Projet d’extension d’élevage industriel dans l’Allier
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Enquête publique relative au projet d’extension de l’élevage industriel bovin et porcin du GAEC de Roover à Limoise.

Monsieur le Président de la commission d’enquête, Madame, Monsieur les Membres titulaires de la commission Mairie 03320 LIMOISE

Madame, Messieurs,

Si techniquement le type d’élevage hors-sol intensif pratiqué par le GAEC de Roover est réalisable il est par contre ingérable au point de vue de ses conséquences sur l’environnement. Alors que tous les clignotants de la planète sont dans le rouge il serait particulièrement risqué de poursuivre dans cette voie (qui s’avère être une impasse) en favorisant l’extension de cette structure.

Petit rappel : entre 1950 et 2007, la productivité du travail agricole a été multipliée par 26, (Paysans, le retour Hervé Kempf), cela signifie qu’un agriculteur produit vingt-six fois plus aujourd’hui qu’il y a soixante ans. Ce calcul oublie de prendre en compte « les dégâts collatéraux » de cette évolution stupéfiante : érosion ses sols, pollutions des nappes phréatiques, perte de la biodiversité, maltraitance envers les animaux, utilisation de masses énormes de pesticides et d’antibiotique (dont on connaît maintenant les conséquences sur la santé des humains). Il devient essentiel de réduire ces effets externes qui ont un coût caché pour la société très important. Cela veut dire travailler la terre autrement, y apporter plus de soin, se réapproprier les règles de l’agronomie, donc réduire la productivité apparente du travail agricole et au final, augmenter l’emploi paysan. Allons- nous diminuer le nombre de chômeurs reparti dramatiquement à la hausse, en fabriquant encore plus de voitures, d’avions, d’emballages ? Poser la question c’est y répondre. Il est temps de freiner cette course à la productivité et à l’agrandissement, où seuls les plus riches s’en sortent, les autres disparaissent ; 500 000 agriculteurs aujourd’hui, 5 fois moins qu’il y a trente ans pendant que les jeunes ne trouvent pas de terres pour s’installer, des campagnes désertes, des agriculteurs au désespoir…. Pour preuve, le GAEC de Roover a acquis 200 ha supplémentaire sur la commune de Franchesse ! Il faut cesser de considérer l’espace agricole comme une simple réserve à l’expansion en ignorant les effets environnementaux de l’agriculture ultraproductiviste. Le GAEC de Roover justifie l’extension de 90 à 190 de son cheptel de vaches laitières avec la suppression, à l’horizon 2015, des quotas laitiers « pour résister au marché libre » et passer ainsi à une production de lait annuelle de 1 500 000 litres (contre 780 000 aujourd’hui). Cette concentration de la production aura alors pour conséquence la disparition de petits producteurs ; bel exemple de « solidarité » des agro-industriels envers les paysans !

Quant à l’extension de l’élevage porcin (+ 12 %), il voit sa justification au travers l’évolution de la réglementation concernant le « décloisonnement des truies » qui, à partir de 2013 passeraient en groupe avec un espace de 2,25 m², ce qui leur permettra tout juste de se retourner et de faire quelques pas durant une partie de l’année. Toutefois, rien ne changera pour la période de mise bas et d’allaitement, ces braves animaux retourneront dans leurs cages ! Il faut aussi préciser la crise régulière que subit la filière porcine en mode de production industrielle, ceci compensé par les aides publiques (voir à ce sujet les 33 millions d’euro octroyés à la filière début avril par le gouvernement). Dans ce contexte, l’avenir pour les paysans, le consommateur, l’environnement ne se situerait-il pas plutôt du côté des modes de production en label rouge et biologique (porcs sur paille, plein air), ceci conforté par les orientations définies dans le cadre des travaux du Grenelle de l’Environnement ».

Plus précisément à propos de ce projet :

1. Les médicaments administrés aux animaux : le dossier reconnaît le peu d’études sur leur devenir (notamment les antibiotiques) dans le milieu naturel ; une étude sur ce sujet devrait compléter le dossier quand on sait que 70% des antibiotiques vendus en Europe vont aux animaux d’élevage. Combien et quels types de médicaments sont utilisés, le terme « raisonnablement » ne correspond pas à la réalité des élevages intensifs hors-sol.

2. La loi pour la protection des porcs (Directive 1991 L0630 consolidée du 05/06/2003) oblige à donner du matériel à manipuler tels que paille, foin, sciure, compost, tourbe… et interdit de sectionner les queues de manière systématique, cette pratique ainsi que la castration étant très répandues dans les élevages sur caillebotis, le dossier d’enquête ne dit rien à ce sujet. Comment cette loi sera-t-elle mise en œuvre dans le cas présent ?

3. Elevage intensif : réservoir à virus ! La concentration d’animaux présente un risque important d’introduction de maladies graves comme la grippe porcine dont la mutation du virus entraine désormais un risque potentiel grave pour les humains. En 2004, le très sérieux Bulletin de l’Académie vétérinaire de France faisait le constat du développement de la grippe du porc en France, depuis les années 2000, en particulier dans les élevages de Bretagne, où la densité porcine est la plus élevée. Est-ce bien raisonnable, de reproduire les mêmes erreurs dans le Bourbonnais en acceptant de voir se développer ce type d’élevage au mépris des conséquences sanitaires ?

