Session du 27 septembre : Réponse de Michèle Cahu et Christophe Porquier au Front National

Sur le Programme de coopération décentralisée Picardie – l’Association pour la Promotion de l’Intercommunalité dans les douze communes des départements de Madaoua, Malbaza et Konni (APIMAK) au Niger : Accord cadre 2014-2017

 

MME CAHU : Le rapport 044-01-1 concerne le programme de coopération décentralisée Picardie avec l’association pour la promotion de l’intercommunalité dans les douze communes de Konni, Madaoua et Malbaza dont les maires sont présents et que je salue à nouveau.

Ils sont venus spécialement de leurs communes pour ce temps fort, pour eux, en Picardie. Ils ont pu suivre des formations et eu des échanges en rapport avec leur problématique actuelle. Cet accord cadre 2014- 2017 fera suite à un premier accord de 2007-2011.

Nous avions dès 2007 engagé une coopération avec ces communes pour aider à la gouvernance locale et renforcer les compétences des communes et des techniciens.

Un autre aspect du programme étant le programme de lutte contre la désertification. Il a permis notamment, la replantation de 800 000 gommiers et acacias depuis 2009 et des récupérations de terre très utile à la population. Ces récupérations leur ont permis de faire face aux besoins quotidiens du petit élevage et à l’achat de céréales.

En 2012 et 2013, monsieur le Président, notre assemblée a bien voulu continuer cette coopération, mais sans voter d’accord cadre. Il s’agissait de deux années de transition et nous voilà maintenant avec ce présent accord cadre qui prolonge cette coopération de 2014 à 2017.

Je voudrais souligner que, malgré les conditions difficiles au Niger, tant au plan du climat qu’au plan politique pour des questions d’insécurité, la continuité de cette coopération a été rendue possible, grâce à une assistance technique très présente, en particulier l’ONG dont le directeur est ici. C’est l’ONG Rail-Niger appuyée par un groupement d’opérateurs, dont l’IRAM est l’organisme essentiel. Je souhaite ajouter que la Picardie a pu obtenir des fonds de l’Union européenne pour cette coopération. De 2010 à 2014, c’est 1,3 M€ qui ont été attribués par l’Union européenne, répartis pour moitié entre le Niger et l’Alibori qui est une autre coopération.

On m’a indiqué, hier soir, que la Picardie se voyait confirmer un financement du MAE, sur la période 2013-2015 pour la capitalisation croisée de tous nos programmes de coopération, soit un financement de 83 000 €. Il s’agit de chiffres, mais le plus important à retenir est la solidarité entre ces populations, l’accompagnement à la décentralisation et donc à la démocratie. Comme je le disais hier au Président, lors du débat, à Nantes, au congrès de l’ARF, la table ronde sur la décentralisation était d’une grande richesse. Si nous pouvions ici, en Picardie, mettre en place un débat entre les élus locaux du Sud et du Nord sur ce thème de la décentralisation, je sais à quels points il serait fructueux et intéressant. Il pourrait apporter beaucoup à la Picardie, beaucoup à Konni, Madaoua et Malbaza.

 

 

M. GUINIOT : Merci, monsieur le Président. Nous n’avons pas dû entendre les mêmes choses à Nantes, puisque, effectivement, j’ai cru comprendre que la décentralisation entre le gouvernement français et les régions n’allait pas bien. D’ailleurs, M. Rousset, le Président des régions de France et de l’ARF, ne s’est pas gêné pour le dire publiquement, comme un certain nombre d’intervenants. D’autres collègues étaient témoins. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles nous refusons cette coopération, qui consiste à donner des leçons de décentralisation quand, en France, nous sommes infoutus de la réussir, cette décentralisation !

Les nations africaines n’ont pas besoin de cet exemple, du mauvais exemple, de ce que nous sommes incapables de faire, en France, s’agissant de décentralisation.

Par ailleurs, (je l’ai dit plusieurs fois mais plus on les répète, plus les choses entrent) nous sommes pour la coopération internationale, mais à partir du moment où c’est l’Etat français qui collabore avec vos nations et non pas les Régions puisque ce n’est pas les fonctions des Régions. C’est ce que nous considérons.

Nous considérons qu’il est bon d’aider les peuples africains chez eux, par le biais de l’Etat français, par le biais de coopérations gouvernementales et non pas par le concours d’un ou deux élus qui vont régulièrement passer quinze jours à tel ou tel endroit dans vos pays merveilleux.

Effectivement, il y a un certain nombre de choses à faire pour vous aider, pour aider les peuples africains, mais non pas à partir de cette petite région qui va battre le record national du chômage, dont nous sommes, là aussi, incapables de nous occuper sérieusement ! Donc avant d’aller donner des leçons aux peuples africains, nous devrions nous les donner à nous-mêmes !

