Appel de Saint-Pern : pour une agriculuture alimentaire
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Début février René Louail et Yannick Jadot ont lancé d’une ferme familiale qui élève, transforme et commercialise une production porcine l’Appel de Saint-Pern. Petit écho spontané des médias bretons mais l’appel fait son chemin dans les réseaux agricoles et environnementaux bretons.

 

 Une agriculture bretonne à terre !

Nous constatons chaque jour l’agonie de la terre bretonne sous les effets de l’agriculture intensive, des mauvais traitements infligés à ses sols et à ses cours d’eau. Ces dix dernières années, le monde agricole et l’industrie agro-alimentaire de l’Ouest ont perdu près de 30% de leurs emplois. Cet immense plan social, qui n’a jamais dit son nom, a vidé les campagnes aussi sûrement qu’il a accentué le chômage, la précarité des emplois et la misère. La faute à  une logique économique infernale qui a transformé certaines fermes « usine » en entreprises d’import/export, qui pousse à produire plus tout en vendant chaque fois moins cher, qui transforme le paysan en manœuvre de ses fournisseurs/clients auquel il est lié par des contrats léonins.

La malbouffe commence aussi dans nos fermes ! Paradoxe dans un pays où la demande des consommateurs pour une agriculture de proximité produisant des produits sains ne fait que croître !

Un système à bout de souffle qui récupère les bonnets rouges

Cette demande toujours croissante d’une alimentation de qualité et respectueuse de l’environnement est ignorée au profit des intérêts d’une minorité d’agro-industriels, sans oublier la question des salaires et des emplois : le système agro-industriel breton repose sur des emplois sans qualification, qui bénéficient d’exonérations de charges sur les bas salaires. Ce système interdit toute évolution professionnelle, entretient une précarité sociale et ne permet pas le développement socio-économique de la Bretagne. Cette organisation du travail ne garantit aucune stabilité des emplois et n’assure pas un avenir durable à cette filière régionale clé.

Ce modèle économique, est à bout de souffle, il a été voulu par les gouvernements successifs depuis 30 ans, construit par et pour  les géants de l’agro-alimentaire breton : Glon, Doux, Gad, Cooperl, Tilly et quelques autres. Ceux-là même qui, avec le soutien du MEDEF et de la FNSEA, ont su utiliser le débat sur la taxe poids lourds et le bonnet rouge des combats populaires bretons, pour cacher leur responsabilité dans la crise actuelle et attiser les braises d’un feu qu’ils avaient eux-mêmes allumé au fil des ans et de leurs profits.

Loin d’être spontanées, les mobilisations contre les portiques routiers ont été orchestrées à grand renfort de communication, de pressions, avec le support d’organisations très structurées qui se gardaient bien d’apparaitre en première ligne. Ces manœuvres d’intimidations, spectaculaires et violentes, qui avaient une faconde de révolte populaire, ont suffi à faire plier un gouvernement déjà très à l’écoute du lobby agro-alimentaire.

Détounement de Fonds !

Face aux lobbys agro-alimentaires, le gouvernement se refuse à engager la transition du système agricole mortifère et détourne une partie des fonds européens pour au contraire le renforcer. Ainsi, en détournant une partie du Fonds Européen Agricole pour le Développement Rural (FEADER) outil de développement des territoires et de protection de l’environnement au profit des grands élevages et des productions industrielles, il encourage l’extension des élevages et productions industrielles. D’ailleurs, au même moment, il supprime les autorisations pour l’extension des élevages porcins Maintenant, les fermes-usines porcines pourront continuer de s’agrandir sans procéder à la moindre étude. Un pur scandale.. On peut s’intérroger sur le pourquoi de ce nouveau décret, quand on sait l’impact désastreux sur la qualité des eaux et la santé des citoyens bretons.

