Interview de René Louail présent le 11 mars à Pleyber-Christ

René Louail, sera présent lors d’une réunion sur l’agriculture le 11 mars à Pleyber-Christ dans le cadre de la campagne des élections départementales. Conseiller régional EELV, syndicaliste paysan, ex-porte-parole de la Confédération paysanne (avec José Bové) de 2000 à 2004, coprésident de Coordination Européenne Via Campesina, René Louail a accepté de se livrer au petit jeu de l’interview.

 

René, comment juges-tu l’agriculture en Bretagne à ce jour ?

Années après années, l’agriculture régionale se concentre. La dualité des systèmes s’organise avec d’un côté une agriculture façonnée par l’agro-industrie, pour d’hypothétiques parts de marché à l’international, et de l’autre, une agriculture de qualité supérieure, répondant à des marchés de proximité. Les aides à l’agriculture façonnent autant le développement de ces schémas antagonistes que le comportement des consommateurs. A nous de trouver les bons moyens pour que convergent des dynamiques de territoires positives. Nous devons tirer les enseignements du fiasco de certains groupes agroalimentaires régionaux pour construire un tissu économique solide et inverser la tendance à l’emploi dans nos régions de l’ouest.

Quels sont les effets des crises agricoles ?

Difficile d’appréhender en détail l’ampleur des effets des crises structurelles que traversent l’agriculture bretonne. En premier lieu, le secteur de l’élevage gravement concerné. Bien que les situations individuelles soient très disparates, l’évolution de l’endettement amène progressivement une perte considérable d’indépendance vis à vis des acteurs économiques et rend le métier de moins en moins attractif. En 2009, le nombre d’installations a chuté de plus de 20%. Après le séisme en production laitière, c’est aujourd’hui le secteur porcin qui prend le relais. Les raisons sont bien identifiées : surproduction structurelle, conséquences de la suppression progressive des outils de gestions des marchés, baisse permanente de valeur ajoutée à la production (baisse de 1%/an depuis 1998 pour atteindre le seuil de 15% au niveau régional, le plus bas des régions françaises).

René-LouailQuelles sont les priorités pour faire évoluer le modèle agricole ?

La question de l’artificialisation des sols et de la répartition des terres agricoles pour une autre destination, moins intensive, est une urgence. Portons l’installation « d’utilité publique », c’est à dire en consacrant les aides à l’agriculture pour sa réorientation. Il faut arrêter la mise en place des fermes usines s’approvisionnant, pour partie, en protéines OGM d’importation.

Je propose de conserver la moitié des aides plafonnées aux 50 Ha premiers ha. La seconde moitié pourrait être consacrée au soutien à l’alimentation de qualité, via la restauration collective. Un moyen de créer de l’emploi, de la valeur ajoutée et de se protéger des futurs accords transatlantiques. Une démarche « gagant-gagant » qui pourrait être portée lors d’une révision à mi-parcours de la Pac dès 2017.

Il faut progresser vers la maîtrise publique du foncier et de l’usage des sols. La population bretonne augmente de plus de 30 000 personnes par an et la question de la répartition spatiale de la population devient cruciale. Il est donc important de mettre fin au déménagement des campagnes et d’y maintenir de l’activité et des services publics. Il faut également soutenir les pratiques agricoles biologiques et paysannes en doublant le budget consacré à l’agriculture et en réorientant les aides. Nous devons aussi conforter la liberté de cultiver sans OGM acquise en Bretagne et refuser que des produits OGM entrent en Europe par nos ports. Nous atteindrons progressivement notre autonomie en protéines végétales pour nourrir les élevages grâce à une politique agricole solidaire des autres peuples du monde. Il n’est plus acceptable d’importer annuellement 4 millions et demi de tonnes de soja en Bretagne, (50 millions en France) qui proviennent en partie de pays touchés par la faim. Il s’agit aussi de sensibiliser et d’éduquer à une alimentation plus équilibrée et moins carnée. L’agriculture conventionnelle est fortement financée par ailleurs par les aides de la politique agricole commune (PAC), alors que 2 660 paysans n’ont pas du tout d’aides de la PAC cette année, et elle peut bénéficier d’économies d’échelle.

 

Comment le Conseil départemental du Finistère peut s’investir dans cette transformation écologique ?

Nous savons tous que les budgets dédiés à l’agriculture dans les départements sont limités. Par contre, dans le cadre d’une dynamique régionale, avec les autres départements bretons, des priorités pourraient êtres données avec la régionalisation du second pilier de la Pac. Un arsenal important de mesures pourraient accompagner cette dynamique.

Autre élément important, les conseils départementaux siègent auprès des Safer et dans les commissions d’orientation de l’agriculture. La nouvelle « alliance agricole » que nous avions enrichi de nos propositions en 2011 devrait avoir un relai au sein des départements. Pour l’instant ça manque d’harmonie. La place des élus EELV dans ces assemblées est une urgence pour booster ces assemblées.

Le nombre d’exploitations agricoles diminue. Le nombre de paysans bénéficiant du RSA explose. De nombreux jeunes ne trouvent pas de terres pour s’installer. Il faut préserver les terres agricoles pour préserver l’agriculture, rapprocher les paysans des consommateurs et leur permettre de vivre dignement de leur travail tout en étant les acteurs de la protection de l’environnement. Cela passe par l’installation des jeunes, avec les dispositifs régionaux, les communes et le département. Il faut aussi intervenir contre l’artificialisation des surfaces agricoles pour permettre une agriculture de proximité. Car il s’agit de rapprocher les paysans des consommateurs. Le Conseil départemental, peut le faire en encourageant les circuits courts de distribution pour un échange équitable entre les producteurs qui voient ainsi leur revenu augmenter, et les consommateurs pour qui la qualité du produit est garantie. Enfin, pas d’OGM dans les champs, ni dans l’alimentation humaine, ni dans celle du bétail. La lutte contre les OGM se déclinera sur la politique agricole du département, mais aussi sur la politique d’approvisionnement (restauration collective) dans le cadre des marchés publics.

 

   
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