindia (au Pays Basque).

L’agriculture détermine notre alimentation, la qualité de l’eau, nos paysages, contribue à l’emploi en milieu rural.

C’est dire son importance pour élu écologiste. D’où les combats menés pour préserver des financements sur l’AB, les Semences paysannes par exemple, questions sur lesquelles nos collègues élus ne saisissent pas avec la même acuité les enjeux quand ce n’est pas une opposition ouverte à leur financement (élus de droite par exemple).

Désormais les régions gèrent les fonds (FEADER) du second pilier de la Politique agricole commune (PAC). Ils financent de nombreuses politiques dans le domaine de l’installation, de l’AB, et de diverses pratiques écologiques mais l’influence de lobbies nécessite une vigilance vigoureuse pour que la transition écologique reste une priorité. »

 

Expérience de Patrick Garnon, Conseiller régional PACA

« J’évoque ici ma courte expérience de conseiller Régional PACA sur ces sujets, et ma plus longue expérience administrative en la matière.

Il y a d’abord à considérer la situation politique globale dans laquelle on est. Pour faire court : majorité, c’est-à-dire aux affaires ou minorité. Les deux positions n’ont rien à voir, si ce n’est que dans les deux cas, il faut d’abord s’intéresser sérieusement à ces sujets, et sur la durée, si on espère apporter une vraie contribution politique. Dans ces deux domaines, l’à peu près, la superficialité et le y’a qu’à sont de vrais risques dont il faut se garder.

Si on est dans la minorité, on a d’abord une capacité politique, soit d’analyse et de proposition, soit de contestation des actes de la majorité. Il faut donc être présent dans les instances politiques ad hoc, au minimum commissions et plénières, et préparer à l’avance des interventions construites à cette occasion, interventions qui peuvent être le relais de forces vives que l’on soutient, ce qui suppose un lien construit avec celles-ci et une écoute, ou qui peuvent être la traduction politique des positions EELV sur le sujet, ce qui suppose qu’elles existent, de les connaître et de se les approprier. Pour faire sur ce dernier point, la meilleure méthode est de participer à la fois à la Com Agri et à la coordination des élus en charge des questions d’agriculture et d’alimentation, pour suivre l’actualité en la matière, s’inspirer des expériences des autres, proposer des solutions ou poser des questions.

Cela reste vrai dans la majorité, sauf que dans ce cas, on est théoriquement en charge de dossiers à gérer, et d’actions ou de politiques à définir et/ou poursuivre. La position est donc totalement différente, à la fois plus spécialisée, plus « gestionnaire », plus politique aussi parce qu’elle conduit à des négociations récurrentes avec les partenaires sur les priorités, notamment budgétaires, sur les objectifs et sur les politiques à conduire.

Dans cet esprit, quelques considérations et mises en garde :

  • D’abord agglomérer agriculture et alimentation est une vue de l’esprit, parce que, même si les deux sujets sont en rapport, il s’agit de responsabilités rarement rassemblées, et qui s’exercent sur des champs différents. Comme écologiste, on peut et on doit s’intéresser à l’alimentation quand on traite d’agriculture (mais pas seulement et loin de là, contrairement à des visions citadines trop fréquentes… !), à l’agriculture quand on traite d’alimentation (mais pas seulement si on pense à la santé, à la formation et la communication, à la restauration publique collective, etc..), mais ces deux domaines de responsabilités sont clairement distincts et ne font pas appel aux mêmes dynamiques et problématiques ; il y a une vraie erreur à confondre les deux, notamment en limitant l’approche de l’agriculture à la fourniture alimentaire de proximité des cantines scolaires et collectives, ce qui constitue une approche très utile concrètement, mais très limitée et réductrice des sujets agriculture et alimentation.

Pour ce qui est de la ruralité, la question reste différente. Je n’ai jamais vu ce thème constituer une responsabilité comme tel dans une Région, et de fait le sujet est plutôt dispersé dans une vision territoire ou aménagement du territoire avec des variantes. Si quelqu’un a ce souci comme élu, ce sera dans une vraie vision transversale où toutes les politiques doivent être passées au crible de 2 questions au moins :

  • Les critères sont il bien adaptés à la mise en Å“uvre de la politique en question dans le monde rural et son expression concrète dans la région (du genre vallées de montagne, territoire particulier genre massif forestier ou littoral mer ou eau douce, petite région géographique etc..) ?
  • Est-ce que les politiques conduites ne se traduisent pas par « tout pour la ville », ce qui est par exemple le cas dans ma région en matière de politique économique, ce qui accroît le déménagement du territoire et les difficultés des zones rurales, alors que les compensations « politiques » en termes d’aides par habitant s’exercent dans de tout autres domaines. Attention à ce sujet alors que les Régions auront compétence sur l’ensemble du territoire et feront face aux nouvelles métropoles, riches, dotées et par définition non rurales..