Pacte d’avenir : retour vers le passé

Ce n’est pas le « Pacte d’avenir », qui va réformer ce système. Présenté à grand renfort médiatique à Rennes mi-décembre, doté de 2 milliards d’euros, ce pacte n’est qu’un agrégat de dispositifs existants avec pour conséquence principale de rediriger près d’un milliard d’euros issu des Fonds européens, des contrats de plan État-Région ou encore des collectivités locales pour financer le système actuel et accélérer la concentration et le gigantisme des exploitations Il laisse les petits paysans et les jeunes sur le carreau !

L’avenir se regarde dans le rétroviseur du passé.

Ces mesures n’arrêteront pas la crise du modèle agricole breton ! Car, à Bruxelles, les très influants lobbys agrico-alimentaires mènent la bataille contre une PAC  plus juste, plus écolo et plus redistributive pour les petites exploitations.

En faisant échouer le plafonnement des aides agricoles aux plus grosses exploitations, les députés conservateurs et de nombreux socialistes, leur ont offert un cadeau de plusieurs centaines de milliers d’aide d’euros par an alors que les petites fermes continueront à recevoir des miettes. Au moment où nous traversons une crise économique et sociale sans précédent cette décision est amorale, cet emploi des fonds sont toxiques.

Un cocktail explosif

Pire encore, se négocie, dans la plus grande opacité, un projet d’accord de libre-échange avec les Etats-Unis qui aura de graves impacts sur une agriculture européenne déjà aux mains des puissants lobbys agro-alimentaires. La mise en compétition des exploitations d’Europe et d’Amérique du Nord aura pour conséquence de renforcer la concentration des exploitations, faisant disparaitre des pans entiers de l’agriculture européenne, notamment l’agriculture de proximité et paysanne. Avec cet accord, nous risquons de voir le nivellement par le bas

de nos systèmes de protection sanitaire, sociale et environnementale. Bientôt, vous pourrez déguster des céréales OGM, du bœuf aux hormones ou encore de la viande chlorée…enfin vous n’aurez peut-être plus de choix de ce que vous mangerez ! Tout cela au nom de la libre-concurrence et d’un libéralisme conquérant.

Parmi les obstacles qui se profilent n’oublions surtout pas dans nos régions du grand ouest le devenir de la flilère laitière qui connaitra en 2015, avec la suppression des quotas, la plus grande crise de son histoire. Personne ne se risque à l’anticiper…

Tous les ingrédients sont réunis pour un cocktail explosif, qui pourrait laisser exangue l’agriculture européenne, sauf pour les plus grandes exploitations !

Pour toutes ces raisons les crises que connaît l’agro-alimentaire dans le grand-ouest réapparaitront dans les mois et les années à venir si d’autres vois ne sont pas explorées, d’autres solutions mises en  œuvre.

Retrouver l’intérêt général

C’est pourquoi, depuis de nombreux mois, nous, représentants politiques, syndicalistes agricoles et salariés, associations environnementales, acteurs économiques proposons des solutions pour transformer le système agricole actuel en un système enfin tourné vers l’intérêt général !

Le modèle agricole que nous voulons a pour but de garantir la souveraineté alimentaire des européens, par des produits de qualité, de protéger les travailleurs de la terre et d’assurer le renouvellement des ressources naturelles dont nous dépendons pour vivre.

Face au carcan de la co-gestion FNSEA/Gouvernements, les solutions que nous portons seront européennes ou ne seront pas. Nous voulons un glissement de la Politique Agricole Commune vers une véritable Politique Alimentaire Européenne. C’est pourquoi, nous demandons une révision de la PAC à mi-parcours, donc dès 2017, car le contexte de crise l’exige et tant il est évident que le PAC qui vient d’être mise sur les rails ne pourra aller à son terme : amplification des crises agricoles, impact des accords de libre-échange, réchauffement climatique…autant de causes qui rendront presque obsolète la PAC tel qu’actuellement conçu. Plus de souplesse dans le système nous permettrait de l’adapter en fonction des changements de situations.

En finir avec les aides toxiques

Pour construire un modèle agricole créateur d’emplois, il est nécessaire de remettre à plat les politiques agricoles, tant européennes, nationales que locales. Finissons-en avec ces aides, qui sous prétexte d’aider les filières, les enfoncent un peu plus dans les crises. Finissons-en avec ces aides toxiques qui servent, le plus souvent,  à faire de la spéculation foncière, des placements boursiers ou encore des achats injustifiés de matériel et équipement divers fabriqués ailleurs.

