«Moscou fait un exemple avant les JO de Sotchi» – Libération, 23/10/2013

Yannick Jadot, député européen EE-LV et ancien directeur des campagnes de Greenpeace France, déplore le silence de Paris, qui accueillera la conférence de l’ONU sur le climat en 2015.

Comment expliquer le peu de réactions diplomatiques à la détention des militants de Greenpeace ?

Certains pays protestent, comme le Brésil ou l’Australie. Les Pays-Bas ont engagé une procédure juridique. La chancelière allemande, Angela Merkel, a fait part de son «inquiétude» auprès de Vladimir Poutine… Mais à part ça, les réactions sont très faibles, c’est vrai. La Russie profite de son rôle dans la crise syrienne. De nombreux pays fantasment sur les réserves d’hydrocarbures de l’Arctique. Gazprom est un Etat dans l’Etat en Russie, mais aussi un «Etat dans l’Europe».

En ce qui concerne le silence de la France, Greenpeace paie son opposition au nucléaire… Beaucoup de nos responsables politiques ne se sentent pas dans l’obligation morale de défendre de manière forte et publique la liberté d’expression et l’action contre l’exploitation de l’Arctique et le réchauffement climatique. Ce n’est pas raisonnable pour un pays qui accueillera la conférence climat et prétend jouer un rôle historique dans la défense de l’Arctique, à l’écosystème si fragile.

Vous exagérez ! Nous avons tous signé un appel invitant Paris à tout mettre en œuvre pour permettre la libération des militants. Mais ce ne seront pas les Verts français qui feront pression sur Poutine, on a déjà du mal à faire pression sur Hollande ! Au Parlement européen, on s’est battus pour qu’un débat ait lieu. Mais là aussi, le Parlement s’exprime sans être en mesure de contraindre Moscou, qui cherche à protéger Gazprom et à faire un exemple avant les Jeux olympiques de Sotchi.

Ce faible soutien n’est-il pas dû au fait que Greenpeace irrite ?

Greenpeace énerve, car il alerte sur les dangers et met chacun devant ses responsabilités, y compris les Etats. Aujourd’hui, on pense que Total lutte contre le changement climatique et qu’EDF promeut les économies d’énergie. C’est faux, ils restent des acteurs de l’ébriété énergétique et continuent d’exercer une pression considérable à Bruxelles pour maintenir le statu quo, qui est un non-sens écologique et économique. Greenpeace empêche de fantasmer en rond, en pensant qu’on peut revenir à la croissance des Trente Glorieuses avec des énergies du passé, comme le charbon, ou les gaz de schiste… Alors que les économies d’énergie et les renouvelables créeraient beaucoup d’emplois. En Arctique, le crime paie : les responsables de la fonte de la banquise liée aux émissions de CO₂ vont en bénéficier, c’est d’un cynisme absolu !