Session du 27 septembre : Christophe Porquier présente le SPEE

Sur la création d’un Service Public de l’Efficacité Energétique en Picardie

M. PORQUIER : Je vais déjà pouvoir répondre à certaines de vos questions, sans doute. Ce qui nous est proposé, ici, est très innovant et nous le portons.

Il faut souligner que les régions sont aujourd’hui en pointe sur ces questions touchant à l’efficacité énergétique et aux énergies renouvelables. Aujourd’hui, la Picardie, avec cette délibération, a un vrai rôle d’innovateur en matière d’ingénierie de financement et d’accompagnement des publics.

C’est très important, parce que nous avons de grandes orientations qui sont définies au niveau européen, national mais aussi local avec le Schéma régional climat-air-énergie que nous avons adopté ici même et qui prévoit une réduction de nos consommations d’énergie et de gaz à effet de serre. L’objectif de facteur 4 correspond à un facteur 2 en termes d’économie d’énergie et il prévoit de diviser par deux nos consommations d’énergie. C’est cet objectif qui a été validé par le Président de la République, le week-end dernier, à la Conférence environnementale.

Maintenant, quant aux objectifs très vertueux que nous devons atteindre pour lutter contre le changement climatique, parce que cela a des répercussions sociales, économiques et environnementales désastreuses, si nous ne faisons rien, concrètement, sur le terrain, nous ne pouvons y parvenir sans le chaînon manquant. Comment fait-on pour réhabiliter l’ensemble du parc de logements ?

Il y trois types de parc :

  • le parc du logement social : un nombre limité d’opérateurs, plutôt des grands ensembles et du financement public. C’est le référentiel logement porté, notamment, par Béatrice Lejeune, qui a été à l’oeuvre au sein de la politique régionale pour s’adresser à cette partie du parc,
  • le parc tertiaire, pour lequel il y a eu des opérations pilotes, et on attend d’ailleurs un certain nombre de décrets qui doivent arriver sur le tertiaire, qui est une autre problématique,
  • le parc privé, qui connaît des situations extrêmement différentes :
    • le neuf, comme vous l’avez dit, avec la réglementation des normes thermiques existantes, et là, on a déjà des normes exigeantes,
    • le parc ancien, avec l’effort de réhabilitation et une multiplication de situations : des personnes qui ont les moyens, d’autres qui sont en précarité, d’autres qui dépensent beaucoup d’argent mais qui peuvent tomber demain dans la précarité car leur budget d’énergie ne cesse d’augmenter, avec des logements privés et des logements en copropriété.

Il s’agit bien, d’une diversité de situations auxquelles il faut répondre.

Aujourd’hui, un propriétaire qui veut essayer de rénover son logement doit aller lui-même trouver des artisans. Il est confronté à cette offre pour laquelle il doit trier entre des artisans qui sont efficaces et d’autres qui le sont moins. Il doit avoir une expérience technique pour savoir ce qu’il faut faire pour l’exécution des travaux, mais quelquefois, il ne l’a pas. Enfin, il doit se débrouiller lui-même pour contracter un prêt auprès de la banque.

Un ensemble de dispositifs existe aujourd’hui pour y répondre : des aides de l’Etat, des crédits d’impôt, etc. Mais quand on fait un prêt à taux zéro, par exemple, la différence entre le prêt accordé par la banque sur le marché classique et le prêt à taux zéro, c’est de l’argent public qui est dépensé. Aujourd’hui, c’est un système de tiers financement qui permet de rassembler des crédits et d’emprunter de l’argent à un taux beaucoup plus avantageux, par exemple auprès de la banque européenne d’investissement. Il y a là un effet d’échelle qui peut être intéressant.

Est-ce que cette solution va marcher ? C’est ce que cette expérimentation permettra de vérifier et c’est pourquoi l’objectif est de partir sur 2 000 logements, ce qui est déjà assez ambitieux en soi pour voir comment s’adapter aux différents types de situation et comment la mécanique fonctionne pour répondre à cette diversité qui existe sur le terrain.