Une nouvelle impulsion pour l’agriculture est indispensable.  Les paysans, les salariés et le monde rural, demandent une construction collective des décisions à venir. Il ne s’agit pas du tout, en temps de disette financière, de demander des moyens supplémentaires mais de veiller par cet appel à ce que se réunissent autour d’une même table les représentants des citoyens, les syndicats de salariés et agricoles, les associations environnementales et de consommateurs et les acteurs économiques afin d’agir ensemble pour une agriculture qui place l’humain et l’environnement au cœur d’une politique alimentaire européenne.

L’appel que nous lançons s’inscrit dans un calendrier précis, la mobilisation va se dérouler pendant toute la campagne des élections européennes et nous souhaitons mettre en place une initiative citoyenne européenne (http://ec.europa.eu/citizens-initiative/public/how-it-works) qui sera soutenue et défendue au Parlement européen par le Groupe des Verts/ALE.

Pour la première fois depuis la création de l’Union européenne, nous proposons  un  nouveau contrat entre agriculture et société, sur la base d’une mobilisation citoyenne puisque chaque citoyen-contribuable contribue à hauteur de 100€/an à soutenir une agriculture qui ne correspond pas à ses attentes.Un montant qui peut être doublé, avec le concours d’aides nationales.

Définir les priorités d’une plotique agro/alimentaire

Voilà pourquoi nous proposons que, dès 2017, 50% de cette masse financière soit destinée:

–       à soutenir la demande intérieure, via la restauration collective à partir de produits de qualité. Donc, par effet induit, de l’emploi non délocalisable sur toute la filière

–       à soutenir l’installation en agriculture biologique et durable afin de satisfaire la demande intérieure

–       à soutenir l’encouragement à l’autonomie protéique, afin de mettre fin au pillage des pays en voie de développement.

–       à soutenir les outils de transformation de produits alimentaires de dimensions humaines afin d’assurer traçabilité, sécurité et sureté alimentaire

–       à soutenir le maintien d’agriculture sur tous les territoires européens et non principalement dans les bassins les plus fertiles

L’Europe au carrefour des décisions

Pour que ce dispositif puisse être mis en œuvre, nous demanderons que le parlement et la commission européenne se positionnent clairement, sur :

–      Le retrait de l’alimentation de l’OMC et qu’une instance au sein de l’ONU définisse le cadre des échanges des produits agricoles et alimentaire au niveau international

–      Le plafonnement des aides à l’agriculture aux 50 premiers hectares sur la base d’un cahier des charges précis intégrant les critères sociaux et environnementaux, réservé aux productions alimentaires

–      L’autonomie en protéines au sein de l’U.E.

–      Une protection douanière à l’échelon européen efficace et dissuasive

–      Une politique foncière au sein de chaque État membre

La pression est forte sur le gouvernement mais, répétons-le, le Pacte pour la Bretagne, en ce qu’il recycle des solutions qui ont prouvé de longue date qu’elles ne marchaient pas, n’apporte aucune réponse aux crises de l’ouest.

Par ailleurs, la Loi d’Avenir, si elle comporte d’ores et déjà un certain nombre de points positifs : création du contrat alimentaire territorial, promotion de la conversion à l’agriculture biologique, reconnaissance du rôle des territoires dans la politique agricole, comporte un certain nombre de points en suspend qui nous paraissent urgents de régler : claire définition des enjeux et process énergétiques, méthanisation et agro carburants ; un travail de fond sur l’azote reste indispensable pour solder le contentieux des marées vertes tout comme une position tranchée sur l’usage des pesticides et sur les propostions qui leur sont alternatives.

Au final, la société civile dans son ensemble, d’où émane cet appel souhaite être impliquée activement dans les décisions agricolo-agricoles qui concernent certes les paysans au premier chef mais aussi l’ensemble de la société.