Les objectifs originels de la PAC sont en partie obsolètes. D’autres objectifs ont été ajoutés aux premiers, sans cohérence. Il est urgent de définir des objectifs cohérents, de créer des liens entre les différents domaines de la PAC et de supprimer les objectifs obsolètes. Mais aussi d’assurer une nouvelle légitimité à la PAC, et pour cela la refonder sur les attentes de la société à l’égard de l’agriculture. La PAC doit être redéfinie de manière concertée par rapport aux rôles de l’agriculture en matière de production, d’emploi, de préservation des ressources naturelles, des espaces et de la biodiversité, d’aménagement du territoire, de vie sociale et de développement rural..
Les errements de la PAC ont conduit l’agriculture européenne dans une impasse économique et environnementale (disparition des petites fermes au profit d’unités industrielles, circuits commerciaux ultra-centralisés, concentration des unités hors-sol et recours systématique à la chimie aux conséquences fortes sur la biodiversité, développement de l’élevage intensif induisant de la souffrance, contribution majeure à l’effet de serre…). Cette politique a également eu des conséquences au niveau mondial, et notamment sur les agricultures des pays du Sud, affaiblies et maintenues dans un sous-développement du fait du dumping direct et indirect.
Les approches socio-économiques et environnementales ne devraient pas être pas concurrentes mais complémentaires. La prochaine réforme de la PAC doit réaffirmer cette double entrée.
La politique agricole et alimentaire européenne doit être ambitieuse et basée en particulier sur les principes suivants :
- L’autonomie alimentaire européenne humaine et animale, dans le cadre d’un « modèle alimentaire européen » marqué par une très grande diversité des terroirs et des produits. La surproduction spéculative n’a pas sa place dans une activité comme l’agriculture : l’agriculture européenne peut produire mieux sans mettre en danger l’équilibre alimentaire européen ou mondial.
- Un revenu stable et décent pour les agriculteurs et les agricultrices. Via des outils et des mécanismes de régulation qui s’opposent à la volatilité croissante des marchés, mais aussi via la reconnaissance des divers rôles de l’agriculteur face à la société. Cela passe d’abord par une protection efficace à l’importation ainsi que par le développement de l’innovation et la promotion de relations loyales entre les partenaires des filières.
- Un défi environnemental. La PAC, comme politique publique doit inciter l’agriculture européenne à prendre en compte la protection de l’environnement, le changement climatique et le bien-être animal, la qualité de l’eau de l’air et des sols. C’est la préservation même du potentiel agricole qui est en jeu. Des dispositifs forts et attractifs doivent inciter les agriculteurs à faire évoluer leurs pratiques et leurs systèmes. Il faut en même temps prendre garde à ne pas imposer de nouvelles normes conçues pour l’agriculture industrielle dont les modalités sont souvent aberrantes pour l’agriculture paysanne, en contradiction avec les objectifs 5 et 6 ci-après.
- La sauvegarde et l’extension de la biodiversité doivent constituer un principe en soi. Comme activité biologique, l’agriculture travaille avec des espèces vivantes et a une influence majeure sur la situation, l’environnement et l’évolution de ces espèces, comme elle bénéficie de l’activité et de la diversité de ces espèces.
- Une cohésion sociale et territoriale. L’agriculture peut contribuer de façon importante au maintien et à la création d’emplois : à ce titre, il importe d’assurer un soutien particulier aux structures de taille artisanale.et aux pratiques agricoles et types de productions reposant sur l’emploi plutôt que sur le capital ou les surfaces de terre disponible
- Un maintien des paysages ruraux. Via une préservation paysagère et architecturale mais également un soutien clair aux initiatives évitant ou limitant la spécialisation régionale et en encourageant au contraire la polyvalence et la cohérence agronomique entre cultures et élevage.
La PAC doit viser la sécurité alimentaire et une sécurité sanitaire des aliments (non confondue avec l’industrialisation et l’uniformisation), la préservation de l’environnement et des paysages, l’équilibre des territoires et la diversité des exploitations. Cela a un coût : c’est en impliquant l’ensemble des citoyens dans la définition de la PAC que nous garantirons une volonté collective d’y engager les moyens budgétaires nécessaires.
En termes d’instruments, des paiements directs aux agriculteurs sont utiles pour compléter le revenu des agriculteurs dont le coût de production est supérieur au coût de production le plus bas de l’UE-à 27, à condition de respecter les bonnes pratiques nécessaires. Ensuite pour rémunérer les externalités positives supplémentaires rendues à la collectivité et les biens publics assurés par l’agriculture. Ces aides devraient être allouées au niveau des régions, selon des critères définis localement mais strictement encadrées au niveau communautaire pour éviter les dérives laxistes. Des mécanismes de régulation des marchés doivent être maintenus, créés ou réaménagés. Des aides ponctuelles aux changements de pratiques peuvent être imaginées, pour préserver des territoires à haute valeur naturelle, pour ménager des parcelles portant un enjeu environnemental particulier ou pour compenser les frais inhérents à la conversion en agriculture biologique. Un soutien particulier peut être instauré pour les petites exploitations à faible foncier ou à fort apport en emplois. Aucun type de production ne doit être oublié des dispositifs : le maraîchage ou l’arboriculture nous concernent autant que l’élevage ou les grandes cultures.
Enfin, la PAC doit être gérée de façon démocratique, et non plus de cette façon technocratique, en comités multiples accessibles à toutes les influences, qui, malgré les inflexions affichées au cours du temps, maintiennent depuis trop longtemps les objectifs périmés et les déséquilibres les plus flagrants.
Eté 2010
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