C’est la raison pour laquelle, bien évidemment, nous votons régulièrement contre les dossiers de coopération. D’ailleurs, à ce sujet, monsieur le Président (et avant de saisir la CADA, je vous le demanderai par écrit, mais puisque c’est le sujet, je peux intervenir), je souhaiterais savoir, depuis le début de ce deuxième mandat sous votre direction, combien ont coûté, même si maintenant cela passe par une association pour dissimuler la chose, les voyages de l’élue Mme Cahu (je n’ai rien contre elle, évidemment, mais c’est la fonction que vous lui avez confiée que je vise), combien ont coûté aux Picards les voyages incessants qu’elle a faits.

On l’a vu en novembre et aussi aujourd’hui : il est prévu deux nouveaux voyages, d’une bonne dizaine de jours, deux fois 10 ou 12 jours, soit 24 jours. Cela fait pas mal pour aller au bout du monde parler de la décentralisation ! Effectivement, je ne sais pas si tout cela est réellement utile. Nous aurions pu – c’est pour cela que je vous l’ai dit tout à l’heure – inviter nos amis africains sur un autre thème. Mais en tout cas pas sur celui-ci.

Il y a peut-être dans cette maison des gens qui ont des idées de coopération. Il y a sans doute des choses à faire, notamment pour le bien-être des enfants de ces pays. Prendre le prétexte de l’intercommunalité, c’est vraiment se foutre du monde !

Nous vous demandons, monsieur le Président, de nous transmettre et de rendre public le coût des voyages effectués depuis ces cinq années, alors que nous sommes pratiquement à la fin de ce mandat. Je n’ai jamais saisi la CADA pour vous demander des documents, même si ces voyages passent par le biais de tuyaux qui servent à dissimuler la chose, notamment les coûts ; je vous le demande donc oralement aujourd’hui, très officiellement, mais je le ferai ensuite par écrit.

Voilà la raison pour laquelle, sans vouloir m’étendre sur ce cas, nous votons en permanence contre ces dossiers.

(Se tournant vers les invités nigériens.)

Il n’y a absolument rien contre nos invités, ni contre les belles nations qu’ils représentent, ni même contre leurs dirigeants nationaux, mais nous considérons que c’est à l’Etat français de collaborer avec vous, puisque vous devez savoir, chers amis, qu’en France, les contribuables picards paient une première fois…

 

M. LE PRÉSIDENT : Monsieur Guiniot, je vous rappelle que c’est ici que vous êtes !

M. GUINIOT : Mais vous n’êtes pas maire là-bas.

M. LE PRÉSIDENT : Vous êtes dans cette assemblée ! Monsieur Guiniot, je vous rappelle au règlement, comme vous n’arrêtez pas de le faire !

M. GUINIOT : Très bien. Vous voyez, nous savons donner des leçons de démocratie. Je ne peux même pas vous parler directement…

M. LE PRÉSIDENT : Et il se retourne encore !

M. GUINIOT : J’ai le droit, non ?

(M. Guiniot retourne sa chaise.)

Je vous parle, monsieur le Président !

M. LE PRÉSIDENT : Vous devez parler ici.

M. GUINIOT : Je m’adresse à nos invités !

(Il revient à sa place.)

Tout cela est effectivement…

M. LE PRÉSIDENT : Du cinéma ! Cinéma !

Dans la salle : Cinéma ! Cinéma ! Cinéma !

M. GUINIOT : Le contribuable français paie à l’Etat, au Conseil général et au Conseil régional par le biais des communes et par le biais d’un certain nombre d’associations. Nous ne voulons plus de cela. Nous voulons que ce soit l’Etat qui collabore avec vous !

M. LE PRÉSIDENT : Voilà, au revoir !

M. GUINIOT : Je ne suis pas encore parti !

M. LE PRÉSIDENT : Madame Fagot, vous avez la parole.

MME FAGOT : Monsieur le Président. Je voulais simplement dire, qu’au-delà de la solidarité picarde que nous partageons, il est intéressant que nos conventions de coopération soient abondées par l’Europe. Et je préciserai que, comme à l’habitude et pour tous les rapports de coopération décentralisée, Mme Monique Ryo, Mme Elodie Gossuin-Lacherie, M. Franck Pia et moi-même votons pour.

M. LE PRÉSIDENT : Je vous remercie. M. Porquier a la parole.

M. PORQUIER : J’entends le discours de M. Guiniot qui dit que l’État doit s’en occuper. Je suis curieux de voir qu’il renvoie la patate chaude au niveau national. Evidemment, les discours, au niveau national, de sa formation politique, ne vont pas être favorables aux politiques réelles de développement avec les pays du Sud.

