Boite à outils se voulant utile dans le cadre des diverses campagnes électorales, quelques réponses précises à des questions précises.
Mots-clefs : Quotas laitiers – Découplage des aides – Régime de paiement unique – Répartition des aides – Conditionnalité des aides – Aides directes – Développement rural
1 – Que pensez-vous de la suppression progressive des quotas laitiers ?
Pas mal d’aspects différents. Sur le fond, la suppression des quotas laitiers en 2014 est une mesure libérale qui va conduire à la concentration de la production laitière dans certains bassins déjà surchargés en productions animales, avec les graves conséquences environnementales que l’on sait. La gestion française (quotas liés au sol, non vendables, attribués par bassins), même si elle n’avait pas empêché la concentration globale de la production ( 380 000 livreurs de lait lors de la mise en place, 90 000 aujourd’hui) l’avait freinée et permis le maintien de l’activité dans les zones de montagne et défavorisées. Sauf pour les laits transformés en fromages d’appellation dans le Jura et les Alpes du Nord, ces zones sont gravement menacées pour l’avenir. Enfin, le prix du lait, qui avait pas mal augmenté depuis début 2008, risque fort de baisser fortement à la production en avril prochain, au point que tous les syndicats agricoles demandent la suspension de la hausse de 1% des quotas prévue en 2009…
2 – Que pensez-vous du découplage des aides ? Pour quelles raisons préférer le régime de paiement unique ?
Le découplage est positif dans le sens où n’incite pas à faire du rendement. Il faudrait arriver à un paiement unique quelle que soit la production (comme en Allemagne) sans les baser sur des références historiques bien sûr (qui favorisent toujours les mêmes) et soumis à de vraies conditions environnementales graduelles pour stimuler l’agro-écologie.
LE découplage des aides est une mesure adoptée sous l’influence de l’OMC, qui a qualifié hypocritement les aides non liées à la production directement d’autorisées (« boîte verte »), celles liées à la production étant interdites ( « boîtes rouge et orange »). L’attribution de ces aides sur une base historique et maintenues telles que aujourd’hui encore (moyenne des aides 2000/2002) engendre une injustice absolue au profit des gros agriculteurs et des céréaliers, et même le ministre a reconnu que cette position n’était plus défendable. Le plan bilan de santé commence à corriger dans le bon sens les choses, mais à la marge par rapport à l’injustice de fond. Enfin, l’attribution à la surface entraîne d’autres effets pervers, comme l’encouragement à l’agrandissement des exploitations au détriment de l’installation de jeunes.
3 – Quel nouveau mode de répartition pronez-vous ?
Des aides échelonnées, selon le système qui a été mis en place en Suisse dans les années 90 :
- les agriculteurs ne respectant pas aides conditions environnementales minimales n’auraient pas droit aux aides PAC, les autres auraient accès aux aides PAC, mais avec un montant réduit,
- les agriculteurs respectant un niveau un peu plus fort d’exigences environnementales bénéficieraeint d’aides plus importantes,
- les agriculteurs respectant un niveau plus fort encore (dont les critères pourraient être : pas plus de 30% du chiffre d’affaires consacré aux intrants y compris alimentation du bétail, et 10% de la SAU en zones de régulation écologique bénéficieraient d’un montant d’aides plus élevé encore, et clairement incitatif,
- les agriculteurs certifiés en agriculture biologique disposeraient du montant d’aides à l’hectare maximum.
Les propositions de la commission agriculture dans le programme « Européennes » :
Une répartition équitable des aides
La PAC doit corriger les différences entre les zones les plus fertiles et les régions où la pratique agricole est plus difficile. La répartition des productions sur l’ensemble du territoire est nécessaire pour éviter les concentrations d’élevages hors-sols et leurs corolaires, les pollutions des sols et des eaux.
La répartition des primes sera redéfinie pour soutenir le maintien et la création d’emploi. Le nombre de personne travaillant sur une exploitation agricole sera pris en compte dans le calcul des soutiens reçus tandis que les fonds alloués aux exploitations les plus importantes seront réduits. L’agriculture paysanne, les exploitations de polyculture-élevage seront favorisées afin de retrouver un équilibre agronomique indispensable pour améliorer les sols fragilisés par l’érosion. Une limite sera fixée pour la taille des élevages. Les unités industrielles au dessus de ces seuils ne percevront plus d’aides publiques.
4 – Un transfert de fond entre le budget des aides directes et celui du développement rural est prévu : est-ce une bonne chose ? Qu’aurait-il fallu faire ?
Oui c’est une bonne chose de transférer du pilier 1 au 2 globalement, mais le plus important est ce qu’on fait dans chaque et la façon dont c’est géré, et là, il y a beaucoup à dire…
Oui c’est une bonne chose dans la mesure où plus de fonds sont consacrés à une agriculture correspondant globalement plus aux attentes de la société ; cependant le 2ème pilier (développement rural) implique un cofinancement national. Ce qu’il aurait fallu faire ? Ce qui est indiqué au dessus : avoir un mode de répartition des aides qui favorise l’agro-écologie partout.
5 – Une conditionnalité des aides à des critères environnementaux est mise en place : est-ce suffisant ?
C’est un des points qui avaient conduit certains écologistes peu au fait des choses à approuver la réforme de 2003. Le problème est complexe.
D’abord la définition de ces conditions à une échelle communautaire entraîne leur impuissance, parce qu’elles sont toujours définies pour les exploitations les plus dégradées d’Europe, ce qui fait que ça ne pose pas de vraies conditions à la grande majorité des autres. Pour tourner ça, on les a en partie défini localement, mais ça conduit à une usine à gaz peu contrôlable, et au bout, au laxisme.
Et surtout, péché originel, comme la conditionnalité est mise en œuvre en France de façon non démocratique par un ministère de l’Agriculture aux ordres du syndicalisme agricole majoritaire, elle reste très peu contraignante… et ne change pas les pratiques condamnables.
Enfin, tout le reste de la PAC conduit à aggraver les dégâts de l’agriculture sur l’environnement, ce qui fait que ces mesures sont vaines.
P. Garnon, S. Feuillette, mars 2009