L’agriculture urbaine comme composante de la stratégie alimentaire métropolitaine
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Fiche thématique : L’agriculture urbaine comme composante de la stratégie alimentaire métropolitaine

Comprendre les enjeux

Une pratique urbaine récente mais en plein essor

L’agriculture urbaine regroupe des formes variées d’agriculture localisées en ville ou à sa périphérie, dont les usages et les fonctions sont majoritairement liés à l’espace urbain : produits agricoles, fourniture de services, utilisation de ressources (eau, foncier, déchets verts…). Elle peut se différencier de l’agriculture périurbaine qui compose la ceinture maraîchère traditionnelle des villes notamment par sa localisation intra-urbaine et par des relations plus étroites avec les ressources urbaines utilisées pour produire.

Cette activité est aujourd’hui en plein essor, si l’on observe la multiplication des initiatives citoyennes, le véritable engouement de porteurs de projets désireux de créer une activité porteuse de sens ou encore le plébiscite de nos concitoyens pour les produits locaux et le besoin de réintroduire la nature en ville.

Depuis près d’une décennie, l’agriculture urbaine, plutôt bien structurée outre-Atlantique, s’exporte et se développe de façon continue en France. D’une forme principalement non professionnelle ayant notamment émergée autour des jardins associatifs, elle devient progressivement le vecteur d’une autre occupation partagée de l’espace public et de l’urbanisme durable, en plus de ses fonctions initiales d’autoconsommation (mouvement des incroyables comestibles…).

Elle se transforme même en activité professionnelle et marchande autour de projets à vocation économique allant des systèmes techniques les plus simples aux plus sophistiqués.

Longtemps cantonnée à la sphère du loisir, l’agriculture urbaine est ainsi devenue un enjeu aussi bien environnemental, qu’économique ou social porté par les initiatives citoyennes et les politiques publiques qui se structurent progressivement. Elle propose une vision renouvelée de la ville, où le végétal reprend ses droits sur le minéral, et répond à la nécessité de rendre nos villes résilientes, capable de résister aux chocs climatiques et énergétiques, plus autonomes sur le plan alimentaire, plus favorables à la biodiversité, tout en permettant d’offrir des débouchés économiques et professionnels pour des porteurs de projets.

Les politiques publiques de développement de l’agriculture urbaine étant aujourd’hui principalement cantonnées à l’échelle des grandes métropoles (exemple du plan parisien de développement de l’agriculture urbaine, avec un objectif de 33 ha à Paris d’ici la fin de la mandature), il existe un enjeu déterminant pour les Conseil Régionaux de se saisir de cette problématique et de dessiner une politique ambitieuse de développement de l’agriculture urbaine, comme activité d’intérêt collectif s’inscrivant dans une multifonctionnalité écosystémique (environnementale, sociale, économique, paysagère, etc.).

Des enjeux alimentaires et sociaux

En (Re) localisant une production agricole au plus près des lieux de vie de nos concitoyens, l’agriculture urbaine répond à de grands enjeux sociaux et sociétaux qui intéressent au premier plan les Conseils Régionaux :

  • Elle permet d’intégrer une relocalisation de la production agricole au plus près des zones de consommation et participe à une véritable résilience alimentaire, dans un contexte global de fragilisation des ceintures vertes maraîchères périurbaine
  • Elle introduit dans les espaces urbains une notion de saisonnalité et de rapport au vivant (rapport à la nature, rapport à l’animal…) à même de favoriser la prise de conscience des habitants et des citoyens des grands enjeux agricoles et environnementaux de demain
  • Elle permet de lutter contre le fléau de l’obésité et de la malbouffe, en ciblant notamment des projets à l’attention de publics fragiles et démunis
  • Elle permet de sensibiliser à la thématique du gaspillage alimentaire de façon concrète pour les habitants
  • Elle permet de renforcer les liens sociaux et réinventer une nouvelle forme de vivre ensemble autour d’une société du partage et de la coopération, au travers de la dimension symbolique de l’agriculture
  • Elle réinterroge les notions d’urbanisme durable et d’espaces de vie plus qualitatifs

Des enjeux écologiques

La réintroduction du végétal en milieu urbain favorise la biodiversité et répond aux grands enjeux climatiques de demain :

