H5N8 : L’Europe tente d’isoler des foyers de grippe aviaire
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Article paru dans Le Monde d’hier.

L’Europe tente d’isoler des foyers de grippe aviaire
Des élevages de volailles en Allemagne, aux Pays-Bas et en Grande-Bretagne sont touchés par le virus H5N8

Bruxelles veut agir vite pour éviter la multiplication des foyers de H5N8, un virus de la grippe aviaire particulièrement virulent, avec des risques de contamination humaine. Lundi 17  novembre au soir, la Commission européenne a donc annoncé la mise en place de mesures d’urgence pour stopper la propagation de cette souche, connue depuis trois ou quatre ans en Asie, qui débarque pour la première fois en Europe.

Début novembre, un premier élevage de 30 000 dindes était touché en Allemagne, près de la frontière polonaise. Samedi 15  novembre, les autorités néerlandaises ont averti qu’un élevage de 150 000 poulets, au centre du pays, dans l’une des régions les plus denses d’Europe en matière de volailles, était affecté à son tour. Dimanche 16 novembre, les Britanniques faisaient savoir à Bruxelles qu’un élevage de 6 000  canards était aussi contaminé.

La Commission a confirmé, lundi, que des mesures restrictives venaient d’être prises aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, en vertu de la directive adoptée en  2005 pour lutter contre l’influenza aviaire : abattage des oiseaux dans les exploitations affectées et établissement de zones de confinement, impliquant l’interdiction de sortie de viande, d’œufs, de matériel agricole, de déjections animales, dans un rayon défini en fonction de la densité d’exploitations alentour. Des mesures similaires avaient été annoncées pour l’Allemagne, le 6  novembre, où selon la Commission,  » la situation est stabilisée « .

Les Néerlandais sont allés plus loin, en décrétant, dimanche, un  » gel  » complet des exploitations dans le pays, interdisant toute circulation de poules et d’œufs jusqu’à nouvel ordre.  » Ils veulent éviter un nouvel épisode épidémique comme celui de 2003. A l’époque – il s’agissait d’une souche H5N7 – , il avait fallu abattre 25 millions de poulets, et un vétérinaire était mort « , indique une source européenne.

Des études sur les foyers identifiés sont en train d’être menées par le laboratoire européen de référence, à Weybridge, près de Londres. En l’état actuel des informations,  » le virus H5 au Royaume-Uni est probablement identique au H5N8 trouvé aux Pays-Bas et en Allemagne « , selon la Commission.
Risque de mutation

Concernant la manière dont le virus a pu être transmis, Bruxelles penche pour une contamination par des déjections de cygnes sauvages, porteurs sains du virus, en pleine migration du nord vers le sud de l’Europe.  » On ne serait pas étonnés que d’autres foyers apparaissent, en Belgique et en France, sur le trajet des oiseaux migrateurs « , prévient la Commission.

Reste que le risque de pandémie est très faible. Bien que  » hautement pathogène  » pour les volailles, la souche H5N8, qui sévit surtout en Chine et en Corée du Sud, n’a jamais été transmise à l’homme.  » Les pays européens touchés ont les moyens de juguler les foyers épidémiques, ajoute Vincent Enouf, virologue et responsable adjoint du Centre national de référence des virus influenza de l’Institut Pasteur. Il faut néanmoins continuer de les surveiller.  »

Des précautions d’autant plus importantes que le H5N8, à l’image des dizaines de souches de la grippe aviaire, peut muter et se transmettre un jour à l’homme, entraînant des complications graves (pneumonies, hypoxémie), voire mortelles. Ce fut le cas pour le H5N1, qui a provoqué près de 400 décès, surtout en Asie du Sud-Est, depuis son apparition en  2003, et pour le H7N9, qui a tué plus de 170 personnes depuis 2013.  » Les personnes infectées ont été au contact des animaux, dans des environnements avec des quantités de charges virales élevées dans l’air. C’est notamment le cas en Chine, où les éleveurs dorment avec leurs volailles, rassure Vincent Enouf. Et aucune souche de grippe aviaire ne s’est transmise d’homme à homme. Il ne faut donc pas céder à la psychose.  »

Cécile Ducourtieux et Audrey Garric
© Le Monde