M. BRIFFAUT : Vous n’avez pas bien lu, monsieur Porquier.

M. PORQUIER : Si, j’ai bien regardé.

M. LE PRÉSIDENT : N’interrompez pas l’orateur !

M. PORQUIER : Vous posez tout un tas de conditions à remplir pour qu’on puisse y arriver. Or, que se passe-t-il quand il y a des relations directes d’Etat à Etat ? Cela s’est passé avec le Mali lorsque l’Etat français, sous le gouvernement précédent d’ailleurs, mais peu importe, a décidé arbitrairement que l’aide au développement, en direction du pays, devait brutalement s’arrêter pour des raisons diplomatiques. Résultat, l’aide publique au développement a été directement supprimée.

Il ne faut pas perdre de vue qu’une coopération directe sur les territoires permet d’avoir une approche de terrain, comme cela a été souligné par ma collègue Michèle Cahu, et que l’objectif est bien de stabiliser les populations, les avancées démocratiques et les avancées en terme de développement. Ce sont des garanties pour la paix et la stabilité dans ces régions. Ces efforts, il faut les poursuivre. Il serait bien plus coûteux, après coup, d’avoir des interventions militaires, par exemple, pour rétablir des situations que de travailler en amont pour que la paix et le développement s’installent dans ces régions.

Votre discours « C’est pas notre problème ! On laisse faire, on s’en fiche ! », non ! À un moment donné, c’est toujours notre problème et c’est bien notre rôle de collectivité locale de travailler en solidarité avec d’autres collectivités locales. On ne travaille pas directement avec l’Etat mais avec d’autres collectivités locales, dans ce but recherché régionalement. Et j’en profite pour saluer très amicalement la délégation du Niger.

 

MME CAHU : Permettez-moi d’intervenir, monsieur le Président. Il y a une expression qui me fait bondir, et je vais sortir d’une forme de réserve dans le vocabulaire que j’ai l’habitude de tenir. Depuis neuf ans, j’ai l’habitude de recevoir les tomates pourries du Front National pour les actions de solidarité internationale de la Picardie que vous avez bien voulu me confier. Je m’inscris donc en faux contre les termes « des leçons à donner ». S’il y a bien une chose que la Picardie ne fait pas, ni au Bénin, ni au Niger, ni à Madagascar, c’est bien de donner des leçons. Il est scandaleux d’entendre cela ! Nous n’avons effectivement aucune leçon à donner. Nous avons du développement à partager et c’est ce que nous faisons.

Quant à la transparence des déplacements, là aussi, je m’inscris en faux. Les déplacements sont tout à fait transparents. Ils sont gérés par la Région. Et même, quand ils ne l’étaient pas, c’est-à-dire quand ils étaient gérés par le CIDR ou l’IRAM, ils étaient également transparents. Vous pouvez considérer que j’ai quasiment une boîte noire, comme un avion ! Quand je me déplace, mon emploi du temps est fixé non pas minute par minute, mais heure par heure et les techniciens qui m’accompagnent sont exactement dans la même situation de transparence. Nous essayons d’être utiles et de promouvoir une autre façon de coopérer, autrement que par les mitraillettes et le fric ! Voilà ce que nous faisons.

Ensuite, je dirai que nous ne sommes pas les seuls à la Région, élus, moi-même et les techniciens, à nous déplacer. Depuis plusieurs années maintenant, les échanges s’intensifient. C’est l’ADUGA, l’agence d’urbanisme d’Amiens qui fait des missions au Bénin et à Madagascar. Ce sont des étudiants de l’UPJV, l’Université de Picardie Jules Verne, de l’Ecole d’Ingénieurs Lasalle Beauvais, des stagiaires qui vont passer un, deux ou trois mois ou plus au Bénin, par exemple, pour aider l’intercommunalité (« intercommunalité », encore un gros mot pour vous, monsieur Guiniot !) qui soutient le GIC dans les Collines du Bénin afin de mettre en place différentes actions.

Nous voyons la progression. Elle est sanctionnée en continu par des évaluations qui sont également transparentes, dont une en 2011, une évaluation croisée des programmes qui a duré un an et a montré la pertinence des coopérations menées par la Picardie. Je conclurai, mais pas tout à fait : j’ajouterai que si nous obtenons des fonds du MAE et de l’Union européenne qui ont beaucoup d’exigences pour les attribuer, ce n’est pas pour rien.

Pour terminer, je dirai que les Picards ―et je m’adresse à nos amis nigériens pour qu’ils soient rassurés― ne tiennent pas votre discours, monsieur Guiniot.

M. GUINIOT : Non : un sur quatre seulement !

MME CAHU : Nous avons répertorié, de 2004 à 2010, 800 associations et collectivités qui veulent faire de la solidarité, parfois à une toute petite échelle et parfois à grande échelle. Et c’est ce que j’aurai appris de mes deux mandats qui vont se terminer en 2015 et qui m’ont donnés, personnellement et politiquement, une immense bouffée d’oxygène. J’ai découvert que la Picardie était une terre solidaire. Et même si vous continuez de vociférer dans vos rangs, vous n’y changerez rien !

Remonter