Dans le domaine alimentation , il faut associer nutrition, santé, qualité, proximité, culture (très important à mon sens par rapport à la diversité des produits), dont régimes différents selon ethnicité, religions et convictions (végétarisme..), éducation et communication, etc… ll y a largement de quoi faire dans des champs multiples, et notre apport écologiste spécifique doit justement être dans cette transversalité et cette cohérence entre des sujets apparemment assez éloignés et relevant en général de services et budgets différents. Quelques exemples de ce qui est possible :

  • Organiser avec les agriculteurs, si possible bio ou présentant des garanties de qualité des produits adéquates, de la fourniture de proximité des cantines scolaires et collectives dépendant de la Région. Cela est assez compliqué et dépend à la fois des ressources agricoles locales, de l’organisation de la commercialisation, des budgets et des moyens des cantines mais aussi des tous ceux qui travaillent dans ces domaines, jusqu’à la formation des personnels à l’usage des produits. Sans oublier le casse tête des appels d’offre marchés publics et de critères à respecter sur le sujet. Bref, il faut des objectifs clairs et des services en charge avec un plan de marche et des objectifs précis, et c’est ça le rôle de l’elu, d’animer et d’impulser, pas de faire lui-même
  • Monte des campagnes de communication ou des actions d’éducation sur une alimentation saine et de qualité, pas trop chère, de lutte contre le gaspillage alimentaire, d’apprentissage de la cuisine, de connaissance du circuit des aliments pour les jeunes, etc
  • récupération des invendus par les assos d’aide aux personnes en difficulté et épiceries solidaires
  • formation des métiers de bouche à une meilleure alimentation
  • animation des semaines du goût
  • travail sur ce qu’est une alimentation « écolo » et actions en conséquence auprès des métiers et publics concernés
  • mise en Å“uvre concrète des lois et textes alimentation santé ou inflexion de ceux qui ne vont pas comme l’obligation de viande dans les menus scolaires

Pour l’agriculture, ma conviction est que, compte tenu des évolutions politiques globales récentes et à venir, il faut d’abord s’interroger sur la pertinence de l’organisation des services de la Région. Alors que le transfert de gestion du 2è pilier de la PAC est en cours ( FEADER), que l’agro-alimentaire constitue à la fois une question et une activité de plus en plus visibles et souvent en crise (le lait et la viande en ce moment), que la bagarre politique sur ce champ s’élargit à la vision qu’on a des agriculteurs (paysans, familles, entreprises, etc..) et des modes de production ( agriculture spécialisée productiviste, « industrielle », production bio ou paysanne, etc..), que les sujets économiques, de santé, de biodiversité, de changement climatique ou de pression foncière et d’urbanisme et d’artificialisation des sols prennent de plus en plus de place, mais aussi d’emploi ou d’installation/cessation d’activité, statut des femmes, retraites agricoles et autres sujets sociaux d’importance, d’échanges extérieurs et d’exportation ( ah ! ce fameux « nourrir le monde avec 9 milliards d’humains en 2050 » qui fait dire un maximum de bêtises…), garder des services agricoles régionaux autonomes et donc isolés des grandes politiques qui traitent de toutes ces questions devient une vrai sujet et à mon sens un vrai handicap. Il faut donc mettre ces questions d’organisation sur la table, et dès le début de mandat. Pour moi, l’agriculture comme activité doit être incluse dans les services économiques globalement, sachant que les services environnement, énergie, climat, éducation et autres aménagement du territoire doivent pouvoir agir sur des sujets agricoles sans tabou ou chasse gardée. Le modèle de l’administration verticale imité de l’Etat a vécu et doit changer…

A côté de ces sujets de longue haleine, l’agriculture concerne énormément de thèmes divers, et l’action à conduire doit être sur la durée, à partir d’objectifs prioritaires clairs et affichés sans ambiguité (ah ! les mensonges par omission des socialistes… ou les flous significatifs qui n’aboutissent jamais à réalisation..). Cela concerne autant la recherche et le développement que l’investissement, la formation, l’urbanisme, l’économie, l’environnement sous de nombreux aspects, du soutien au bio à la lutte contre les GES agricoles, les techniques et procédés et notamment l’aide aux investissements vertueux comme les matériels de traitement thermique ou mécanique à la place des pulvérisateurs de pesticides ou les matériels liés au bien être animal, la dynamique des exploitations avec les installations, les départs et les transmissions, l’organisation économique et les filières, la diversification des exploitations agricoles et des filières, l’autonomie et les circuits courts (par exemple veiller à ce que les marchés paysans soient équipés en bornes électriques pour respecter la chaîne du froid, c’est très loin de ce à quoi on pense habituellement..), la biodiversité sauvage et domestique ( races, semences, variétés), la privatisation du vivant (OGM, clonage et autres), l’organisation sociale ( les fermes « intégrées » et industrielles) et économique etc.