  • L’agriculture urbaine permet de mettre en place un maillage de biodiversité cultivée autour du concept de végétalisation comestible, pouvant par ailleurs combler les déficits en espaces verts et favoriser les espèces endémiques et les pollinisateurs
  • Elle permet de recycler et de valoriser une partie des bios déchets en compost, en fonctionnant en système en boucle ferme (les sous-produits de consommation sont utilisés comme intrants pour la production)
  • Elle peut jouer un rôle déterminant dans la gestion des eaux pluviales
  • Elle revalorise les paysages urbains, par la plantation d’arbres fruitiers comestibles et d’espaces jardinés en ville
  • Elle permet d’apporter des réponses concrètes aux problématiques de climat urbain et de réduction des ilots de chaleur en ville
  • Elle a un impact sur la fixation du carbone par les sols et permet de lutter contre l’imperméabilisation démesurée
  • Elle permet de cultiver des productions saines et de qualité, dans un contexte d’industrialisation de l’agriculture
  • Elle peut s’inscrire dans la dynamique de micro-ferme de permaculture, en créant un agrosystème local vertueux

Des enjeux économiques

En valorisant des toits, des délaissés urbains, des espaces publics aujourd’hui dédiés au tout voiture (places de parking, trottoirs)…l’agriculture urbaine rend productif de nouveaux espaces, permettant de créer des emplois et de favoriser des innovations économiques et sociales :

  • Il s’agit d’une activité locale, qui utilise les ressources locales et produit pour une population locale
  • Elle permet de créer de nouvelles activités professionnelles et des emplois non délocalisables, autour d’un modèle économique basée sur la production agricole mais aussi sur un développement important d’activités annexes qui permettent de compléter le modèle économique : ateliers pédagogiques, prestations de services, services de conseil…
  • Elle permet de valoriser des espaces non utilisés pour créer des activités innovantes et de l’emploi, y compris sur des sols pollués par confinement des pollutions et mise en place de cultures sur bac et gouttières
  • Elle peut permettre de dynamiser l’agriculture périurbaine, en créant des liens fonctionnels autour de vitrines de ventes et de la mise en valeur productions locales et de saison à l’échelle régionale

Points de vigilances

  • La production hors-sol ne peut être labellisée BIO, or la majorité des productions d’agriculture urbaine se font en hors-sol.
  • Pour être productive sur de petites surfaces, les projets d’agriculture urbaine à vocation professionnelles s’inscrivent quelquefois dans une course à la productivité: productions sous serres intensive, consommatrices de produits phytosanitaires, utilisation de substrats non durables (fibre de coco, tourbe…), dépendance aux ressources fossiles pour chauffer les bâtiments, productions hors-saisons… (L’exemple des Lufa Farm à Montréal, souvent cité en exemple par les acteurs, permet de produire des tomates en hiver au travers d’un bilan énergétique contesté)…

La commission Agriculture et Ruralité d’EELV souhaite valoriser l’agriculture urbaine en résonance aux propositions d’EELV sur l’agriculture autour d’un modèle respectueux de l’homme et de l’environnement, se traduisant par une production locale et de saison, durable et répondant notamment aux mêmes exigences que le cahier des charges biologique, utilisant des substrats organiques durables et s’inscrivant dans une économie circulaire vertueuse.

  • L’agriculture urbaine souffre aujourd’hui d’un problème de reconnaissance de son statut particulier.

Au plan juridique, l’exercice de cette activité en milieu dense urbain se révèle très largement ignoré par le droit. De façon non exhaustive :

Au niveau de l’urbanisme, il s’agit de pouvoir autoriser les cultures de produits alimentaires au sol, en toiture, en façade et à l’intérieur des bâtiments et décloisonner les zonages urbains/naturels/agricoles

En termes d’autorisations sanitaires, il s’agit par exemple de pouvoir autoriser l’élevage urbain (apiculture, pâturage, pisciculture) et la transformation de la production locale

