Agroécologie et non labour : cache sexe de la généralisation des agrotoxiques et des brevets ?
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A grand renfort de publicités enrobées d’écologie, le non labour est soudain présenté comme la recette miracle capable de réconcilier productivité et environnement. Qu’en est-il ? S’agit-il de la productivité d’une alimentation saine ou des bénéfices des firmes semencières et agrotoxiques ?
Sans interdiction des herbicides et des semences empoisonnées aux insecticides, ce non labour nous prépare une catastrophe écologique et sociale de grande ampleur.

Le non labour préconisé par les firmes et très largement pratiqué dans les champs repose sur l’utilisation d’un herbicide total pour préparer le semis, suivi d’un herbicide sélectif après semis, ce qui est tout autre chose que le « un peu d’herbicide » annoncé dans les publicités. Et les semences sont la plupart du temps enrobées d’insecticides tueurs d’abeilles chargés de maîtriser les pathogènes que ces pratiques agricoles anti-écologiques installent dans les champs. Seule une toute petite poignée d’agriculteurs français pratiquent aujourd’hui le non labour sans herbicide : c’est techniquement possible, mais la publicité ignore totalement leur expérience.

Aux USA, après 10 années de généralisation du non labour promus par les OGM tolérant aux herbicides, plus de 500 000 ha sont envahis d’adventices devenues tolérantes aux herbicides et retournent à la friche. En France nous n’avons pas pour l’instant d’OGM étiquetés tolérants aux herbicides. Nous avons mieux : des OGM cachés. Les tournesols, maïs et les colza sont rendus par mutagénèse tolérants aux mêmes herbicides que le blé : près de 10 millions d’ha sont recouverts de cultures tolérantes au même herbicide sélectif !

Ces plantes tolérantes aux herbicides sont brevetées : au moment où la publicité des firmes semencière et agrotoxiques veut les généraliser dans tous de les champs au nom de l’agro-écologie, le Parlement européen vient de voter un nouveau brevet unitaire européen qui interdit aux agriculteurs de réutiliser la moindre semence contenant leurs gènes brevetés. Et comme si cela n’était pas suffisant, le Ministre de l’agriculture annonce vouloir appliquer la loi sur le Certificat d’Obtention Végétale à laquelle il s’est opposé avant d’être au gouvernement : cette loi oblige les agriculteurs qui réutilisent les semences non encore brevetées de 21 espèces « dérogatoires » à payer une Contribution Volontaire Obligatoire aux firmes semencières, et interdit toute réutilisation des semences pour les autres espèces.

Transportés par les semences, les insectes ou le vent, les gènes brevetés envahiront en quelques années tous les champs, y compris ceux des paysans qui sélectionnent leurs propres semences. Privés du droit d’utiliser et d’échanger leurs propres semences, tous les agriculteurs seront définitivement soumis aux semences commerciales et aux pesticides toxiques associés. Le temps de travail agricole économisé par les herbicides leur sera chèrement facturé en semences et pesticides : comme leurs collègues américains, ils seront contraints de trouver un emploi complémentaire à la ferme pour gagner leur vie, ou de faire faillite pour rejoindre les rangs des chômeurs et des précaires.

Nous ne voulons pas de cette agro-écologie anti-écologique. Seules les agricultures paysannes et biologiques peuvent nourrir la planète en respectant les sols et l’environnement et en rémunérant des paysans nombreux.

Guy KASTLER, 18 décembre 2012