Difficile de hiérarchiser dans ça ou de décider a priori ce qui est plus important. Sur l’agriculture, on ne peut pas tout faire et toute nouvelle politique prend du temps et a des effets dilués face à de nombreuses contraintes, ce qui demande de l’obstination et de la continuité. Il faut encore une fois se garder d’idées toutes faites si on n’a pas une grande expérience du secteur. Pour cela, la bonne solution pour un écologiste, c’est de rencontrer le maximum d’acteurs, s’appuyer sur des débats collectifs, convaincre sur les objectifs, mais être à l’écoute sur les moyens. Une des façons pour cela quand on est peu nombreux est d’animer les services en charge, de s’en faire des alliés et des relais autant que possible, mais dans le respect des rôles de chacun. En tout cas, c’est important face à la machine agricole dominante et très bien organisée des Chambres, syndicats, Crédit Agricole etc.. A mon sens, la seule façon d’être opérationnel sur ces thèmes est d’être à la fois ferme sur les orientations générales, et à l’écoute la plus active des acteurs de terrain et des réalités locales, de bien distinguer ce qui relève de l’intérêt général, celui de la société, et des intérêts particuliers quels qu’ils soient. Et sur ce dernier plan, sortir de l’ostracisme à la fois subi de la part des organisations agricoles « officielles » et mais aussi être actif à leur égard plutôt que de les ignorer ou les mépriser sans discernement. Le but n’est certes pas de convaincre Xavier Beulin et consorts, mais de s’adresser à la masse des agriculteurs paumés et sans avenir, pour tenter d’en définir un avec eux, pas malgré eux ou à leur place. Et pour ça, un certain nombre d’organisations telles qu’elles sont restent incontournables et il faut aller à leur rencontre, même souvent sans illusion. Certains y arrivent très bien, comme les copains qui initient des installations agricoles dans des conditions locales très variées et souvent complexes. A tous de s’inspirer de ces réussites dans des champs très variés pour avancer.

Et sans oublier de faire savoir ce qu’on a fait et réussi, tant nos « camarades » socialistes ont tendance, quand il dominent, à s’approprier les réussites et à renvoyer sur les autres les échecs… Mais là-dessus, les paysans ont l’avantage du concret, et de reconnaître ceux qui bossent par opposition aux « parlaïres » comme on dit chez moi.. »

Expérience de Michelle Rivet, Vice-présidente aux Projets de Développement rural en Région Centre Val de Loire

En écho au texte de Patrick, je dois être effectivement une des seules expériences de vice-présidente « ruralité », une vice-présidence transversale effectivement avec toutes les difficultés que cela comporte de se faire entendre et de travailler avec d’autres vice-présidences et à l’intérieur du secteur lui-même transversal de l’aménagement du territoire, occupés par des non écolos…

Les actions mises en place sont de l’ordre de l’animation du territoire et d’aide à la ruralité :

  • évolution du cadre de l’aide aux espaces publics des villages autour des espaces de vie, du respect de la biodiversité (Dispositif CÅ“ur de village)
  • utilisation maximale du Réseau Rural
  • et surtout mise en place du dispositif « ID en Campagne » (ID pour initiatives de Développement) qui mobilise 10% de l’enveloppe de chaque Contrat Régional de Pays

Il donne des moyens, humains en particulier, d’explorer des pistes de développement adaptées à chaque territoire, originales, voir atypiques, favorisant la citoyenneté dans les domaines économique, social et environnemental. Une ID en Campagne doit réunir des acteurs de différents horizons autour d’un objectif partagé. Concrètement chaque ID en campagne comporte un ou plusieurs « micro-projets » convergents, portés par des acteurs différents. Plus d’une centaine d’initiatives sont en cours aujourd’hui : par exemple des espaces tests agricoles (maraichage bio, pastoralisme de Val de Loire..), des mises en place diverses de circuits courts ou de restauration collective en bio, la valorisation de ressources oubliées (cheval percheron, osier, chanvre…), mais aussi des jardins partagés, des épiceries sociales, de l’écoconstruction pour des familles en difficulté, du tourisme de nature, des projets culturels mélangeant les publics, les thématiques, en lien avec l’agriculture…

Des exemples concrets ici : http://www.regioncentre-valdeloire.fr/accueil/ma-region-et-moi/une-chance-pour-tous/territoires/initiatives-id-campagne.html#carte-id-campagne

Je vous renvoie aussi au bilan que le groupe a fait: http://fr.calameo.com/read/0009951066e44679a23bc

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