Si elle a vocation professionnelle, se pose la question de l’obtention du statut agricole : sans ce statut, il n’est pas possible de vendre des productions ni de bénéficier de la couverture sociale agricole et du droit aux aides, or les porteurs de projets doivent faire preuve de la capacité agricole, ce qui est rarement le cas, et pouvoir prétendre à l’Activité Minimale d’Assujettissement définie dans le cadre du schéma régional des structures agricoles, ce qui risque de provoquer des tensions avec la profession agricole toute tendance confondue

  • Même si certaines études ont prouvé qu’il y avait peu de marquage de pollution des productions en milieu urbain (programme POTEX), cette question doit être abordée de façon centrale en amont de tout projet

Nos propositions d’actions pour les Conseils Régionaux:

  • Soutenir par appel à projet le financement des projets locaux d’agriculture urbaine à vocation expérimentale, à destination du secteur associatif, des collectivités locales, grands propriétaires fonciers, gestionnaires, architectes-urbanistes, de porteurs privés… (exemple de l’appel à projet « végétalisation innovante » de la ville de Paris) – jardins, introduction des animaux en ville, champignons dans des containers…
  • Engager des programmes de Recherche-développement sur l’agriculture urbaine sur les questions environnementales, économiques, de statut…
  • Créer une commission régionale de l’agriculture urbaine, comme espace de gouvernance partagée entre les porteurs de projets, les collectivités locales et institutions, le monde de la recherche, les acteurs du monde agricole et rural… afin de relier agriculture urbaine et agriculture régionale et créer un espace collaboratif
  • Créer des formations qualifiantes « Agriculture urbaine » en lien avec les Lycées agricoles, les centres de formation (CFPPA), les chambres d’agriculture et les GAB, pour obtenir la capacité agricole ou une formation équivalente et développer un accompagnement technique des porteurs de projet
  • Cartographier à l’échelle régionale les espaces susceptibles d’accueillir des activités agricoles urbaines (délaissés, friches, espaces pollués, toits…)
  • Décliner l’agriculture urbaine comme composante clé de la Trame Verte et Bleue des Schémas Régionaux de Cohérence Ecologique
  • Intégrer l’agriculture urbaine dans les Plan Régionaux d’Agriculture et d’Alimentation Durable pour intégrer l’agriculture urbaine au sein du système alimentaire régional
  • Intégrer l’agriculture urbaine au sein des futurs Schéma Régionaux des Structures Agricoles
  • Former les habitants et les jardiniers à la réalisation de jardins collectifs et partagés
  • Initier et soutenir un programme de récupération des déchets organiques urbains pour les recycler en compost en lien avec les collectivités locales et les EPCI
  • Ouvrir certains financements complémentaires des Programmes Régionaux de Développement Ruraux à l’agriculture urbaine*
  • Développer sur les nouveaux projets de Lycées des toits accueillant de l’agriculture urbaine pour impliquer les élèves
  • Expertiser la possibilité d’une rémunération pour services écosystémiques rendus par les projets d’agriculture urbaine

*(même si les PDR sont validés, un avenant pourra modifier à la marge cette ouverture des aides)

 

Pour aller plus loin :

-Christine Aubry. L’AGRICULTURE URBAINE, CONTRIBUTRICE DES STRATEGIES Alimentaires des mégapoles, mai 2013 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00805185/document

-Maylis Desrousseaux et Lucile Stahl, « L’appréhension de l’agriculture urbaine par le droit français », Géocarrefour, 89/1-2 | 2014, 65-73 https://geocarrefour.revues.org/9475

– Anne Cécile DANIELLE – mai 2013, Aperçu de L’AGRICULTURE URBAINE, EN EUROPE ET en AMERIQUE DU NORD

file:///C:/Users/ltyburce/Downloads/Apercu+de+l’agriculture+urbaine+en+Europe+et+en+Am%C3%A9rique+du+nord%20(2).pdf

-Antoine LAGNEAU, Marc Barra et Gilles Lecuir : Agriculture urbaine : vers une réconciliation ville-nature (Le Passager Clandestin). Avril 2015

« Cultivons la ville », conférences sur l’agriculture urbaine organisées par la Mairie de Paris

http://www.acteursduparisdurable.fr/agenda/retrouver-la-nature/cycle-cultivons-la-ville

 

 

 

 

 

 

 

 

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