4. Les lisiers, bovins et porcins, dont le volume annuel atteint 15 690 m3 est abusivement présenté comme apport organique qu’il suffirait d’épandre sur les terres agricoles afin d’en assurer la fertilité. Il s’agit en réalité d’un mélange de déjections, d’eaux de lavage, de détergents, de résidus de produits phytosanitaires, médicamenteux et traitements divers : un déchet industriel qui, une fois épandu sur les sols est la cause de pollutions organique et chimique et de la disparition des vers de terre, agents fertiligènes des sols. En matière de déchet industriel, la loi de 1975 fait obligation à tout producteur ou détenteur de les éliminer ou les faire éliminer dans des conditions satisfaisantes, ce qui n’est pas le cas pour cette installation. A titre de comparaison, les volumes de lisier produits sont l’équivalent d’une ville d’au moins 20 000 habitants, qui n’aurait pas de station d’épuration et déverserait le tout sur le territoire de sa commune ou chez ses voisins !

5. « Gagner la bataille de l’alimentation en eau potable », « Amélioration de la qualité des eaux de surface, préservation de l’écosystème… ». Ces orientations du SDAGE, portées au dossier d’enquête ne deviendraient-elles pas surréalistes au vue des quantités de lisier répandues chaque année sur les communes de Limoise, Couzon, St Léopardin d’Augy, Pousy-Mésangy, Franchesse et cela quant bien même d’hypothétiques plans d’épandage seraient respectés ! Un comble, la commune de St Léopardin est même définie comme zone vulnérable aux nitrates ! En quoi les communes limitrophes, parcourus aussi par de petites rivières et ruisseaux posséderaient-elles des sous-sols différents ? Pollution des eaux par les nitrates assurée, alors qu’en France nous avons une exigence fixée par la DCE (directive cadre sur l’eau), adoptée par l’Union européenne en 2000, qui est d’atteindre le bon état chimique et biologique des eaux en 2015 : il est plus qu’urgent de stopper les pratiques agricoles polluantes à l’heure où 73 % des eaux de surfaces sont polluées et 57 % des eaux souterraines….

6. Circonstance aggravante, les énormes quantités de lisier produits seraient évacués à l’aide d’une tonne à lisier de 22500 litres (poids à vide 11 t), en charge environ 35 t auquel il faut ajouter le poids d’un tracteur, (10 t), soit une charge totale de 45 t. Sachant que 700 rotations seront nécessaire pour évacuer annuellement les 16 000 m3, on peut facilement imaginer les conséquences sur la dégradation des chemins communaux et routes départementales……. dont la remise en état sera assurée par la collectivité ! Le tassement des terres cultivables, par les passages répétés de tels engins n’est pas abordé dans le dossier.

7. Contribution climat énergie : l’agriculture représente près de 20 % des émissions de GES (gaz à effet de serre), répartis en trois grandes familles, CO2 (dioxyde de carbone), CH4 (méthane), N2O (protoxyde d’azote) ; ce dernier représentant à lui seul 56 % des émissions agricoles est lié à l’épandage des engrais azotés associé au processus de dégradation dans les sols, au tassement des sols (travaux et engins agricoles lourds) ainsi qu’à la gestion des déjections animales. Le plan climat énergie, pour répondre aux enjeux climatiques devra prendre en compte l’ensemble des émissions de GES et en particulier celles induites par l’agriculture : ce point devrait être abordé dans le dossier présenté par le GAEC de Roover.

Voilà, Monsieur le Président de la commission d’enquête, Madame, Monsieur, les membres titulaires de cette commission, les principales observations formulées au nom du groupe local des Verts autour de Moulins ; je vous demande de bien vouloir les prendre en compte dans l’avis que vous êtes appelé à donner sur ce dossier.

Enfin je terminerai en vous rappelant que des formes d’élevages alternatifs à l’intensif existent, cela s’appelle les vaches à l’herbe ou encore des cochons bien élevés dans des bâtiments sur paille et sur sciure (matières disponibles dans la région, mais non extensible pour le portefeuille des agro-industriels), ce qui permet de produire :

  • sans odeur,
  • avec 2/3 de moins de nitrate dans les déjections,
  • avec 2/3 de moins d’ammoniaque dans l’atmosphère,
  • un porc de meilleure qualité parce qu’il vit dans des conditions saines,
  • un porc qui coûte moins cher, car les investissements sont diminués, les frais vétérinaires moindres.

 

Des études scientifiques ont été menées, démontrant l’avantage de ces élevages… Alors pourquoi les décideurs professionnels, agricoles, administratifs continuent-ils de promouvoir le modèle intensif hors-sol, économiquement dans une impasse et provoquant une inéluctable dégradation de l’environnement ?

Veuillez, agréer, Madame, Messieurs, l’expression de mes respectueuses salutations.

Bessay le 21 juillet 2009

Gérard MATICHARD Porte-parole du groupe local des Verts

Les Verts autour de Moulins, 6 route de Neuilly-le-Réal 03340 BESSAY tél : 04 70 43 06 28