 

Les objectifs doivent-ils être audacieux ? Vous évoquez des travaux ambitieux et le risque qu’ils soient dépassés demain. Non. Au contraire, c’est si on ne fait rien qu’il y aura un problème ! Parce qu’une personne seule court le risque de faire des mauvais travaux ou bien seulement une petite partie et, demain, il ne lui sera pas possible d’y revenir pour les achever. L’accompagnement va permettre de bien diagnostiquer la façon de le faire dans ces logements, et de façon optimale, pour avoir les économies d’énergie attendues. Si nous ne faisons pas les travaux nécessaires au début, le modèle économique ne tiendra pas puisque les économies d’énergie sont à intégrer dans le calcul. Il est donc important d’avoir des travaux qui répondent aux objectifs de départ. C’est un premier point.

Il y a également un gisement d’économies d’énergie qui existe, aujourd’hui, et qui doit être entièrement utilisé si nous voulons atteindre le facteur 4 et le facteur 2 en termes d’économie d’énergie. Cet objectif en termes d’économie d’énergie et de qualité doit être en adéquation avec la qualité de la prestation des artisans. C’est pourquoi, l’effort porté par la Région sur la formation, qui est au sein de la politique sur le contrat de branche dans le bâtiment, ou porté sur les plates-formes du bâtiment dans les CFA et lycées professionnels, est important.

Un label reconnu label Grenelle de l’environnement, cela reste un label. Ce n’est pas très contraignant. Il faut évoluer vers une certification. La formation répondra à un certain nombre de critères qui auront été définis et qui répondront à un certain nombre de critères de qualité garantie.

Aujourd’hui, le chapeau « Grenelle de l’environnement » recouvre une diversité de situations. Cela va être les pros de l’efficacité énergétique, les éco-artisans, le label Qualibat ou encore différentes certifications qui n’ont pas toutes les mêmes exigences et qui ne proposent pas toutes la même procédure. Sur ce point, il faut que nous ayons les mêmes critères d’appréciation pour que la qualité attendue des travaux s’appuie sur la qualité des prestations des artisans.

 

[…]

 

M. PORQUIER : Nous avons plusieurs objectifs là-dessus : la réduction des objectifs climatiques et énergétiques et aussi l’enjeu économique sur le territoire. L’expérience qui a été menée précédemment avec le prêt « avantage isolation » était une aide générale avec des conditions bancaires insatisfaisantes car trop coûteuses, avec à terme un risque d’effet d’aubaine. En l’occurrence, nous rationalisons considérablement les conditions financières dans lesquelles cela se passera.

Deuxième volet : le territoire. Si la phase d’expérimentation concerne un nombre limité de territoires, c’est pour mieux être en phase avec la notion de développement local, pour cibler les territoires concernés et proposer un appel à manifestation d’intérêt auquel ils répondront. Ainsi, l’offre des artisans sera en adéquation avec l’enjeu des travaux, travaux qui devront être massifiés. L’enjeu est bien celui-là : concentrer les travaux dans le logement privé. Il faut prendre les choses par le bon bout et commencer à mettre un pas devant l’autre.

C’est ce que propose le lancement du service public de l’efficacité énergétique en Picardie.

Vous doutez de la coordination avec l’État ; je tiens donc à vous rassurer. Le travail mené en coordination avec l’Association des régions de France s’ajoute à d’autres dispositifs du même type. Par exemple, en Ile-de-France, une société d’économie mixte est consacrée à la réhabilitation des copropriétés, problématique particulière à l’Ile-de-France. Ici, nous avons à traiter, comme l’a dit le Président, le logement diffus, notamment en zone rurale ou périurbaine. Nous avons donc cet outil qui peut répondre à la diversité des situations. J’ai du mal à comprendre votre cheminement qui consiste à dire : « On n’en fait pas assez, mais là, on en fait trop, donc on s’abstient mais on est constructif ».

(Réaction de M. Bonef.)

J’ai du mal à vous suivre. Il existe un acte de politique publique pour saisir cette problématique pour laquelle il n’y a pas de réponse de politique publique pour changer d’échelle sur ces programmes. Qu’elle soit d’Etat ou territoriale, aucune solution n’est apportée, aujourd’hui. Ce scénario est un début de réponse et répond concrètement à la situation des Picards, ceux qui paient de plus en plus cher leur énergie ainsi que ceux qui vivent dans l’inconfort. Cette proposition comporte les économies réalisées et le confort à l’intérieur de la maison, ce dont ils bénéficieront demain. Cela participe à l’amélioration de la qualité de vie des Picards en général.

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